Un gâteau d’anniversaire, des danses, des chants. Nous sommes le mardi 17 novembre. De loin, une célébration animée. De près, une protestation pour mettre fin aux conditions liées à la sous-traitance au sein de l’IBIS Batignolles. Juste à côté de la protestation, siège l’immense bâtiment en verre avec inscrit « ACCOR » en lettres d’or, premier groupe hôtelier européen. Dans un des bureaux et depuis seize mois, le PDG Sébastien Bazin ne cède pas.
Des conditions de travail insoutenables
« C’est une catégorie très défavorisée, avec des conditions de travail très dures (…). Il faut qu’on s’y mette tous, je vous promets qu’on fait tous les efforts. » La déclaration d’un délégué syndical ? Non, celle du camarade Bazin, PDG d’Accor sur France Inter. Les efforts à faire, voilà seize mois que les femmes de chambres, soutenues par la CGT-HPE (Hôtels de Prestige et Economiques) les demandent. Ce qui les soulagerait, c’est de faire partie du groupe Accor et non plus de son sous-traitant la société STN. Rachel, une des grévistes, a connu quatre sociétés de sous-traitance différentes alors qu’elle travaillait à l’IBIS Batignolles. Seize mois après la mobilisation, le PDG qui dit « faire tous les efforts » refuse.
« Certains pleurent quand ils sont tristes. Nous on chante et on danse. Mais tout ça c’est bien de la souffrance. » Rachel
La fin de la sous-traitance, c’est la possibilité pour les femmes de chambre d’avoir les mêmes avantages et conditions de travail que les autres personnes qui travaillent au sein de l’IBIS Batignolles. Cela signifierait ne pas pouvoir être changées d’hôtel au simple bon vouloir de la direction, avoir les mêmes avantages sociaux que les autres salariés. Ce serait aussi la fin de l’illégalité : le paiement à l’heure et non à la chambre (3 chambres et demie par heure). L’enjeu, ce serait aussi de pouvoir mettre fin aux problèmes de santé comme les problèmes de dos et les tendinites. Rachel explique : « Certains pleurent quand ils sont tristes. Nous on chante et on danse. Mais tout ça c’est bien de la souffrance. »
Ménage sous-traité, personnes maltraitées ?
« Ca fait 17 ans que je suis en France et que je travaille. Je me dis que si on est traitées comme ça, c’est parce qu’on est étrangères et noires » déplore Rachel. Depuis la pandémie, le taux d’occupation des chambres à Paris est de 20%. Rachel est au chômage partiel depuis mars mais elle continue la mobilisation. Les femmes de chambre de l’IBIS Batignolles sont pour la plupart des femmes immigrées. Selon leur soutien à la CGT-HPE, Claude Levy, les sociétés de sous-traitance jouent sur la « classe sociale, la précarité, et le fait que certaines doivent renouveler leurs papiers grâce à un contrat de travail. » La CGT-HPE va intenter une action en justice auprès d’Accor pour « discrimination raciale ». Accor a été épinglé par l’Etat français pour discrimination à l’embauche en février dernier suite à une opération de testing.
«On est essentielles à l’hôtel : sans la propreté, les touristes ne viennent pas. » Rachel
«Le groupe Accor nous traite comme des sous-hommes, mais c’est nous qui le faisons vivre » s’écrie Rachel. « On est essentielles à l’hôtel : sans la propreté, les touristes ne viennent pas. Je suis sûre que Monsieur Bazin, avec sa cravate, ne sait même pas faire un lit. » Selon Claude Levy, « quand vous commencez à entrer en conflit avec Accor, vous ne savez pas quand ça va finir ». Malgré les mobilisations, les soutiens, les chants, Monsieur Bazin et ses 800 000 chambres dans 110 pays ont décidé que pour l’instant, l’internalisation, c’était non.