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Au terme d’une finale disputée, la grand-messe du football africain s’est achevé à Yaoundé dimanche 6 février. Le Sénégal a été sacré champion pour la première fois de son histoire. Durant un mois, cette Coupe d’Afrique des nations (CAN) nous a présenté deux visages bien distincts. Un premier ternit pas une organisation déplorable et un second prometteur, signe d’une compétition qui continue de s’améliorer.
Avant la très attendue coupe du monde au Qatar, la CAN 2021 (reprogrammée en 2022) a lancé les hostilités des grands tournois internationaux. Disputée au Cameroun, cette 33e édition vient d’écrire une nouvelle page dans l’histoire du football. Le Sénégal remporte son premier trophée international au bout d’une séance de tirs au but. Devant leurs supporters venus pour l’occasion, les 24 équipes de la compétition se sont affrontées pour faire briller leur pays. Si certaines équipes (et certains joueurs) ont côtoyé le succès, d’autres peuvent regretter d’être passé à côté de leur objectif. Retour sur les moments marquants de cette fête continentale.
Carton rouge pour les organisateurs
Samuel Eto’o démarre tristement son mandat. Nommé à la tête de la Fédération camerounaise de football, peu avant le début de la CAN, l’ancienne star du pays a assisté à l’organisation désastreuse orchestrée par la CAF (La Confédération africaine de football). Cet échec retentissant ne peut pas être épargné, tant il est indigne pour le haut niveau qu’est censée représenter la coupe d’Afrique.
Infrastructures, arbitrage, préparation… Tous ces aspects indispensables au bon déroulement de l’évènement ont été défaillants. Premier point noir du tournoi : les terrains. Les joueurs ont dû jouer sur des pelouses exécrables. La CAF a même dû délocaliser les matchs prévus au stade de Japoma (à Douala) tant la qualité était inconvenable. Quant à la sécurité, on ne peut que regretter le tragique accident de Olembé. Huit morts et plusieurs blessés ont été recensés après un mouvement de foule aux abords du stade.
Les journées s’enchaînent, les problèmes aussi. Dès la première minute du match d’ouverture opposant le Cameroun au Burkina Faso, les aberrations commencent. Steeve Yago, défenseur burkinabè, tacle (très) violemment Faï Collins et échappe à un carton rouge qui aurait dû être sorti. Plusieurs incidents de ce type n’ont pas été sanctionnés. La rencontre Mali-Tunisie a été le théâtre d’un choix arbitral sans précédent. L’arbitre Janny Sikazwe siffle la fin du match à la 85’ puis à la 89′, soit deux fois avant la fin du temps réglementaire. Il a justifié son action par des soucis de santé qui ont altéré sa concentration. Suspendu en 2018 pour des soupçons de corruption en Ligue des champions africaine, la participation de cet arbitre zambien reste controversée.
En dehors du terrain, l’organisation pêche encore. Pour leur deuxième participation à la CAN, la Mauritanie n’a pas eu le droit d’écouter son hymne national pour son match d’ouverture. La faute à une sono qui s’est trompée trois fois d’hymne avant d’abandonner. Durement touchés par le Covid, les Comores sont contraints de jouer sans leur gardien remplaçant, pourtant testé négatif à quelques heures de leur 1/8ème de finale contre le Cameroun. Un nouveau protocole a été mis en place seulement 24h avant la rencontre, obligeant les Cœlacanthes à mettre un joueur de champ dans les cages.
La chute des uns, la gloire des autres
Sur le terrain, le spectacle a pourtant été au rendez-vous. Tenante du titre et sérieuse favorite à sa propre succession, l’Algérie s’est vue éliminée dès la phase de poules de la compétition. Un point, un but et puis s’en va. Les Fennecs qui restaient pourtant sur une série de 35 matchs sans défaite n’auront pas su se défaire de la Sierra Leone (0-0) et se sont inclinés contre la Guinée équatoriale (0-1). Dans un match capital face à la Côte d’Ivoire, les hommes de Belmaldi se sont fait écraser par des Éléphants revanchards (3-1), sans faire preuve de caractère. Autre déception, le Ghana finit dernier d’un groupe composé du Maroc, du Gabon et des Comores. Jamais victorieux, les coéquipiers d’André Ayew sortent eux aussi au premier tour, une première depuis 2006 dans cette compétition. Même jour, même manière, la Côte d’Ivoire et le Mali ont partagé une désillusion similaire. Éliminées aux tirs au but en 1/8ème de finale, ces deux équipes n’ont pas été convaincantes dans le jeu et auraient dû faire bonne figure.
