Laura-Esméralda SALGON https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/author/laura-salgon/ De la presse écrite au web Journalisme Fri, 01 Oct 2021 07:03:28 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.2 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/wp-content/uploads/logo-CYU-1-1-150x150.png Laura-Esméralda SALGON https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/author/laura-salgon/ 32 32 Les mamas de Grigny, un traiteur solidaire https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/les-mamas-de-grigny-traiteur-solidaire/ https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/les-mamas-de-grigny-traiteur-solidaire/#respond Fri, 01 Oct 2021 06:59:22 +0000 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/?p=12680 Figures familières du parvis de la gare et ses brochettes, les Mamas de Grigny s'essaient aux fourneaux du coeur sous la tutelle du GRDR. Ces 8 femmes immigrés originaires d'Afrique ont lancé un service de restauration destiné aux populations défavorisés de la ville, la plus pauvre de France. Encadré par la mairie et l'ONG, le projet valorise le savoir-faire de ces mères de famille.

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Photo : Lundi et Oumou coupent des tomates ©Laura-Esméralda Salgon

Ces 8 femmes immigrés originaires d’Afrique ont lancé un service de restauration destiné aux populations défavorisés de la ville, la plus pauvre de France. Encadré notamment par la mairie et l’ONG Grdr, le projet valorise le savoir-faire de ces mères de famille.

Ce jeudi matin, Koudedia, Lundi, Damba et Oumou s’activent en cuisine dans une ambiance joyeuse. Elles épluchent les carottes, coupent les oignons et préparent les cuisses de poulet pour le couscous qu’elles vendront au Centre Communal d’Action Sociale (CCAS) de Grigny. L’établissement public distribuera ensuite les plats « cuisinés avec amour » à des personnes en grande précarité. L’association les Mamas de Grigny est un restaurant solidaire qui réunit huit « mamas » immigrées d’origine africaine qui cuisinent mafé, couscous ou encore tieb, chaque lundi et jeudi matin dans la petite cuisine de l’épicerie solidaire de la commune. Un aboutissement, pour ces femmes qui sont souvent dans une situation irrégulière, contraintes de vendre brochettes ou maïs sur le parvis de la gare de Grigny, pour joindre les deux bouts.

Cécile Lundi que tout le monde appelle Lundi s’attelle à couper les oignons. Originaire du Congo, elle a quitté ses deux enfants pour s’installer en France. Le projet des Mamas de Grigny s’inscrit dans la continuité de son histoire personnelle. « Nous, en Afrique, nous avions un restaurant et une pâtisserie. Nous vendions des cakes, des croissants et des beignets. », énonce-t-elle avec une pointe de fierté dans la voix. Lundi s’est installée à Grigny, il y a cinq ans après avoir quitté Paris car son logement était « trop petit ». Depuis son arrivée en France, elle s’est échinée à trouver du travail. « Ici, on n’a pas le choix, on travaille. On est venus pour travailler » affirme-t-elle. La mère de famille âgée de 50 ans travaillait à temps partiel en tant que femme de ménage dans un collège à Rueil Malmaison (Yvelines), pendant 8 ans. « Il m’arrivait parfois de rentrer à 22 heures, avec les transports », confie Lundi. En parallèle, elle vendait de la nourriture africaine sur le parvis de la gare. Six personnes se partageaient les escaliers qui surplombent l’arrêt du RER D de Grigny, vendant brochettes, prunes ou encore écouteurs. « On a eu des problèmes avec la police. Ils contrôlent, ils fouillent puis jettent toute la marchandise à la poubelle » déplore Koudedia, une autre mama, une Malienne de 39  ans.

« C’est Roberta qui est venue nous chercher sur le parvis de la gare »

Cécile Lundi, membre des Mamas de Grigny

Il aura fallu une rencontre décisive pour que les deux femmes se lancent dans l’aventure les Mamas de Grigny: « C’est Roberta qui est venue nous chercher sur le parvis de la gare » raconte Lundi. Roberta Bocca fait partie du Grdr (Migration-Citoyenneté-Développement) une ONG qui œuvre en faveur du développement en Afrique de l’Ouest, en France et en Europe. La jeune femme à l’accent italien chantant est venue à Grigny il y a un an et demi pour faire un simple rapport sur les vendeurs à la sauvette. Très vite, elle repère le potentiel de ces femmes. « Quand je suis arrivée à Grigny, on m’a dit que six femmes m’attendaient à mon bureau à Pablo Picasso. Je ne savais pas à quoi m’attendre. J’étais gelée, elles me regardaient sans rien dire pendant que je leur présentais le projet. Puis à la fin elles m’ont dit: “Oui, on est d’accord, on y va.’ », se remémore Roberta.

L’association leur fournit ensuite l’appui nécessaire pour qu’elles développent le restaurant : cours de cuisine avec des chefs, soutien juridique et formation de marketing et de communication. « Elles ont des compétences et des capacités de cuisine formidables », s’émerveille Roberta face à la rapidité d’apprentissage des Mamas de Grigny, « elles sont capables de s’adapter à une cuisine totalement différente de leur pays d’origine ».

« Une fois que nous aurons la réponse de la mairie pour les aides et que nous aurons imprimé les flyers, les gens viendront. » espère Lundi. Pour l’instant, l’association travaille dans une petite maison, à dix minutes à pied de la gare. « Si on veut cuisiner à terme pour 300 personnes, on a besoin de quatre plaques de cuisson plus grandes » ajoute Lundi. Si Roberta reconnaît que la mairie a été d’une grande aide, elle regrette qu’à ce jour ces femmes ne puissent pas recevoir une rémunération suffisante pour leur travail « Certaines continuent leur activité sur le parvis de la gare. Elles disent qu’elles sont bénévoles et ça me déprime ». Ce jeudi matin, des architectes sont venus inspecter les locaux partagés pour évaluer les travaux à faire. Mais la jeune femme membre du Grdr veut y croire. Pour elle, développer ce genre d’initiatives avec des femmes issues de l’immigration a de nombreuses vertus : « On s’est rendu compte que passer par la cuisine aidait à débloquer beaucoup de situations socio-professionnelles et familiales. On développe un lien de confiance ». Amandine Spire, maître de conférence en géographie à l’Université Paris VII et qui fait partie du projet depuis six mois, abonde en ce sens : « C’est la reconnaissance d’une activité économique. C’est donner la place à des personnes peu entendues qui sont souvent dans des situations irrégulières et dans une grande précarité ». Olivier Cousin, réalisateur de Murs de Papiers, renchérit « On cherche à donner de la visibilité à ces femmes en leur redonnant leur place et en suscitant le débat. » Ce matin-là, Olivier Cousin et Amandine Spire se rendaient à la mairie de Grigny pour rencontrer des élus.

L’association souhaite alerter les élus locaux certes mais aussi donner une autre image de la ville la plus pauvre de France. « On parle toujours de la pauvreté et de la misère à Grigny. J’espère qu’avec ce genre d’initiatives on pourra mettre en lumière quelque chose de positif » conclut Roberta.


