Par Joanna Thevenot

 

Cette année encore, les étudiants en journalisme de Gennevilliers ont eu la chance unique de pouvoir visiter les locaux du Canard enchainé. Le journal satirique est connu pour avoir révélé de nombreux scandales sans jamais avoir changé sa ligne éditoriale.

 

Le rendez-vous est pris vendredi 5 décembre avec Frédéric Pagès, ancien professeur de philosophie et journaliste au Canard Enchaîné depuis 1986. L’homme au visage rieur nous guide dans les escaliers étroits du bâtiment, rue Saint-Honoré. La rencontre se déroule dans la salle où se tient les conférences de rédaction du journal. La pièce est tapissée de dessins parus dans l’hebdomadaire. Les styles des différents caricaturistes se mélangent. L’ambiance est légère, Frédéric est là pour partager le fonctionnement du « plus vieux canard de France ». Il commence par un petit tour historique de ce qu’il appelle « un journal d’esprit fait par des messieurs en cravate ».

Après une distribution de l’exemplaire de la semaine pour chacun des étudiants, un dialogue s’installe avec le journaliste. Il explique à quel point la place des dessinateurs est particulièrement importante dans la rédaction.Cabu est évoqué avec un grand respect : Il est le seul caricaturiste qui travaille aussi pour un autre journal : Charlie Hebdo, proche du Canard Enchaîné. Cependant, selon Frédéric Pagès, ce dernier peut être jugé comme « une satire familiale avec un humour de l’euphémisme ».

La marque de fabrique du Canard

Le Canard Enchaîné fait office d’ovni dans le secteur de la presse, car il survit sans publicité et sans appartenir à un groupe de presse. « Cela relève du miracle » alors que les ventes du journal satirique sont relativement stables par rapport aux autres journaux en chute libre. L’investigation est sa marque de fabrique. En effet, « les journalistes sont muets comme des tombes avec leurs sources, c’est pour cela qu’ils y arrivent ». Le Canard garde une certaine légitimité parmi tous les autres, car ses employés revendiquent une intégrité sur le plan commercial et éthique. Ils se refusent à passer au numérique, ne voulant pas « mettre leurs travaux gratuitement » à disposition.

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Sans langue de bois, le journaliste n’a rien à cacher, évoquant à la fois la ligne éditoriale du Canard « plus sensible à gauche », et des affaires qui ont marqué la rédaction. Tandis que l’affaire des diamants impliquant Giscard d’Estaing, est celle qui va rendre l’hebdomadaire célèbre, Frédéric Pagès ne se détourne d’aucune question, avouant qu’ils ont « manqué de niaque sur le cas Cahuzac ».

Les questions des étudiants en journalisme fusent parfois, cherchant à contredire le rédacteur du Canard. Après une question juridique où Frédéric Pagès hésite, il choisit d’appeler son rédacteur en chef Louis-Marie Horeau pour demander confirmation. Le journaliste a finalement raison, ce qu’il n’hésite pas à faire remarquer en rigolant.

Le Canard Enchaîné, dernier rempart de la presse traditionnel, manque cependant cruellement de nouvelles recrues. L’équipe actuelle, majoritairement masculine, se fait vieillissante. Si vous avez un humour satirique, ils n’attendent que vous pour continuer de faire vivre l’esprit « canard ».