Les belles performances étaient aussi de la partie. Capitaine des Lions indomptables, Vincent Aboubakar a répondu présent devant son public. Meilleur buteur de cette édition avec 8 réalisations, l’attaquant camerounais a permis aux siens de se hisser sur la troisième marche du podium. Rentré à la mi-temps lors de la petite finale, il inscrit deux buts en deux minutes et participe à un come-back complètement fou. À ses côtés, le lyonnais Karl Toko-Ekambi a lui aussi briller. Deuxième meilleur buteur avec 5 buts, il marque à deux reprises en 1/4 de finale pour qualifier son pays au tour suivant. Un autre duo a été particulièrement remarquable durant le tournoi. Les Marocains Sofiane Boufal et Achraf Hakimi ont fait rugir les Lions de l’Atlas. Magicien balle au pied, Boufal a su prendre les rênes de l’attaque et les clés du jeu. Hakimi s’est montré crucial dans son couloir droit et surtout décisif dans les matchs à enjeux. Face au Gabon, le Parisien marque un splendide coup franc pour redonner la première place du groupe à son équipe. Il récidive en 1/8ème de finale et offre la victoire à ses coéquipiers sur un nouveau coup franc de génie.
Indissociables à Liverpool, les deux grandes stars du continent se sont retrouvé adversaires le temps d’une finale. Mohamed Salah et Sadio Mané ont porté leur sélection tout au long de la compétition. Unique buteur de son équipe pendant les poules, le numéro 10 sénégalais a été l’artisan majeur des autres victoires. Passeur en quart, buteur en huitièmes et en demi-finale, le finaliste de 2019 a pleinement assumé son rôle de leader. Même constat chez le Pharaon. Lui aussi battu en finale en 2017, il n’avait pas d’autres objectifs qu’emmener les siens sur le trône. Vainqueurs ensemble de la Premier League (2020) et de la Ligue des Champions (2019), Mané sera le seul à ajouter une coupe d’Afrique à son palmarès.
Révélations et promesses
Il n’y a pas meilleure place qu’une compétition internationale pour exprimer son talent aux yeux du monde, et ce ne sont pas les joueurs suivants qui vous diront le contraire. Mohamed Nbalie Kamara, le gardien de la Sierra Leone, a été héroïque dans ses cages. Le jeune portier de 22 ans a repoussé toutes les frappes algériennes et a été désigné homme du match pour cette performance. Il permet à son équipe d’accrocher un autre match nul en arrêtant le pénalty de Franck Kessié en première période (2-2). Même destin pour Salim Ben Boina. Gardien de but amateur à Marseille, le Comoriens a écoeuré les attaquants adverses. Même s’il concède deux buts face au Maroc (0-2) il est récompensé d’un titre d’homme du match, tant l’addition aurait pu être encore plus salée. Jamais deux sans trois, le dernier joueur à s’être révélé est encore un gardien. Gabaski a été impérial sur sa ligne. La pyramide égyptienne a détourné 4 pénaltys sur les trois séances de tirs au but auxquelles il a participé, sans compter celui de Sadio Mané au début de la finale.
Souvent décriée pour son organisation et son calendrier atypique, la CAN mérite d’être respectée à sa juste valeur. Entre les belles histoires et les gestes spectaculaires (comme cet incroyable but de Gabadinho Mhango contre le Maroc), la coupe d’Afrique se rend de plus en plus attractive. Pour la première fois de son histoire, elle a bénéficié de l’arbitrage vidéo. En supplément de l’introduction de la VAR, cette édition compte une seconde innovation majeure. Salima Rhadia Mukansanga est devenue la première femme à arbitrer un match. Pendant ce Guinée-Zimbabwe, le corps arbitral était entièrement composé de femmes. L’année prochaine, la Côte d’Ivoire aura la lourde tâche d’organiser le tournoi. Cette fois-ci, espérons que le football africain se montre sous ses plus belles couleurs.