Un reportage de Jade Le Deley et Laura-Esméralda Salgon

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Aya Laurie Kouadio : Les enfants « microbes », portrait « d’une société malade » https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/interview-de-aya-laurie-kouadio-sur-les-enfants-microbes/ https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/interview-de-aya-laurie-kouadio-sur-les-enfants-microbes/#respond Wed, 12 May 2021 09:35:27 +0000 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/?p=11914 En Côte d’Ivoire, le phénomène des « microbes », comme le surnomme la population ivoirienne, est le témoignage d’une « société malade ». Délinquance juvénile meurtrière à l’issue de la crise post électorale de 2011 en Côte d’Ivoire, ils persistent encore aujourd’hui dans les ruelles d’Abidjan, la capitale économique. Pour la chercheuse ivoirienne Aya Laurie Kouadio, le phénomène des « microbes » tire l’alarme d’une société obsolète en pleine mutation. Ils sont les produits d’un environnement à l’abandon.

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Pour la chercheuse ivoirienne Aya Laurie Kouadio, le phénomène des « microbes » tire l’alarme d’une société obsolète en pleine mutation.

Délinquance juvénile meurtrière à l’issue de la crise post électorale de 2011 en Côte d’Ivoire, les « microbes » persistent aujourd’hui encore dans les ruelles d’Abidjan, la capitale économique. Pour Aya Laurie Kouadio, chercheuse ivoirienne à Indigo (Initiative de Dialogue et Recherche Action pour la Paix en Côte d’Ivoire) et autrice du livre « Les Microbes, nouveau visage de la criminalité urbaine à Abidjan », les « microbes » sont semblables aux enfants soldats ; produits d’une période confuse, d’un entre-deux, « un temps de ni paix, ni guerre ». De la saleté, naissent des microbes et bactéries en tout genre, les relents d’un environnement à l’abandon. Des enfants en quête, souvent, d’un bonheur simple.

Quels sont les éléments déclencheurs de ces phénomènes de délinquance juvénile ? 

Aya Laurie Kouadio — Lorsque j’ai étudié les « microbes », j’ai analysé réellement le « microbe » comme des bactéries, révélatrices de l’état de santé de l’endroit où ils se trouvent. La géographie est un élément déclencheur de la trajectoire de ces enfants. Ils vivent dans des quartiers où l’on n’a pas envie de vivre. Ce sont des lieux sans aménagement de territoire. Pas d’eau, pas de courant, pas d’hôpitaux ni d’école publique. C’est dans ces quartiers là, que les microbes sévissent. Ils appartiennent à des familles où les parents n’ont pas de temps pour eux ; des maisons, où l’on est 5 ou 10 pour un T2. Alors, il faut être dehors. Dehors, on peut vendre de la drogue, être dans un groupe d’ami, pour voler, se battre, et gagner plus d’argent .

Il faut aussi comprendre que dans les bandes ivoiriennes, il y a les microbes, mais il y a aussi le « vieux père ». Il est le papa de cette bande, de ces enfants. Ils ont confiance en lui. Il devient un modèle de réussite, même si il est proxénète, même si il tue… C’est une figure paternelle. Si l’on ne comprend pas ça, on ne peut pas comprendre le phénomène des microbes. Les microbes cherchent à se réinventer, ils sont en quête de quelque chose qu’ils n’ont pas. Trouver une famille qui les aime et les comprend, qui prend soin d’eux. Le « vieux père » répond à ces besoins. C’est ça qu’un enfant veut. Ce lien si fort, entre le vieux père et les microbes, c’est une variable clé. Par la suite, plusieurs d’entre eux — parmi ceux qui ne sont pas morts —sont partis en Europe, pour « se chercher ». D’autres parviennent à faire des petits métiers, ou fondent une famille. C’est là que l’on voit que ce qu’ils recherchent, c’est juste une vie meilleure.

Ils se concentrent uniquement dans les périphéries ?

Oui, c’est plutôt en périphérie. Abidjan, c’est un peu comme à Paris, mais en pire. Tout se concentre à Abidjan. Il y a 12 communes, et dans ces 12 communes, il y a des « communes dortoirs ». Il y a vraiment une sorte de ségrégation — le mot est un peu fort, mais je l’utiliserai — entre ceux qui ont les moyens, avec des communes résidentielles, et les « communes dortoirs », pour ceux qui sont venus chercher une place au soleil, dans les villes urbaines.

La Côte d’Ivoire, comme beaucoup d’autre pays africains qui ont vécu des guerres civiles, a une grande ville économique — la seule souvent — réceptrice d’un afflux [conséquent] de personnes fuyant les zones rurales, particulièrement lors des crises comme celle de 2002. Ce sont des personnes qui abandonnent tout pour fuir. A l’arrivée, ils se logent dans des quartiers périphériques comme Abobo, au nord d’Abidjan, ou Yopougon, à l’ouest. Ces quartiers deviennent des communes dortoirs, très peuplées. De facto, ces communes-là, et les gens qui y vivent, sont marginalisés. Et dans cette sorte de reconstruction interne, il y a tout ces phénomènes déviants qui s’y opèrent. Rien n’a été prévu, les gens vivent au jour le jour. J’ai remarqué également une chose. Dans les quartiers marginalisés il y a des marginaux, mais il y aussi d’autres marginaux qui marginalisent les autres : dans la périphérie, il y a encore des périphéries. Ainsi, le problème reste et demeure, dans ces périphéries. Mais pas dans les quartiers comme Le Plateau, au centre d’Abidjan, ou Cocody, qui sont des quartiers résidentiels.

En France, nous avons les Apaches, les Blousons Noir, mais la mémoire collective semble les avoir oubliés face aux rixes récentes… En est-il de même en Côte d’Ivoire ? Les Microbes sont-ils vraiment un « nouveau » phénomène ?

Lorsque l’on parle des microbes, on a l’impression que c’est une première. Mais les microbes ne sont qu’une mutation, une reproduction, ou une métamorphose de phénomènes de délinquance plus anciens. C’est parce que l’on n’a pas résolu le problème qu’ils sont là. Les microbes reproduisent des dynamiques des bandes passées. Avant, il y avait les Nouchis (années 70) — des bandes parés de gri-gri qui semaient la terreur à Abidjan et combattait avec des armes blanches . Puis, sont apparus les Ziguehi (de l’ivoirien zigbohi, « celui qui se bouge », un garçon courageux et débrouillard), plutôt amateur d’art martiaux. Ils se battaient à main nues. Chaque quartier avait ses loubards. C’était une force au sein de la jeunesse, avec un gros potentiel de violence. Les Ziguehi d’hier sont les « vieux pères » d’aujourd’hui. Ils ont 40 ans, ils ne peuvent plus aller dans la rue pour faire des casses. Demain, le microbe de 15 ans sera un vieux père de 30 ans. Être « vieux père », c’est quelque part le rêve de plusieurs jeunes microbes ; être leader d’une communauté, et avoir eux aussi, à leur tour, des microbes à leur solde. C’est un cercle vicieux.

