le correspondant français sans langue de bois

 

CARNET DE VOYAGE

Jérusalem

 

Florian GuadalupePar Florian Guadalupe

 

Après une dizaine de jours passés au carrefour du Moyen-Orient, nous avons réalisé la complexité de ce jeune pays, que ce soit sur le plan géopolitique, culturel, religieux et social. Couvrir pour la France de telles problématiques est un vrai défi. Nous, reporters en herbe, l’avons saisi lors de notre rencontre avec Charles Enderlin et sa femme, Danièle Kriegel, journaliste au Point.

C’est au Kibboutz de Jérusalem que nous avons pu échanger avec ce journaliste franco-israélien, grand reporter pour France 2 depuis 1981. Aux côtés de son épouse, il est revenu sur les difficultés qu’il peut avoir au quotidien. Être correspondant en Israël réclame un recul et une connaissance des différents vocabulaires. « Certains termes utilisés en France ne le sont pas en Israël » a expliqué le spécialiste du conflit israélo-palestinien. Pour parler des territoires occupés ou des colons, le gouvernement israélien utilise le terme de « territoires administratifs ». Le langage de la politique internationale favorise l’expression «  Cisjordanie » et non « Judée-Samarie ». C’est en fonction de l’emploi de ces mots que l’on se positionne à l’intérieur du conflit, Israël voulant convaincre les journalistes d’utiliser des termes qui lui sont favorables.

« Et il faut plus de suivi des actualités internationales par les rédactions parisiennes » a affirmé le vice-président de l’Association des correspondants de la presse étrangère à Jérusalem. Terminé le temps du correspondant en Israël qui proposait ses propres sujets aux télévisions de la métropole. Désormais, il se retrouve à capter des images dites « commandées », où le rédacteur-en-chef ne demande qu’une illustration ou un commentaire d’un sujet prédéfini depuis Paris.

EnderlinCharles Enderlin a souhaité revenir sur un événement qui a été un tournant dans sa carrière : la controverse de la mort de Mohammed al-Durah. En septembre 2000, un de ses reportages montre un enfant palestinien mort de balles israéliennes dans les bras de son père, lors de la seconde intifada. L’armée présente d’abord des excuses avant d’affirmer que les tirs venaient de la Palestine. Mohammed al-Durah ainsi que des personnalités pro-israéliennes, ont jugé que la séquence était mise en scène et ont ensuite poursuivi en justice le reporter de guerre. Riposte de France 2, la rédaction porte plainte contre X pour diffamation. La justice donne raison à France 2 et à son journaliste en 2013. Afin d’en finir avec cette histoire, le correspondant de Jérusalem sort en 2010 Un enfant est mort, un livre retraçant en détail la polémique.

À quelques mois de sa retraite, Charles Enderlin nous a offert une autre vision du journalisme en Israël, plus critique et plus complexe. Une pointure reconnue dans tout le Moyen-Orient, mais qui, par ses prises de position, ne s’est pas toujours fait des amis dans les deux camps du conflit. On ne fait pas ce métier pour être aimé.