Le professeur de sciences du langage à l’université CY Cergy-Paris a mis en exergue, lors de son intervention, le principe de « sandwich de vérité », du linguiste George Lakoff. Il s’agit là d’observer le discours en lui-même et non plus uniquement l’information transmise.

Les fausses informations : une distorsion du réel ?

Un journaliste dispose-t-il de tous les ressorts pour se confronter aux fake news ? Julien Longhi, linguiste, s’est intéressé à la dimension discursive lorsqu’on traite des questions de fake news, lors du colloque en ligne « Éduquer aux médias : Répondre aux fake news », de l’université Cergy-Pontoise le jeudi 5 novembre.

Comme il le souligne : « certaines fausses informations peuvent se glisser au milieu de vraies informations par des stratégies, en particulier linguistiques : des incises, des propositions relatives ». C’est une sorte de distorsion du réel. Les mots, les événements peuvent avoir différentes interprétations, elles-mêmes soumises à des idéologies qui influencent notre perception du réel.

L’un des exemples traités concerne un tweet de Donald J. Trump qui insère les termes « personne de faible QI » dans le message global. Cette idée secondaire, disséminée dans son tweet, va pour autant rester dans les esprits des électeurs et s’intégrer dans un ensemble d’informations.

Selon lui, les journalistes vont plus facilement retranscrire « le quelqu’un dit quelque chose, on ne va pas forcément réagir à ce qui est périphérique du point de vue syntaxique. C’est un très bon moyen de véhiculer de fausses informations, notamment en ligne grâce ou à cause de la viralité ».

Les journalistes doivent être formés à l’analyse du discours

L’une des principales faiblesses du traitement médiatique concerne le manque de profondeur des journalistes en matière d’analyse du discours des fake news. Il a estimé qu’il est « important que les journalistes soient formés » dans cette technique de recherche plutôt que de paraphraser les politiques lorsqu’ils s’expriment en public.

Selon lui, le but final n’est pas qu’ils deviennent des experts en linguistique, mais qu’ils disposent des bases suffisantes pour analyser les suffixes, préfixes utilisés… De façon à pouvoir décrypter dans quels univers linguistiques sont utilisés les mots.

Pour pallier cela, les linguistes et informaticiens linguistes ont créé des outils et plateformes pour permettre aux citoyens d’appréhender cette diversité et établir des comparaisons, des recherches en période électorale. Ils ont commencé avec le projet IDEO pour l’élection présidentielle de 2017 (plus disponible à ce jour). Plus récemment, ils ont présenté un projet au salon Innovatives SHS-CNRS à Lille pour les élections européennes. Via une fonction de recherche et de mots-clés, il était possible de récupérer les séquences des candidats, provenant des tweets et vidéos des candidats.

Un moyen de se faire un avis personnel ou de confronter nos idées à ce que racontent les politiques sur un sujet. L’idée est de sortir de cette vision fake ou pas fake et de faire des analyses plus poussées. « Quels sont les adjectifs les plus utilisés, les noms les plus utilisés par les candidats. (…) qui attire plus tels mots que d’autres et puis des jauges de mesure qui nous permettent de quantifier des interprétations qu’on va faire », précise Julien Longhi.

En ce sens, l’idéal des luiguistes est de proposer au grand public et en particulier aux journalistes des nuages de mots et cartographies textuelles les plus compréhensibles et intuitifs possibles des discours politiques afin d’enrichir les débats sur les fake news.