Quelle différence entre les bandes d’autrefois et celle d’aujourd’hui ?

Autrefois, ils n’étaient pas aussi jeunes. C’étaient presque des adultes, dans la vingtaine, qui auraient pu être étudiants. C’était des vagabonds qui n’avaient pas pu aller à l’école. Aujourd’hui, les microbes sont beaucoup plus jeunes, de 8 à 20 ans. Certains sont scolarisés. Ils vont à l’école. Et les plus petits, sont les plus virulents. Ils ne réfléchissent pas.

Et puis, même si les délinquants d’avant ont également connu la marginalité, les problèmes économiques… ils ne sont pas apparus suite à un contexte de guerre ou de crise politique, contrairement aux microbes. Certains des microbes que j’ai étudié ont fait leurs armes dans les conflits et la violence de la crise post-électorale de 2010/2011. Même si ils n’ont pas participé activement à la guerre. C’est dans leurs quartiers, dans des communes comme Abobo, que la guerre a battu son plein en 2011. Ils ont vécu la guerre, ils ont entendu les Kalachnikov. Ils ont vu les corps. Ils ont vu les machettes. La réalité à laquelle ont été exposés ces enfants là, et qui fait parti de leur héritage, est différente de celle des autres délinquants. Il y a un documentaire qui les nomme « les enfants de la crise ». La crise post-électorale a laissé un certain vide dans ces communautés, en particulier à Abobo [ndr : quartier d’Abidjan dans lequel les microbes ont été particulièrement nombreux]. Moi, je n’habitais pas à Abobo à cette époque, mais ce que j’entendais me traumatisait. Pour ceux qui vivaient là-dedans, c’était inimaginable. On chevauchait les corps, il n’y avait pas de nourriture. Il y avait des obus qui détruisaient les marchés. On sentait la putréfaction des corps, on voyait les hommes qui tiraient, et, souvent, les enfants qui ont été des microbes portaient les balles pour les « grand frères » [ndr : terme affectif pour les ivoiriens] qui allaient combattre. Ils portaient les armes, ils donnaient la localisation des camps adverses. C’était des indicateurs.

A la fin de la crise, on n’a pas su prendre les gens en charge psychologiquement. Il y a eu un moment de liberté, d’absence de la loi, et les armes ont circulé. Lorsque tout est sale, naturellement, il y a des microbes et des bactéries. C’est de là que les microbes émergent. Du reliquat de la crise. Souvent, certains disaient « mon père est mort dans la crise, c’était un ancien combattant. » « On s’est retrouvé sans rien. Il fallait que je me débrouille, et mes amis m’ont fait rentrer chez les microbes.» C’est ça la différence. Les microbes pour moi c’est les enfants soldats ; pas en temps de guerre non, mais en temps de « ni paix, ni guerre ». Au Libéria, après la guerre, les enfants sont tombés dans la délinquance. Il n’y avait rien pour les socialiser, et ils ne connaissaient que ça. La violence. Les microbes, c’est un peu ça. Même s’ils n’ont pas combattu comme les enfants soldats du Libéria, après la guerre, ils étaient un peu déboussolés. Les microbes, c’est le résultat d’un agrégat de circonstances et de situations qui ne date pas d’aujourd’hui.

Quelle est la réponse juridique de l’Etat ?

Chez nous, le droit, ce n’est pas très développé. Les « microbes », c’est la population qui a donné ce nom-là à ces enfants, si nuisibles. En Afrique, il y a ces appellations [familières] dans les rapports inter personnels [ndr : pour des personnes qui ne sont pas de la même famille]. « Ma soeur » « le père » « tonton » « petit » « fiston » … Alors, quand la population a vu ces petits de 8 à 19 ans, avec des machettes, on les a tout de suite appelé « microbes ». On n’en veut pas. Des êtres nuisibles que l’on veut éliminer du corps social. Pour éviter que les choses ne dégénèrent, contrôler ces phénomènes [de haine], l’Etat, le droit pénal, a fini par créer une nouvelle terminologie, une nouvelle sémantique plus respectueuse et fragile : « mineurs en conflit avec la loi ». Puis, les centres de rééducation, les CCSR (cellule de coordination de suivi et d’insertion) ont été ressuscités. C’est comme ça, que le droit est intervenu. Ça n’existait pas avant [cette terminologie]. C’était cru.

Quelle relation entretiennent les microbes avec l’Etat ? Quelle influence sur le pouvoir politique ?

Les microbes, ce sont aussi les petites mains sales de l’Etat. Houphouët-Boigny en est un exemple : le gouvernement avait peur de cette jeunesse délinquante, les Zeguehis. Pour que ces délinquants ne puissent pas être incorporés dans les rangs de l’opposition qui venait de naître, il les a pris sous sa tutelle. On les a appelés de manière ironique les « volontaires salariés » : ils avaient la garde des lieux de la jeunesse, des cités universitaires, et en échange, ils étaient à la solde de Houphouët. La Côte d’Ivoire est un pays où chacun est sur ses gardes, particulièrement en matière de politique. Il faut sécuriser son pouvoir, notamment auprès de la population. Les microbes sont la solution. On dit que les microbes sont toujours là parce que, quelque part, ils ont servi la cause du régime en place. Ils sont le relais du pouvoir dans chaque sphère de la société, dans chaque commune marginale. Aux élections, on ne vote pas pour un programme, on vote pour de l’argent, comme dans un système clientélisme.

Ainsi, lors des élections de 2015/2016 notre Premier ministre [ndr : récemment décédé] Hamed Bakayoko a fait appel aux « vieux pères » qui ont de l’influence et le monopole de la violence. Leaders qui ont eux-mêmes fait appel aux microbes. Contre 5000 francs (10 € environ) et un peu de drogue (pour casser toute sensibilité), ils allaient déranger les meetings des opposants. Ils sont prêt à tout pour leur « vieux père » qui leur donne de l’argent et à manger. C’est là qu’on a vu que la chaîne était longue. Les microbes travaillaient pour un vieux père, qui lui-même travaillait pour Hamed Bakayoko, le pouvoir en place. Ce sont des prestataires de services. N’importe qui peut les engager.

Et l’approche policière ? Comment sont réprimés les microbes ?

En 2013/2014, à l’apogée du phénomène, la population tuait les microbes. Aujourd’hui, à Abobo, il y a moins de microbes parce que les gens les ont tellement tué, qu’ils ne reviennent plus. Ils préféraient être entre les mains des policiers, plutôt que dans celles de la population. Parce que le peuple, il ne va pas t’emmener à la police, il va te tuer pour peu qu’il voit un enfant qui ressemble, selon lui, à un microbe. Il y a eu des décapitations. Des patrouilles à 4h du matin, des comités d’auto-surveillance, ont été créés pour surveiller les quartiers sombres. C’était la version douce de l’approche policière.

