Féminisme 2025 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/sujet/feminisme-2025/ De la presse écrite au web Journalisme Tue, 08 Apr 2025 11:02:28 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.2 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/wp-content/uploads/logo-CYU-1-1-150x150.png Féminisme 2025 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/sujet/feminisme-2025/ 32 32 Le féminisme marchand : Quand les luttes deviennent des produits marketing https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/le-feminisme-marchand/ https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/le-feminisme-marchand/#respond Tue, 08 Apr 2025 11:02:27 +0000 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/?p=243640 À une époque où l’égalité des sexes est une cause de plus en plus visible dans les médias, sur les slogans des entreprises et jusque sur leurs réseaux sociaux, le féminisme s’est transformé en un produit séduisant pour de nombreuses marques. Sur le compte TikTok de Dior, on peut lire par exemple la citation de […]

L’article Le féminisme marchand : Quand les luttes deviennent des produits marketing est apparu en premier sur Master Journalisme - Gennevilliers.

]]>
À une époque où l’égalité des sexes est une cause de plus en plus visible dans les médias, sur les slogans des entreprises et jusque sur leurs réseaux sociaux, le féminisme s’est transformé en un produit séduisant pour de nombreuses marques. Sur le compte TikTok de Dior, on peut lire par exemple la citation de Christian Dior : “Women, with their intuitive instinct, understood that I dreamed not only of making them more beautiful, but happier too.1 Une manière poétique et flatteuse de s’adresser aux femmes, qui s’accompagne d’une stratégie d’image bien rodée. La maison Dior n’hésite pas à mettre en avant sur leurs publications des icônes comme Rihanna ou Natalie Portman. Cette dernière est notamment connue pour son engagement féministe, ayant été l’une des porte-parole du mouvement Time’s Up en 2018, dans la foulée de l’affaire Weinstein et du mouvement #MeToo. Autant de signaux qui semblent traduire un engagement sincère. Mais derrière cette façade d’engagement, une question se pose : ces entreprises sont-elles vraiment en phase avec les valeurs féministes qu’elles véhiculent ou ne sont-elles qu’en train de brandir la carte du « féminisme washing » ?

Il est de plus en plus fréquent de croiser des t-shirts ou des sacs à main affichant des slogans féministes dans les vitrines des grandes marques. Dior, par exemple, a lancé un t-shirt à 620 euros portant l’inscription « We should all be feminists », inspiré du manifeste de l’écrivaine nigériane Chimamanda Ngozi Adichie. Des inscriptions que l’on peut retrouver sur de nombreux articles de fast-fashion, comme Stradivarius, Mango, ou encore Zara. Si, à première vue, cela semble être un beau geste pour diffuser les idées féministes, la réalité est plus complexe.

Ce phénomène est connu sous le terme de féminisme washing. Dans son livre Feminism Washing : quand les entreprises récupèrent la cause des jeunes, Léa Lejeune, journaliste et présidente de l’association Prenons La Une définit cette pratique comme : “l’ensemble de pratiques de communication et de marketing utilisées par les entreprises, qui visent à faire croire aux consommatrices et aux consommateurs qu’elles se préoccupent de l’égalité, alors qu’elles cachent des pratiques RH qui sont loin d’être exemplaires. Si elles font cela, c’est parce qu’elles ont bien compris les opportunités business qui se cachent derrière. Aujourd’hui, 58% des Français se disent féministes, et ça grimpe à 77% pour les femmes entre 15 et 24 ans. De manière cynique et pragmatique, c’est donc une réelle opportunité pour les marques de gagner des nouvelles clientes” (interview sur Maddyness). En effet, derrière les discours inspirants, on trouve souvent des pratiques contraires à ces idéaux.

Des conditions de travail en complète opposition avec les chartes éthiques.

Dans la conduite de ses activités, le Groupe LVMH s’engage à respecter l’ensemble des lois, règlements et conventions nationales et internationales applicables, ainsi que les meilleures pratiques, notamment en matière de normes de travail et de responsabilité sociale, de protection de l’environnement, d’éthique et d’intégrité des affaires”, des enjeux que l’on peut lire sur le code de conduite des fournisseurs et partenaires commerciaux du groupe LVMH. Pourtant, l’une de ses grandes maisons est actuellement dans le viseur de l’autorité de la concurrence italienne (AGCM). En effet, la maison Dior est soupçonnée avec la maison Giorgio Armani d’avoir été peu regardants sur les conditions de travail de leurs sous-traitants. Dans le communiqué de l’enquête nous pouvons lire : « Les entreprises ont mis l’accent sur la qualité et l’artisanat. Or, pour réaliser certains articles et accessoires, elles sont soupçonnées d’avoir fait appel à des ateliers et des fabriques employant des salariés payés à un salaire inadéquat. En outre, ces salariés travaillaient plus d’heures que le maximum légal autorisé et dans des conditions de santé et de sécurité inappropriées, à l’opposé des niveaux d’excellence dans la fabrication dont les entreprises s’enorgueillissent« .

