En 2021, les prix du papier avaient augmenté de 10 à 15%. Si toutes les filières ne sont pas touchées de la même manière par cette crise financière, les secteurs de la presse écrite et de l’édition se retrouvent dos au mur.

Des délais d’approvisionnement allongés, des fermetures de sites papetiers, et un manque de matière première difficile à gérer pour les acteurs de la filière graphique. Le phénomène n’est pas nouveau mais depuis l’an passé, les conséquences de la pénurie de papier sont décuplées avec la crise sanitaire. Les différentes périodes de confinement et l’incertitude d’une situation inédite ont conduit à une production ralentie dans les usines, une accélération du commerce en ligne, et des changements d’usage. « En 2021, les délais de livraison se sont multipliés par trois. Les tensions restent fortes sur le secteur de l’impression et de l’écriture. Mais beaucoup moins sur le papier d’hygiène par exemple », confie Ariane Guillemin, responsable affaires publiques et communication du syndicat COPACEL (Confédération française de l’industrie des papiers, cartons et celluloses). L’intéressée bat en brèche le terme de « pénurie », repris en boucle par les médias : « Le terme est excessif. Il n’y a pas un manque complet, même pour le papier d’impression qui est plus durement touché ». Pas de pénurie d’après la syndicaliste, mais de sérieux doutes chez les professionnels des médias et de l’édition.

« Un coup de grâce économique »

Chez certains titres de PQR (presse quotidienne régionale), notamment ceux qui n’ont pas entamé leur transition vers le numérique, le contexte est pesant. Pierre Petillault, directeur de l’APIG (Alliance de la presse d’information générale), rappelle l’impact de cette crise : «Globalement, la presse n’est pas dans un état de croissance des revenus et du chiffre d’affaires. Toute augmentation des coûts fait donc diminuer le bénéfice. Certains titres ont basculé vers le numérique, d’autres sont très peu numérisés. La situation actuelle est un coup de grâce économique pour ceux qui reposent beaucoup, voire essentiellement sur le papier ».
Sur ses 300 membres, l’APIG compte plus de 225 titres, le plus souvent des TPE-PME, qui n’ont pas amorcé leur désengagement du papier. Autant de journaux qui, à leur échelle respective, paient un lourd tribut à la pénurie. « La fonction lobbying de l’Alliance permet de sensibiliser l’opinion, la presse, les pouvoirs publics . Encore faut-il que les pouvoirs publics aient des leviers pour remédier à la pénurie » affirme Pierre Petillault.

Des choix orientés vers certaines filières

Contrairement au secteur graphique, les secteurs de l’emballage et du
conditionnement s’étaient maintenus en 2020 (source : COPACEL).

En 2020, selon les données du bilan COPACEL, les usages graphiques avaient déjà chuté de 26,7% en un an. Ils ne représentaient plus que 17% de la production nationale de papier. A
l’inverse, l’emballage et le conditionnement se maintenaient à une activité stable (-0,4% de variation en un an). Pour Pierre Petillault, « le choix d’orienter la pâte à papier recyclé vers la filière du carton plutôt que vers celle du papier journal est un facteur de cette pénurie, difficile à objectiver». Favorisé par le e-commerce, le carton continue son essor, a contrario du papier journal en chute libre. Et Ariane Guillemin d’ajouter : « Certaines de nos entreprises étaient spécialisées sur l’impression et l’écriture. Elles entament aujourd’hui des projets de conversion de leurs machines pour faire de l’emballage carton, où la demande est très élevée ».

Pas d’accalmie avant la fin du 1er trimestre 2022

A l’approche des fêtes de fin d’année, beaucoup de personnes se demandaient même s’il y aurait des livres à mettre sous le sapin à Noël. Mais d’après le rapport 2020-2021 du SNE (Syndicat National de l’Edition), les pertes financières enregistrées par les éditeurs restent modérées, avec une baisse de 2,36% du chiffre d’affaires. Selon la taille des structures, il est plus ou moins facile de se réorganiser. Chez la maison d’édition Gründ Jeunesse par exemple, aucun livre ne manquait en décembre. L’éditrice Chantal Janisson le confirme : « Il y a d’abord eu un sentiment d’inquiétude chez les éditeurs. Nous anticipons encore le plus possible pour commander nos papiers, en prévoyant des délais conséquents pour l’impression. En fin d’année dernière, tous nos ouvrages étaient livrés à temps ». L’édition et la presse doivent toutefois continuer à s’adapter : « Le décalage des délais de livraisons va encore durer. Il n’y aura pas d’accalmie avant la fin du premier trimestre 2022 » assure Ariane Guillemin. Et c’est tout le modèle économique de la presse papier qui n’a pas fini d’être remis en cause.