CARNET DE VOYAGE

Tel-Aviv

 

Par Guillaume Galpin et  Frédéric Scarbonchi

 

Les étudiants du Master Journalisme de Gennevilliers ont cette fois posé leurs valises à Tel-Aviv. Au programme, une première journée intense avec la visite d’un hôpital, la rencontre du plus vieux journaliste du monde et la conférence d’un célèbre caricaturiste israélien.

22h40, la journée se termine. Si certains avaient oublié que c’était un voyage d’études, le planning nous l’a rappelé. Tel Aviv, capitale mondiale de la fête, est notre dernier point de chute avant le retour à Paris.

Pour commencer l’excursion de cette ville, pas de night club mais plutôt le plus grand hôpital du Moyen-Orient : Tel-Ashomer.

Tamara Atav, chargée des relations internationales de l’établissement, nous fait la visite de cet hôpital ultramoderne. La médecine fait partie intégrante de la tradition juive et « représente une part importante du PNB israélien » selon notre guide d’un jour. Le rapport de l’OCDE datant de 2012, indique que les dépenses en matière de santé représentent 7,3% du PNB. En France, ces dépenses concernent 11,6% du PNB. Cela n’empêche pas que la quasi-totalité des médicaments génériques consommés en Europe sont sous licence israélienne.

Premiers lieux visités, les espaces destinés aux enfants. Dès l’entrée, nous sommes frappés par les couleurs vives et la décoration : « C’est un peu un Disneyland. Le but est de réduire le stress et d’avoir un espace ludique » confirme Tamara Atav. Le bâtiment accueille une salle de cinéma, une bibliothèque, de nombreux aquariums et des bénévoles sont présents pour jouer avec les enfants. Durant notre parcours, nous avons par exemple eu la chance de croiser un clown déambulant avec les enfants hospitalisés qu’il croise.

Hopital Tel Ashomer - Tel-Aviv

Et pour s’assurer du bien-être de l’enfant, des appartements sont mis à la disposition des parents. « On cherche à freiner les longues hospitalisations, on favorise les visites express ». L’hôpital dénombre 60 000 visiteurs par an pour 150 lits. La moitié des patients vient de Palestine. Pour faire fonctionner l’établissement public, l’institution fait appel à des mécènes, notamment la fondation Safra. Heureusement d’ailleurs car « le budget de l’Etat pour la santé est très faible », nous avoue, un peu gênée, notre interlocutrice. En exemple, elle cite le cas de deux nouveaux étages de 15 lits chacun mais inutilisés car l’Etat ne donne pas les fonds nécessaires pour atteindre le quota d’infirmières nécessaires à son fonctionnement.

Technologie de pointe à Tel-Aviv

Au cours de la visite, nous avons eu la chance de pouvoir échanger avec la chef des assistantes sociales des troubles alimentaires, et un médecin français, Alain Seraf, installé aujourd’hui à Tel-Aviv dans « ce centre phare de la chirurgie et de la malformation cardiaque ». « La médecine est à la pointe de ce qui fait en Occident », confie le chirurgien. Nous avons eu l’occasion d’en avoir la preuve grâce au Centre de réalité virtuelle, opérationnel depuis août 2005 pour 2,2 millions d’euros. L’objectif de ce centre est d’aider les personnes ayant des difficultés à marcher ou devant être rééduquées à retrouver leur pleine motricité. Une démonstration nous a été faite : comme dans un jeu vidéo, le patient se retrouve dans une sphère numérique. Attaché à un harnais, ce dernier marche sur un tapis roulant en essayant d’attraper des ballons qui défilent virtuellement devant lui. Cette technique permet de mieux savoir sur quelle partie de son corps la personne s’appuie pour se déplacer et où elle est en difficulté. La thérapie peut être alors adapter au plus près.

Centre de réalité virtuelle - Hôpital Tel-Ashomer

Au Centre de réalité
virtuelle

Noah Klieger, journaliste

Noah Klieger, journaliste au Yediot Aharonot.

« Leçon de journalisme » par la droite radicale

À peine le temps de faire le tour d’une infime partie de ce gigantesque hôpital qu’il est déjà 13 heures. Un rendez-vous est fixé avec le plus vieux journaliste en exercice du monde. Noah Klieger travaille au quotidien Yediot Aharonot, le grand journal de centre-droit d’Israël. Ce chevalier de la Légion d’honneur, correspondant à L’Equipe pendant près de 60 ans, nous accueille avec pâtisseries et boissons dans la salle de rédaction de son journal, prêt à nous offrir sur un plateau ses connaissances.

Il prophétise : « La presse écrite imprimée n’existera plus dans 5 ans ». Un avis contesté par les étudiants qui voient en internet l’occasion pour le print de se renouveler. Du haut de sa longue expérience, difficile de faire contrepoids à ses certitudes. Même chose pour le conflit Israélo-Palestinien. Pour lui, « les Arabes sont des pauvres mecs dirigés par des incompétents ou des criminels ». Sur ces paroles, certains membres de l’assemblée décident de quitter la salle. L’autre partie reste, attentive mais ébahie, et face au refus de l’éditorialiste de répondre à nos objections, l’entretien se termine dans une atmosphère tendue. Il fustigera enfin notre incompétence sur le sujet, allant même jusqu’à affirmer une meilleure connaissance que nous sur l’actualité française « où des pogroms ont lieu à Sarcelles ».

La caricature vue par Michel Kichka

La rencontre d’un autre journaliste, ou plutôt caricaturiste israélien, a finalement adouci les mœurs. Michel Kichka, un belge installé à Jérusalem depuis 1974, croque

Michel Kichka, journaliste dessinateur

Michel Kichka, journaliste dessinateur

l’actualité pour la chaine i24news où il commente ses dessins à l’antenne. Il collabore aussi avec TV5 Monde ainsi qu’au Courrier International. Membre du mouvement Cartooning for Peace, il partage son vécu de l’attentat à Charlie Hebdo en janvier dernier, « un moment terrible, qui m’a donné la même impression que le 11 septembre ». Il raconte alors son dilemme après le drame : « Que dessiner lors de grands drames comme ça ? Je pense qu’on ne peut pas tout dessiner, mais la presse satirique est le seul journal qui devrait avoir toutes les libertés ». Pour lui, la laïcité est la première protection pour la liberté de culte et confirme d’ailleurs qu’il ne pourrait pas se permettre, en Israël, de faire les mêmes dessins que Charlie Hebdo.

Cette rencontre était également l’occasion de rappeler l’impact très fort que peut avoir un dessin : « On peut tous comprendre un dessin, pas besoin d’être un érudit ». Il souligne aussi que le lecteur d’une caricature doit accepter le 2nd degré et être complice del’auteur. Des conseils qu’il donne déjà aux Beaux-Arts de Jérusalem où il enseigne le dessin de presse.

La journée se termine alors que le soleil est déjà couché à Tel-Aviv. Pour le souvenir, une photo avec Kichka, et pour tous, un instant de repos bien mérité avant de prolonger notre découverte de la « ville sans interruption ».

 

Master Journalisme gennevilliers avec le dessinateur M. Kichka

Photos Guillaume Galpin