Les grandes entreprises utilisent donc des messages féministes comme des outils marketing pour séduire des consommateurs de plus en plus sensibles aux causes sociales, tout en continuant à ignorer les réalités de leurs propres chaînes d’approvisionnement. Par la même occasion, cela représente un discours trompeur à la nouvelle clientèle très engagée dans ces discours.

La valorisation du travail gratuit

Ces mauvaises conditions de travail continuent d’être en total opposition avec des slogans féministes qui prônent l’empowerment des femmes, et l’égalité des genres. Des conditions qui sont inculquées dès le début de la formation des nouveaux agents du luxe.

Giulia Mensitieri, docteur en anthropologie sociale et ethnologique, travaille sur la manière dont le luxe engendre une forme de précarité sociale pour les personnes qui travaillent dedans. Dans son article “Précaires de luxe”, elle montre à travers de nombreux entretiens et de recherches que les entreprises mais également les écoles de mode participent activement à la normalisation du surtravail voire la valorisation du travail gratuit. Dans de nombreux entretiens, nous pouvons suivre le témoignage de Laeticia : “Cette collaboration, qui a duré bien plus que les six mois indiqués par la loi comme durée maximale, a été rémunérée moins que ce qui est prévu par le droit, et n’a pas été déclarée”. Ce témoignage n’est pas un cas isolé et représente la grande majorité des cas étudiés par Giulia Mensitieri. De plus, les professeurs mettent en avant des discours en demi-teinte : “Après, nous, en tant que professeurs, on veut le meilleur pour nos étudiants. Et le meilleur, c’est les maisons de luxe… qui exploitent et qui ne payent pas”. Le luxe représente un monde tellement fermé, que atteindre ses portes “justifie donc la multiplication des stages non ou mal rémunérés et permet de légitimer la pratique du travail gratuit et précaire dans ce secteur pourtant richissime”. La stagiaire de mode est une figure tellement commune dans le milieu, qu’un magazine de mode indépendant lui est consacré : Intern. Lancée en 2013, la publication a pour but de cimenter ce que le fondateur appelle l’Intern culture et de « dénoncer la diffusion du travail gratuit dans ce secteur ».

Des femmes négligées qui portent ces slogans

Ainsi des entreprises qui se présentent comme des alliées des femmes, cultivent une incohérence profonde. En effet, tant que l’écart entre le discours et la réalité persiste — comme l’exposition de femmes sur des affiches de pub tout en négligeant leurs conditions de travail dans les coulisses — le féminisme marchand demeure une démarche hautement contestable. N’est-ce pas paradoxal de faire défiler des femmes portant un tee-shirt “We should all be feminists” et le placarder sur toutes leurs plateformes numériques alors que les conditions de travail de ces femmes sont négligées voire illégales ?

Travail gratuit, harcèlement moral, mannequins recrutés dans des camps de réfugiés puis renvoyés chez eux, et n’ayant peu de moyens pour se défendre contre les abus, France Info a dévoilé une enquête portant sur les conditions de travail des mannequins. La précarité du métier est un mal endémique dans ce secteur qui valorise l’image avant tout, mais laisse souvent ses travailleurs dans l’ombre. Dans de nombreux cas, des femmes ont été recrutées dans des camps de réfugiés, elles ont ensuite avancé les dépenses (billets d’avion, …) pour se rendre dans les Fashion Weeks aux quatre coins du monde pour au final être renvoyées dans les camps avec des dettes. C’est par exemple le cas de Nyabalang Gatwech Pur venue du Kenya. Elle a été renvoyée au bout de 17 jours à Paris, après de nombreux castings pour les plus grandes maisons (Saint Laurent, Hermès, Balmain, …). Joan

Okorodudu, une femme d’affaires, est venue prévenir la jeune réfugiée de quitter l’appartement de l’agence qu’elle occupait à Paris. Une décision que la femme d’affaires à justifié par : « Tous les mannequins doivent repartir après la fashion week. Aucun ne devrait demander l’asile”. De retour au Kenya, la mannequin a contacté son agence de Paris, pour connaître le montant de sa rémunération pour les castings ; « Elle a découvert que non seulement, elle n’avait rien gagné, mais qu’elle avait généré 2 700 euros de dettes ». Comme pour les stagiaires, des témoignages comme celui de Nyabalang Gatwech Pur n’est pas un cas isolé.