Mais, il y a eu aussi une forte répression de la part de la police [ndr : à une autre période]. La police faisait des descentes dans les fumoirs, avec des indic. Dans les bas-fond, dans les quartiers les plus reculés, ils traquaient les microbes. Il y a eu beaucoup de morts. Mais si vous tuez un microbe, ils tuent deux policiers. C’était une vraie guerre. Il y avait un couvre feu, à 18h tu rentrais chez toi, parce que quand les enfants descendaient avec des machettes, ils agressaient tout le monde. Ils vous piquent, ils vous tuent, ils n’ont aucun égard. Quand ils connaissaient un policier, il allaient chez lui, pour le tuer. Un jour, les microbes ont décidé de battre en retraite. Ils mouraient trop, la population comme la police les traquaient énormément. C’est à ce moment là que l’on s’est aperçu que c’était trop violent. C’est là, qu’on a commencé à moins tuer les enfants. En 2021, les tueries continuent, mais la violence a considérablement réduit.

Aujourd’hui, les bandes de jeunes tendent à se retrouver sur les réseaux sociaux. Ils se provoquent et se donnent rendez-vous. En Côte d’Ivoire, les réseaux jouent-ils un rôle majeur également ?

Oui, parce que ce sont des fanfarons quand même. Ils aiment bien se montrer. Ils ne font rien de leur argent. Avec l’argent qu’ils volent, ils en donnent un peu à leur parents, à leur mère — la figure de la mère est très importante — et le reste, c’est pour fanfaronner. Ils s’affichent sur les réseaux, dans des bars, au bras des plus belles filles, avec les tout derniers téléphones. Il y a, en Côte d’ivoire, dans notre argot, l’expression « la vie des giga » lorsque l’on parle de la vie de ces jeunes. Comme les giga octets. Chez nous il n’y a pas de forfait à payer par mois. Donc, avec leurs giga internet, ils connectent leur 4G et montrent leur argent, des liasses de billets. C’est tout ce qu’ils peuvent faire. Et, souvent, ce sont des modèles pour les autres. Certains, tous ce qu’ils veulent, c’est avoir les gros téléphones et mener la vida loca. Ces jeunes-là sont quelque part des influenceurs, pour d’autres jeunes qui ne rêvent que de ça. Vivre la vie du paraître. Le phénomène des microbes vis à vis des réseaux sociaux est par ailleurs à regarder en parallèle avec le phénomène des « brouteurs », ces arnaques en ligne en Côte d’Ivoire. A leur débuts, à Abidjan, c’était la même chose. Ils faisaient du boucan, montraient leur argent… C’était des modèles pour les jeunes. Et c’est pareil pour les microbes. Vendre de la drogue, c’est rien à Abidjan. Il y a deux types de microbes. Ceux qui tuent, qui n’ont pas peur de la mort, et ceux qui vendent de la drogue, les « délinquants sans sang ». C’est comme aux États-Unis, ils rappent, ils sortent des albums. Ils promeuvent une certaine vie de boss, avec des richesses que les jeunes peuvent avoir en rentrant dans les magouilles.

Quelles sont les solutions ? 

Je n’ai pas trouvé de solution, j’ai proposé des choses qui étaient déjà en place. On garde les enfants pendant 1 an ou 6 mois. Les 3 premiers mois, on les garde au centre. On leur demande ce qu’ils veulent apprendre. On leur donne une éducation civique et scolaire ou on leur apprend un métier. Les 3 mois suivants, ils sont relâchés dans la société. Les psychologues viennent 2 ou 3 fois dans le mois. Puis ils sont laissés à eux-mêmes. Et c’est le problème.  Il n’y a pas de continuité. Je préconise un suivi. Essayer une assistance globale à défaut d’une assistance personnelle. Assister non seulement le jeune, mais aussi « le jeune dans sa famille » parce que c’est un tout. Proposer un accompagnement aux parents, à la mère qui s’occupe seule, souvent, de l’enfant. Il appartient à une famille qui ne va pas bien, qui est dysfonctionnelle. Il y a des comités de dialogues, de réinsertion pour socialiser l’enfant, des guides religieux… On doit encore ajuster les mesures. 

Qu’est-ce que cela révèle de la société ?  Quel parallèle pouvez-vous établir avec la France, dont le phénomène de bande est en pleine recrudescence ?

Ces phénomènes de gang révèlent une physionomie sclérosée, une société malade. La gestion de ces phénomènes nous amène à remettre en question l’organisation de la société. Notre manière d’aménager nos territoires. L’organisation des rapports entre couches sociales. Ce n’est pas un problème de pays pauvre. Même aux États-Unis, en France, il y a des gangs. Toutes ces différences [sociales] traduisent un malaise. Que l’on soit un pays pauvre, ou un pays riche, le fait qu’il y ait des microbes, des bandes de jeunes délinquants, montre que la société telle qu’on l’a pensée ne marche plus. Il n’y a plus de repères. Avant — chez nous — l’école était le repère. Être instruit et travailler pour l’état. Aujourd’hui, l’école ce n’est plus la clé de la réussite. Ce qui marche, c’est travailler à son propre compte. Qu’importe l’entreprise, même si c’est l’entreprise de la violence. Ces bandes [délinquantes] sonnent l’alarme d’une société qui est en train de changer, de se métamorphoser, de muter.

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LOI climat : Deception pour les 150 « On essaie de rester positifs pour la suite » https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/convention-climat-deception-150-essaie-rester-positifs/ https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/convention-climat-deception-150-essaie-rester-positifs/#respond Wed, 12 May 2021 09:13:01 +0000 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/?p=11918 Alors qu'Emmanuel Macron avait promis d'appliquer la quasi-totalité des propositions, la plupart des propositions ont été édulcorées. Retour sur les coulisses d'une expérience humaine et politique inédite

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Alexia F., étudiante guadeloupéenne de 23 ans, était l’une des 150 participantes à la convention citoyenne sur le climat. Officiellement active depuis octobre 2019 jusqu’au mois de juin 2020, celle-ci se poursuit, encore aujourd’hui, en tant qu’association. Alors qu’Emmanuel Macron avait promis d’appliquer la quasi-totalité des propositions, sans filtres, la plupart des propositions ont été édulcorées. A deux semaines d’une ultime confrontation avec le gouvernement, le 28 février 2021, la jeune femme revient sur les coulisses d’une expérience humaine et politique inédite.

1/Comment les participants de la convention citoyenne du climat ont-ils été sélectionnés ? Quels sont, selon vous, les avantages et les inconvénients d’une telle sélection dans le cadre d’une « démocratie participative » ? 

