Vendeur de journaux (La Gaité, Paris juin 2014)

Par Léa Sabourin

La migration de la presse écrite vers le support numérique n’impacte pas seulement les titres de presse. Les vendeurs de journaux se retrouvent également pris dans cette tourmente et leur nombre décroit chaque année. Selon l’Insee, « depuis le début des années 1990, la presse et le livre reculent dans le budget des ménages ». Deux diffuseurs de presse installés à Achères et Poissy, dans les Yvelines, reviennent sur les difficultés d’une profession sur le déclin et d’une presse écrite rongée par le web.

Le numérique « m’a tuer » !

Une phrase qui pourrait bien résumer la situation critique des diffuseurs de presse français d’aujourd’hui. Situé dans les quartiers périphériques du centre-ville de Poissy, le vendeur de journaux a vu la superficie de son magasin se réduire de 60%. Il y a deux ans, ce point de vente faisait trois fois sa taille actuelle. « C’est la faute d’internet » déclare le gérant, « les clients ne viennent quasiment plus acheter leur journal et préfèrent s’abonner sur internet ». A quelques kilomètres, dans la ville voisine, la Maison de la presse d’Achères (MPA) fait le même constat, « il y a moins de ventes au numéro parce que les gens ont accès à internet et lisent leur journal sur le web ». Parallèlement, l’abonnement court-circuite les diffuseurs car « beaucoup de personnes s’abonnent et systématiquement, il y a moins de clients qui viennent le chercher ici. Ils attendent de le recevoir dans la boite aux lettres le matin à 7h », s’exaspère le vendeur.

Se diversifier pour survivre

Rien que pour le mois de septembre 2015, ce sont 15 marchands de journaux et magazines qui ont baissé le rideau, d’après les études de la Messageries Lyonnaises de Presse (MLP). Pour le point de vente de Poissy, mis à part le Parisien qui trouve encore son public, les autres titres font choux blanc. Le gérant évalue à 50% la baisse des ventes des journaux et ce sur une durée de deux ans seulement. Les diffuseurs n’ont désormais plus le choix et doivent diversifier leur activité pour maintenir la tête hors de l’eau. « Ce qui me permet de vivre c’est tout le reste comme la papeterie, la librairie, la française des jeux, la carterie », nous confie le gérant de la Maison de presse d’Achères. « La presse maintenant c’est un quart de mon magasin. Et encore j’ai de la chance d’être dans le centre-ville et donc bien placé ». Un avantage dont ne bénéficie pas son confrère de Poissy, qui ne voit dans la papeterie qu’un leurre pour la profession… « il faut trouver une autre solution, une autre idée pour pouvoir continuer ».

Un jeune public absent

Des habitués qui vieillissent et des jeunes qui dénigrent les vendeurs de journaux. Pour le point de vente d’Achères, le web reste le principal responsable. « Les jeunes viennent de moins en moins car ils sont plus habitués avec leur portable, à aller directement sur internet ». Bien que les magazines people ou les programmes télé continuent de bien se vendre, l’Insee révèle dans une étude que « le recul du poids de la presse dans le budget moyen ne correspond pas à un recul général mais plutôt à l’arrivée de nouvelles générations moins consommatrices de presse écrite que leurs aînées ».

Après avoir confié le sentiment d’incertitude qui plane sur l’avenir de leur commerce et leur profession, les deux diffuseurs font l’état, plus ou moins surprenant, de l’apparition d’une nouvelle clientèle. En effet, les magazines jeunesses prennent de l’ampleur et trouvent leur lectorat chez les enfants qui apprennent à lire et ne s’abonnent pas forcément à ce type de presse. Finalement, pour la MPA « les plus gros consommateurs de presse maintenant ce sont les enfants ».

La presse jeunesse serait-elle le nouveau marché à convoiter pour les journaux ? En attendant la prochaine réforme de la distribution de la presse, promise par François Hollande pour la fin d’année, cette spécialité semble être devenue une bouée de secours pour les diffuseurs, face à des titres qui délaissent le papier pour le numérique.