Sorti le 10 novembre 2020 sur presque toutes les plateformes, Assassin’s Creed Valhalla est la plus grosse sortie d’Ubisoft cette année. Un nouveau succès pour la franchise Assassin’s Creed, popularisée grâce à ses jeux vidéo historiques d’action-aventure et d’infiltration en monde ouvert.

Avec au total plus de 140 millions de jeux vendus (chiffres de juin 2019), Assassin’s Creed est sans conteste la franchise la plus rentable d’Ubisoft, loin devant Just Dance qui n’est qu’à 70 millions. Si l’entreprise reste discrète sur les chiffres de chaque jeu, elle confirme qu’il y avait le jour de la sortie de Valhalla le double de joueurs connectés qu’il y avait pour Odyssey. Pour rappel, Odyssey détenait lui aussi le record du meilleur lancement à sa sortie en octobre 2018.

Assassin’s Creed Valhalla était très attendu depuis son annonce officielle en avril 2020, et pour cause : nous débarquons cette fois-ci chez les Vikings, à la fin du IXe siècle. Vous incarnez Eivor, un ou une viking selon votre préférence, pour guerroyer contre Alfred le Grand. Le jeu vous guide à travers les différents royaumes anglo-saxons que sont le Wessex, la Northumbrie, l’Est-Anglie et la Mercie. Ça change des côtes grecques ensoleillées de 431 av. J.-C. dans Assassin’s Creed Odyssey.

Une évolution vers le RPG d’action ?

Beaucoup de joueurs déplorent une présence moins importante de la Confrérie des Assassins au fil des jeux, et donc un éloignement de l’esprit Assassin’s Creed d’origine. C’est le cas de Rémi, 23 ans, habitué de la franchise depuis Assassin’s Creed II sorti en 2009, pour qui Valhalla fait mieux que Odyssey sur cet aspect : “J’avais pas mal peur au vu de l’annonce de Valhalla car l’état d’esprit des Vikings est à priori très opposé à ceux des Assassins. Mine de rien, ces derniers ont été bien amenés dans le jeu donc ça me rassure un peu.

Le graphisme de Valhalla est très détaillé et spectaculaire pour les paysages.
Dans Valhalla, vous pouvez attaquer des villages depuis votre drakkar dans un sublime décor. Crédit : Ubisoft.

Néanmoins, il estime que le jeu reste réussi, notamment en ce qui concerne les quêtes, qui rythment la partie du joueur. “Elles sont très diverses, ça peut aller de la chasse à l’attaque de châteaux forts. Les quêtes secondaires ne sont pas redondantes et toujours originales, ce qui comparé aux deux opus précédents (Origins et Odyssey) est un grand plus, car on finissait toujours par tourner un peu en rond”, avoue-t-il.

Un monde ouvert impressionnant

Pour les non-initiés, le monde ouvert signifie que vous êtes libres de vous balader sur tout un territoire et d’interagir avec lui. Dans Valhalla, vous pouvez courir librement dans la neige à la recherche de quêtes à accomplir et attaquer des villages à bord de votre drakkar. La réussite de cet opus réside dans son animation qui, on peut le dire, est fichtrement bien faite. Des immenses plaines enneigées aux sublimes bois nordiques, le jeu qui peut être joué en 4K à 60fps sur Xbox Series X propose une expérience visuelle très réussie.

L’interaction possible avec son environnement monte également d’un cran : dans Valhalla, vous devez aménager votre camp. Les choix que vous ferez dans votre aventure se répercuteront sur le fonctionnement de votre village. Mention honorable : Assassin’s Creed Valhalla passe le test Can you pet the dog ?, qui vérifie s’il est possible ou non de caresser des animaux dans les jeux vidéos.

Un succès entaché par un sexisme crasse

Cependant, les accusations de sexisme n’en finissent pas chez Ubisoft. En juillet 2020, Serge Escoët démissionnait de son poste de directeur de la création après des accusations de harcèlement sexuel. Des accusations d’agressions ont également mené à d’autres licenciements et mises à pied jusqu’à Toronto. Cela ne semble pas avoir éradiqué le sexisme chez Ubisoft puisque la franchise Assassin’s Creed a également été éclaboussée, une fois de plus.

Dans le cas précis de Valhalla, Eivor aurait dû être une femme et le seul personnage jouable.  C’est un prénom 100% féminin dans le pays où il est le plus donné, c’est-à-dire la Norvège. Au final, il est possible de choisir entre Eivor homme ou Eivor femme. Même son de cloche pour Odyssey : Kassandra aurait dû être l’unique protagoniste, mais le choix est laissé avec son frère Alexios. Des employés dénoncent des demandes et des propos sexistes.

Jill Murray, ancienne directrice de narrative design et scénariste d’Ubisoft, explique sur Twitter : « Le gentleman de l’éditorial a dit « le protagoniste doit être un HOMME BLANC ALPHA HETERO » et l’a souligné en rouge, pour l’emphase. J’ai été rétrogradée à cause de ce problème, et j’ai démissionné« . Elle répond à Marie Jasmin, qui tweet elle aussi sa version des faits : « J’étais au studio de Montréal d’Assassin’s Creed 2 jusqu’au 10 (Origins), et les exécutifs d’Ubi disaient « les femmes ne vendent pas » A 🙃 CHAQUE 🙃 FOIS. »


Jill Murray et Marie Jasmin ont toutes deux travaillé sur des opus d’Assassin’s Creed. Source : capture d’écran.

Finalement, aucun jeu d’Assassin’s Creed ne présente un unique protagoniste féminin. Sur les derniers opus, le joueur ou la joueuse peut choisir qui il ou elle interprétera. Une balle qu’Ubisoft se tire dans le pied, puisque ces choix n’améliorent pas sa réputation. Le géant français du jeu vidéo rate également l’occasion de mettre des personnages importants en avant par pure misogynie, sabordant la crédibilité de son univers en passant.

Assassin’s Creed Valhalla s’annonce donc comme un énième succès pour Ubisoft. Son superbe graphisme et son univers viking prennent quelque peu le pas sur l’esprit Assassin’s Creed sans pour autant freiner les ventes. Cependant, Ubisoft ferait bien de rester attentif aux attentes des joueurs et joueuses : ses dérives misogynes pourraient finir par devenir un véritable talon d’Achille, ou plutôt « dos de Siegfried » si l’on souhaite rester en ambiance viking.