Il y a eu des tirages au sort téléphoniques. Moi, j’ai été tirée au sort via la plateforme DOM, c’est une plateforme qui permet aux étudiants des Outre-mer de venir en France hexagonale pour leurs études. Il y a eu un questionnaire, et ensuite on m’a appelé pour me dire que j’étais sélectionnée. L’avantage, c’est qu’on a été le plus représentatif possible de la population française. L’inconvénient, c’est qu’au début certains ne se sentaient pas concernés par les questions du climat, d’autres n’étaient pas du tout informés. Mais on a su pallier ça grâce aux intervenants de la convention. 

2/Qu’est-ce qui vous a motivée à accepter cette proposition ?  Avez-vous hésité ?

La question climatique, l’écologie. C’est une question qui intéresse particulièrement les jeunes de ma génération. On aimerait changer les choses. Pour nous, c’est essentiel de participer aux décisions qui sont prises.  Je suis originaire de Guadeloupe, une île qui est victime de ce changement climatique : il y a beaucoup de cyclones, de séismes, ce sont des conséquences [du réchauffement climatique]. Il y a une forêt qui est incroyable, à protéger… C’est vraiment important pour moi. Et puis, dans un second temps, la vie citoyenne, les décisions politiques… 

J’étais un petit sceptique au début, je pensais que c’était une arnaque. Le numéro était un peu bizarre, un format de téléphone en +800. Je suis allée sur le site de la convention citoyenne, et j’ai vu effectivement que c’était une initiative du président. Quand j’ai reçu les billets de train pour me rendre au CESE à Paris, là, j’ai vraiment su que c’était quelque chose de sérieux. J’étais un peu réticente aussi, car je n’étais pas du tout professionnelle dans le domaine. J’avais quelques connaissances grâce à ma licence de biologie, mais c’était vraiment très très minime. Quand j’ai vu que je n’étais pas la seule qui avait été tiré au sort, et qu’il y avait 149 autres personnes de tous horizons, ça m’a mise en confiance.

3/Comment la convention citoyenne du climat s’est déroulée exactement ?  

On se voyait une fois par mois, en week-end, au CESE. On faisait nos recherches et on continuait de travailler ensemble même en dehors des week-end. On avait des webinaires, on a eu beaucoup d’informations de la part de nos intervenants. On a été divisé en différents groupes thématiques — se nourrir, se loger, se déplacer, consommer et travailler — déterminés en fonction d’un tirage au sort. J’étais dans le groupe « se nourrir ». J’ai travaillé sur la pêche, l’agriculture, l’écocide, la loi EGalim, et l’éducation.

4/Y a-t-il eu des tensions, des sujets difficiles ? Qu’est-ce qui a été le plus compliqué dans cette méthode de travail collective ?

Trouver un terrain d’entente. On est issu de différents milieux, différentes expériences. Nos avis sont différents. C’est difficile, parfois, d’arriver à un consensus, mais on a su se mettre d’accord. Savoir ce que l’on peut mettre dans la loi, c’était difficile aussi. On n’était pas tous au courant des procédures, mais des juristes [ndr : des intervenants] nous ont aidé. Je citerais aussi la mise en place des propositions. C’est très compliqué que le gouvernement accepte nos propositions.

5/ Vous étiez également dans le groupe « Outre-mer ». Comment a-t-il vu le jour ? Quelles étaient vos actions ?

Ça n’a pas été mis en place directement [par l’Etat], c’est nous, les ultra-marins, qui avons fait la demande, car on se sentait un peu loin des décisions, sans être écarté. On savait que sur nos territoires, certaines propositions ne seraient pas applicables, ou bien que des modifications seraient nécessaires. On se voyait entre midi et deux, entre les week-ends… On prenait en compte toutes les propositions et on adaptait chaque proposition à nos territoires. On avait ainsi la possibilité d’amender nos propositions afin de répondre véritablement aux spécificités des territoires concernés.

6/ Le 10 février, le gouvernement a rendu son projet de loi Climat, revisité. Quel a été votre sentiment, votre réaction ?

Beaucoup de déception. On ne s’attendait pas à ce que toutes nos propositions passent forcément, mais les amoindrir comme ça… La loi climat, on l’a bien analysée, c’est vraiment trop mince par rapport à ce qu’on a proposé. Sachant qu’il y a un objectif de réduction de 40 % des gaz à effet de serre, la loi climat ne répondra pas du tout à l’objectif. Le crime d’écocide par exemple, ce n’est plus un crime qu’ils proposent, mais un délit, pire, on ne retrouve même plus la notion d’écocide : l’atteinte à la diversité. 

Il y a un gros problème au niveau du changement de nos habitudes, et une grosse influence des lobbys qui joue en notre défaveur, et qui, malheureusement, savent que leurs actions ne seront pas bonnes pour le climat. L’économie aussi. Le gouvernement a peur des conséquences du changement. C’est pour ça qu’on a basculé en association pour continuer à pousser, exposer nos idées auprès du parlement, un peu partout. Expliquer nos choix, discuter, transmettre notre expérience au sein de la convention. Nos idées ne passeront peut-être pas dans cette loi climat, mais ce sera pour la suivante. On essaie de rester positif sur la suite. Susciter une prise de conscience au sein du gouvernement. 

7/ Le 27 février, ce sera la dernière réunion des 150. Vous aurez l’opportunité de vous exprimer sur les modifications apportées par le gouvernement. Comment appréhendez-vous cet événement ? 

Je pense qu’on aura pas mal de débat là-dessus, pas mal de chose à dire. Ça va être tumultueux envers les représentants du gouvernement qui seront présents. L’idée [de la convention climat] c’était surtout de donner la parole, plutôt que d’accepter [réellement] les propositions. Mais c’est à double tranchant. En mettant 150 personnes à contribution, ces personnes sont maintenant informées de ce qui se passe. Elles peuvent transmettre ces informations à d’autres citoyens, même si le gouvernement ne veut pas appliquer nos propositions. La population a accès aux informations de la convention, et on espère qu’elle militera, elle aussi, avec nous.

8/ Quel avenir pour la démocratie participative, et quels bénéfices peut-on retirer d’une telle expérience ?

En Guadeloupe, j’aimerais beaucoup pouvoir sensibiliser les autres personnes au fait de prendre part aux décisions politiques. Donner son avis, s’engager pour sa ville, et après pour la France,  aussi. La convention citoyenne a été une très bonne expérience, il faut continuer comme ça pour beaucoup d’autres décisions politiques, pas que l’environnement ; des thématiques économiques, par exemple, comme le pouvoir d’achat, la vie quotidienne… Les politiques sont assez éloignés de ce quotidien. Le fait de remettre les citoyens au centre des décisions, ça permet d’aller vers un bon consensus, et une amélioration de la vie en France. C’est pour ça qu’on a proposé la réforme de CESE, qui a eu lieu très récemment : des citoyens qui sont également tirés au sort, pour prendre part aux décisions.

9/Si c’était à refaire, le referiez-vous ? Quelles ont été les répercussions sur votre vie ?

Oui totalement ! C’est une expérience incroyable, à refaire sans hésiter. J’ai rencontré des personnes incroyables avec qui j’échange encore aujourd’hui. Il y avait une très bonne dynamique de groupe. Il y a une grosse envie de changer les choses. C’était un honneur. C’est vraiment une chance de pouvoir prendre part aux décisions politiques avec un sujet qui me tient à cœur. J’ai pris conscience de ce qui m’entourait, de l’environnement, de notre influence. Ça nous a enrichis. Dans mon quotidien, j’ai changé pas mal d’habitudes : en rentrant en Guadeloupe, lors du confinement, j’ai décidé de me lancer dans le jardinage. En Guadeloupe, on a quelque chose qui s’appelle le jardin créole : on produit à côté de notre maison des fruits et des légumes de notre île, avec des plantes médicinales. Puis, dans ma vie d’étudiante, j’ai décidé de réduire mes déchets au maximum. J’évite l’utilisation du plastique, je vais au marché pour acheter des fruits et des légumes de saison, j’utilise les transports en commun… Cette expérience a énormément changé ma façon de penser sur la politique. Au début, je me sentais à l’écart, un peu, de tout ce qui se passe à Paris au niveau des décisions politiques. Là, je me suis vraiment sentie au cœur des décisions sur la transition.

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« Boutiques chéries », un voyage intemporel https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/boutiques-cheries/ https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/boutiques-cheries/#respond Wed, 12 May 2021 09:11:05 +0000 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/?p=11916 « Je recherche le parfum d’antan. » A travers ses boutiques miniatures, les doigts de Lyly Le Bel semblent capturer les fragrances entêtantes d’une autre époque. Dans son atelier, bibelots et rubans en tout genre posent les filaments d’un Paris fantasmé.

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Boutiques Chéries. « Je recherche le parfum d’antan. » Les doigts de Lili LeBel semblent capturer les fragrances entêtantes d’une autre époque. Dans son atelier, bibelots et rubans en tout genre posent les filaments d’un Paris fantasmé, en miniature.

Ding Dong.  Le son d’une clochette, l’éclat d’une sucrerie pétillante au coin d’une vitrine chatoyante. Souvenir gourmand de « bocaux en verre remplis de berlingots, et de bonbons qu’on ne trouve plus aujourd’hui ». Un arôme d’enfance. « C’était dans un emballage ravissant qui représentait la côte d’Azur » se souvient la créatrice. Des Riviera. Le mot glisse sur la langue, délicieusement fondant.  Et puis, aussi, il y avait ces marchands ! Ce « monsieur ou cette dame avec une blouse » — espiègle, Lili LeBel prend un air fabuleux, un brin théâtrale — parce que, pour être marchand, pour servir ces mignonnes curiosités dans de petits cornets en papier, « il fallait avoir une blouse ». Le talent d’une conteuse. Mais les contes de fée de Lili — diminutif de Nathalie — sont tissés de bric et de brac. De papier et de résine, et d’une pincée de rêves.  Paris ancien, Paris rêvé, aux façades fantasmées faites de papier et d’encre. Une petite fabrique des merveilles. L’œil pétille. Les éclats d’une magie oubliée saisissent notre cœur. Un peu comme une illusion ? « Ah ça ! Je suis la princesse de l’illusion » s’exclame la plasticienne.

Un conte de fée fait de bric et de brac

Pull orangée et écharpe bigarrée, celle-ci tourbillonne dans son petit atelier parisien, à la recherche de quelques ingrédients magiques ; Là, un petit bocal remplis d’intrigantes fleurs bleutées ; ici, quelques bustes de poupées — leurs jolies têtes n’habilleront pas les créations de Lili LeBel. Soie, perles, plumes ou pailles rabougries, la petite pièce aménagée au sous-sol regorge d’objets en tout genre. Semblable à un petit cabinet de curiosités. « Je fais de l’upcycling à ma manière » plaisante la créatrice. Des bouchons en liège de bouteilles de vin trônent sur la devanture d’une appétissante fromagerie tandis que quelques pailles colorent allègrement une adorable boutique de jouets. Au coin d’une étagère, un élégant bandeau de tulle ; la Ballerine de Paris de Nathalie Le Bel se pare des plus beaux atouts :  « j’avais acheté du tulle synthétique, comme on en met sur les portières des voitures, mais c’est raide. Je voulais un tutu classique. Il a fallu que j’achète du tulle de soie, beaucoup plus chère, mais qui est beaucoup plus doux, avec un meilleur tombé.» 

Ballerine boutiques chéries
La Ballerine de Paris, Détail (Photo de Théodore Sutra)

Derrière, une flopée de dessin. Crayonnés et aquarelles décorent les murs du petit atelier ; les traces de toute une vie. Plus loin, dans un coin, un classeur, contenant les nombreuses aquarelles tapissant l’arrière-plan de chacune de ces boutiques miniatures, translucides, semblant prendre vie à la lumière d’une lampe de chevet. Les illustrations de fond des Boutiques Chéries sont en effet composées d’une matière permettant de générer un effet de lumineux. La nuit, par transparence, l’intérieur de la boutique semble alors éclairé. Enfin, sur la table, une petite boutique encore inachevée, Le Déshabillé de Paris ; Nathalie l’a laissée dénudée pour nous montrer la fabrication. Coquette, aguicheuse, et malicieusement féminine à côté de la gracieuse Ballerine de Paris, un modèle de droiture.

Le glamour à la française

Les Boutiques Chéries sont entièrement artisanales. Des micro-mondes, édition limitée à 100 exemplaires par modèle, signés et numérotés à la main, une petite rareté parisienne, une perle de temps : Seulement 300 boutiques miniatures ont été fabriquées à l’heure actuelle, depuis 2015. La confection est longue, minutieuse. « 300 boutiques, c’est ce que pourrait fabriquer une usine, si le processus pouvait être mécanisé » souligne l’artiste, « mais moi je préfère les faire comme je le fais, moi. À la main. À l’ancienne ». Un sourire malicieux se dessine sur ses lèvres. L’expression d’un savoir faire à la française qui séduit sa clientèle étrangère. C’est pour eux, surtout, que la rêveuse de toujours les fabrique. Si les attentats, les grèves puis la pandémie ont éloigné les touristes de ses créations au sein de la capitale, sur Etsy — une plateforme de vente pour les créateurs indépendants –  elles ont leur petit succès. Les vitrines parisiennes de Lili LeBel partent comme des petits pains et s’envolent aux quatre coins du monde. Coréennes, américaines ou japonaises, les étrangères — la clientèle est essentiellement féminine — sont fascinées. Vin, macarons et autres fleurons gourmands des cuisines françaises alimentent leurs fantasmes gustatifs pour 87 euros. Un repas de l’imaginaire, l’utopie tangible d’un Paris sublimé. Le nom de la collection est un doux rappel à cette affection. « Boutique », « Chérie », deux mots aux sonorités familières . « Comme “rendez-vous” et “ho là là” ils évoquent le glamour français », précise Nathalie Le Bel.  

Les personnages, quant à eux, sont absents. Pour ne pas briser le fragile enchantement, tout est question de subtilité. Des silhouettes de papier aux personnages modelés, Nathalie Le Bel a tout essayé mais, soudain « la magie s’échappait ». Elle disparaissait. Malin, l’œil humain n’est pas dupe. Complexe, la figure humaine est mystérieuse. Projective.  Et le personnage, au final, le héros de cette scène merveilleuse, n’est-ce pas le spectateur ? Chaussé de chaussons de ballerines ou de petits souliers enfantins, celui-ci est aspiré, projeté dans un rôle monté de toutes pièces, s’imaginant héros formidable d’un ballet de casse noisette, ou bambin émerveillé face aux charmes  multicolores des friandises, pâtisseries et pâtes de fruits dont les douceurs exquises chatouillent notre rétine. La boutique est nôtre, palpable. L’imaginaire embrasse nos sens. L’illusion est parfaite. Une bulle enchantée, un refuge. Dos à l’oppression de la réalité, un monde minuscule s’offre au spectateur ; dans le creux de sa main, il est maître mais aussi captif des sirènes intemporelles de la miniature. La magie d’un monde d’autan, semble alors suspendue. Un songe d’enfance. 

Détail de la vitrine d’une parfumeur, Fragrance. Photo de Théodore Sutra
Détail d’une boutique de jouet, L’Ourson Blanc. Photo de Théodore Sutra

Paris, muse intemporelle

Son inspiration, Lili LeBel la trouve au gré de ses promenades dans la capitale des fantasmes. A Paris, rien ne se ressemble pour qui sait ouvrir l’œil sur les détails d’autrefois. Inspirations précieuses, les ruelles parisiennes foisonnent d’ornementations singulières ; ces ornements à n’en plus finir, ces petits cul-de-lampes qui habillent les lignes orgueilleuses de quelques anciennes façades. De 1880 et ses lampes à gaz,  à l’art déco des années 20, en passant par l’art nouveau au début des années 1900, Nathalie Le Bel fouine dans les recoins architecturaux du passé. Le particulier, « ce qui fait le charme individuel de chaque magasin » ; de cette époque, aux aurores de l’ère industrielle où les commerces fleurissaient pour un peu tout et n’importe quoi. « Chaque propriétaire de magasin, avait à cœur de le décorer d’une façon différente de son voisin amenant une grande diversité de formes, de couleurs, de graphismes, de typographies », raconte la plasticienne, « c’était l’époque de la réclame où l’on écrivait sur les façades toutes les vertus de la boutique, les nouveautés, les exclusivités... ». Aux antipodes d’un monde moderne uniformisé. 


Jamais réelles, toujours avec une part d’invention, les miniatures de Lili LeBel mêlent réalité et fantasme. Une promenade parisienne, et la nostalgie d’une époque lointaine. C’est « la vielle Europe » ; Europe intemporelle, Europe charmeuse, s’amusant de ses plumes et costumes, de ses mains gantés taquinant les chimères des visiteurs d’ailleurs. La capitale de l’amour est omniprésente dans l’imaginaire collectif, elle fascine les esprits et enchante l’étranger. Parce que Paris, murmure l’amoureuse de l’histoire de l’art, « c’est la plus belle ville du monde ». Le témoignage intemporel d’un autre temps. Au carrefour de la modernité, Paris reste inchangé, pour tout regard vierge. « Ces belles maisons, ces jolis quartiers pittoresques… Quand on va à New York, Dubai, on va voir la nouveauté, les gratte-ciels. Mais quand on va à Paris, on a envie de voir des petites boutiques qui sentent le bon pain chaud, ou qui sentent le parfum, ou qui vendent des vêtements en dentelle. Enfin, que sais-je ! ». Le regard se fait rêveur. « Paris n’a pas d’âge, et c’est ce qui plait aux étrangers. Les parisiens ne sont pas toujours très conscient de ça, ils passent à côté. Ce sont des enfants gâtés, les parisiens. »

Retrouvez également Lili LeBel dans son atelier en vidéo :

Reportage de Laura-Esméralda

Le site officiel des Boutiques Chéries

Achetez une Boutique Chérie sur Etsy

L’instagram de la Lili LeBel

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Natacha ratto : Webtoon, un nouveau souffle pour la bd franco-belge ? https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/interview-natacha-ratto-webtoon/ https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/interview-natacha-ratto-webtoon/#respond Tue, 04 May 2021 13:20:07 +0000 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/?p=11912 À l’heure du numérique, le 9e art fait peau neuve. Venu de Corée du Sud, le webtoon séduit de plus en plus d’internautes. La France n’est pas en reste. Avec Sex, Drug & RER, Natacha Ratto est régulièrement au top des séries « comédies » de la plateforme française du géant sud-coréen Naver.

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À l’heure du numérique, le 9e art fait peau neuve. Venu de Corée du Sud, le webtoon séduit de plus en plus d’internautes. La France n’est pas en reste. Avec Sex, Drug & RER, Natacha Ratto est régulièrement au top des séries « comédies » de la plateforme française du géant sud-coréen Naver. 

Dans le métro, entre deux cours, le webtoon se consomme ultra rapidement et envahit le quotidien de millions de lecteurs. La promotion dans l’hexagone est minime, pourtant ces séries au concept sud-coréen ont su se frayer un chemin — presque — toutes seules. Sur la toile, le concept fait frémir d’excitation les internautes. Un seul clic suffit au webtoon pour faire le tour du monde ; en un quart de seconde, un épisode de True beauty, ce webtoon à succès à plus de 130 millions d’abonnés, est disponible dans toutes les langues de l’application. Pas d’imprimeurs, de libraires, de distributeurs ou d’éditeurs externes. Tout se joue dans les coulisses de « Webtoon Line », l’application créée par le mastodonte du web sud-coréen Naver — ou de son concurrent, Kakao, à la tête de « Daum Webtoon » et « Kakao Page ». 

« Dessiner cette série, c’est un peu comme un marathon », l’expérience du 9e art au rythme coréen

Webtoon Line joue la carte de l’international depuis 2014. Son contenu est proposé en anglais, mandarin, thaïlandais, indonésien, espagnol, allemand et même en français, au début 2020. Basiquement coréen, le webtoon a vu fleurir plusieurs séries d’origines diverses dans le reste du monde, sous l’influence essentiellement de Naver : Lore Olympus, un webtoon néo-zélandais, détient la palme internationale avec ses millions de lecteurs. En France, le géant coréen a également approché quelques auteurs français parmi lesquels Natacha Ratto, 28 ans, tout juste débutante dans le milieu. « J’ai commencé à poster l’histoire de Sex, Drug & RER sur Instagram, et Webtoon Line m’a contactée quand ils se sont implantés en France. Ils aimaient bien l’ambiance typiquement française, le titre, les personnages. Et puis surtout, les cliffhanger de mes strips, ça collait bien. » Depuis avril 2019, la jeune femme était en contact avec la direction de Naver, mais l’aventure a réellement commencé au début 2020 : « Je n’ai pas eu de nouvelles pendant un moment, malgré mes relances. Puis, quand ils ont réussi à s’implanter en France [ndr : décembre 2019], tout d’un coup, tout est allé très vite.  En janvier 2020 j’ai eu un entretien, en février j’ai signé mon contrat, et en mars ma première BD était sortie. »

Le contenu est librement accessible, l’expérience aussi addictive que le défilement de son fil d’actualités Twitter. Glisser, défiler, de bas en haut, machinalement, l’œil rivé sur son écran, l’esprit paresseux ; des habitudes qui agitent nos doigts au quotidien sans même que l’on s’en aperçoive. Alors, pourquoi ne pas « scroller » une BD, plutôt qu’un fil Twitter lorsque nos doigts nous démangent et que nos écrans accaparent nos esprits ? La sensation est identique, probablement même plus palpitante que les ragots du net.  Les webtoons sont pleinement adaptés au format vertical du smartphone, et aux habitudes de l’internaute lambda « le format vertical est un peu contraignant parfois » confie Natacha Ratto, « parfois j’ai envie de faire de beaux paysages, et je me dis que ça va être minuscule en fait. Ça force à réfléchir à des petits trucs pour faire des jolies mise en scène en longueur, pour tirer vraiment parti du scroll ». Si Instagram était le terrain de chasse favoris de la société coréenne, maintenant la sélection se fait sur Canvas, une catégorie annexe de l’application permettant aux créateurs de publier leurs séries gratuitement et, peut-être, décrocher un contrat avec Naver « lorsque j’ai été repérée  [en 2019], Webtoon venait tout juste de se lancer en France, cette option [canvas] n’existait pas encore. Ils voulaient d’abord avoir un public et des auteurs français, donc ils contactaient les dessinateurs sur les réseaux sociaux ».

Un an plus tard,  Sex, Drug & RER est régulièrement au top des séries « comédies » de la version française de l’application. Le rythme est effréné, un épisode par semaine, en couleur, à fournir impérativement pour tenir ses engagements, et ne pas décevoir les lecteurs qui attendent leur épisode hebdomadaire du jeudi « C’est le chaos. Dessiner cette série, c’est un peu comme un marathon » lâche la bédéiste. Épuisée, la jeune femme est en train de finaliser la couleur pendant l’échange, en retard sur son planning pour l’épisode de la semaine, « la semaine dernière j’ai pris une “pause” en proposant une FAQ à la place de l’épisode hebdomadaire [ndr : pour les 1 an de la série]. Ça m’a permis de rattraper un peu mon retard. La plus grande contrainte, c’est le temps. Une semaine pour faire 30/40 cases, c’est rien du tout, même si ça se lit en 30 secondes ». Être synthétique, efficace, « être joli sans être bâclé » impose des concessions graphiques et scénaristiques.  

Webtoon, un nouveau modèle économique pour la BD française

« Le webtoon c’est beaucoup plus intéressant » affirme-t-elle, « [Dans la BD française] l’éditeur nous paie en avance sur droit [d’auteur], on ne reçoit les bénéfices que s’il parvient à se faire rembourser sur les ventes. » Un statut non reconnu, une précarité certaine pour des revenus inégaux qui gangrènent la chaîne du livre, dénoncés dans le Boycott du festival d’Angoulême. 8 à 10% de revenus, l’équivalent de 1 € par album sur un prix moyen de 10 €, et une majorité de la profession vivant sous le seuil de pauvreté : « Ce système, c’est un peu traître, on ne touche jamais les bénéfices d’une BD. Sur Webtoon Line, au contraire, on est payé à l’épisode. C’est plus juste, et l’on peut toucher les bénéfices supplémentaires [ndr : le fast pass]. ». Payée au mois, la bédéiste est contente d’avoir pu trouver une telle option, « rare aujourd’hui ». Même si, la jeune femme en convient, « c’est plus qu’un 34h par semaine que je fais ! » soupire-t-elle avec une mine amusée. Natacha se fait pensive. « Un jour, j’aimerais quand même éditer un livre, j’espère que d’ici là le monde de l’édition aura évolué en France. Peut-être que le webtoon nous permettra d’avoir plus de poids en tant qu’auteur pour faire évoluer nos conditions de vie. »

À contre courant, le webtoon et son nouveau modèle de publication est peut-être en passe de changer de vieilles habitudes françaises fermement ancrées dans le paysage national du 9e art. Enclenché par Delitoon en 2017, sur l’initiative d’un ancien éditeur de Casterman, le mouvement du webtoon s’enracine en France. Depuis 2020, non seulement Naver, mais aussi Dupuis — ou encore Delcourt et Ki-oon tout récemment en 2021 — se sont engagés dans la course au webtoon. Si, après le manga japonais, les éditeurs français semblent avoir flairé le prochain marché à succès, le public français familier de ce nouveau mode de consommation — les ultra-connectés, adolescents et jeunes adultes en tête de liste — manque probablement encore d’homogénéité pour inscrire durablement le phénomène en France avec certitude, à la différence de la Corée, cette société ultra-connectée qui a déjà passé la marche générationnelle « il faudrait que les gens de tout âge soient un peu moins “snobs” quand il s’agit de culture. On a, en France, une vision un peu « sacrée » de la littérature, de la BD, qui donne l’impression aux gens de ne pas être la cible. Le webtoon peut permettre de bouger un peu ces limites-là »

S’affranchir des barrières sociales, mais aussi regagner un public, qui, aujourd’hui, est plus friand des réseaux ou des BD asiatiques, que des productions francophones. C’est l’espoir des éditeurs français, en adaptant la production française au rythme coréen, et, de fait, au rythme de notre décennie. Donner un nouveau souffle à la BD française. Natacha Ratto confirme l’hypothèse : sans l’influence de Naver, sans le format web, beaucoup de ses lecteurs n’aurait pas ouvert uns de ces albums, si tant est qu’ils mettaient le pied dans une librairie « il y a pas mal de gens qui ont lu ma BD et qui ne lisaient pas du tout de BD franco-belge avant. En tombant sur Sex, Drug & RER, ils m’ont dit “whaou c’est trop bien, ça me rappelle des trucs de quand j’étais petit”, ça leur redonne envie de lire de la BD européenne » révèle l’autrice. Alors le webtoon à la française, le Made in France sous la main des éditeurs français ?  « Ça dépendra des conditions » pose Natacha Ratto, pragmatique. « Et de la rémunération. Pour l’instant, je suis satisfaite de l’offre de Naver. L’audience et le suivi sont là. [ndr : plus de 72 millions d’utilisateurs mensuels, en 2021] Ils sont rodés, ils ne vont pas se casser la figure du jour au lendemain.»


Pour lire Sex, Drug & RER c’est par ICI.
Retrouvez Natacha Ratto sur son Instagram @natacharrt

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