Ces nombreuses conditions de travail malsaines sont présentées dans le manifeste de l’association Model Law qui lutte pour les droits des mannequins ; un statut juridique flou -“la loi précise que le mannequin est « salarié » de l’agence, or il ne bénéficie pas des mêmes droits ni de la même protection sociale que n’importe quel autre salarié en France”-, mauvaises rémunérations -“le mannequin ne touche que 33 % à 36 % des sommes facturées au client et pose toujours gratuitement pour la presse”-, une obsession malsaine autour du corps des femmes -“l’étroitesse des mensurations imposées par le secteur pousse les agences à employer des mannequins mineurs”-.

De nombreuses situations que les marques feignent d’ignorer alors qu’elles se parent d’un discours féministe.

Le féminisme, un business à part entière

Même si de nombreuses marques font véritablement du féminisme un pilier de leur production, le phénomène du féminisme marketing n’est pas anodin. Selon Léa Lejeune, ce phénomène est une réponse directe à la banalisation du féminisme dans l’espace public. De marques de fast fashion à des géants de la cosmétique, le féminisme est devenu un moyen efficace de capter l’attention d’une génération via la mise en avant de leurs slogans féministes sur les réseaux sociaux. Le féminisme, tel qu’il est récupéré par ces marques, n’est pas un engagement véritable pour les droits des femmes, mais une manière d’attirer une clientèle consciente et militante. Si cette tendance semble répondre à une demande sociétale croissante de soutien à l’égalité des sexes, elle soulève de sérieuses questions éthiques.

En définitive, le féminisme marchand soulève une réflexion complexe sur la manière dont les causes sociales sont récupérées par le marché. Si, à première vue, les marques semblent faire leur part en affichant des messages féministes, il convient de se demander si leurs actions suivent réellement leurs discours. Le féminisme des marques est-il authentique ou simplement un autre produit commercial destiné à flatter les consciences sans changer les pratiques réelles ? Ces entreprises devront peut-être un jour répondre à cette question : le féminisme peut-il réellement se vendre sans perdre de son essence ?


  1. « Les femmes, avec leur instinct intuitif, ont compris que je rêvais non seulement de les rendre plus belles, mais aussi plus heureuses ↩︎

L’article Le féminisme marchand : Quand les luttes deviennent des produits marketing est apparu en premier sur Master Journalisme - Gennevilliers.

]]>
https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/le-feminisme-marchand/feed/ 0
Twitch face au cyberharcèlement des streameuses : entre mesures et mobilisation des créatrices de contenu https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/twitch-face-au-cyberharcelement-des-streameuses/ https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/twitch-face-au-cyberharcelement-des-streameuses/#respond Tue, 01 Apr 2025 10:22:54 +0000 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/?p=243430 Hilan Hill & Jessy Lemesle Ces dernières années, les créatrices de contenus sur Twitch font face à une vague de cyberharcèlement à caractère sexiste et sexuel. Les mesures prises par la plateforme sont considérées comme insuffisantes obligeant les streameuses à se mobiliser elles-mêmes pour lutter contre ce fléau : appels à la justice, communautés de […]

L’article Twitch face au cyberharcèlement des streameuses : entre mesures et mobilisation des créatrices de contenu est apparu en premier sur Master Journalisme - Gennevilliers.

]]>

© Image du logo de la plateforme de streaming Twitch

Hilan Hill & Jessy Lemesle

Ces dernières années, les créatrices de contenus sur Twitch font face à une vague de cyberharcèlement à caractère sexiste et sexuel. Les mesures prises par la plateforme sont considérées comme insuffisantes obligeant les streameuses à se mobiliser elles-mêmes pour lutter contre ce fléau : appels à la justice, communautés de soutien, initiatives féministes, sororité… 

« J’étais juste en train de parler avec ma communauté. Ce jour-là, il y a plus de 500 comptes qui ont rejoint mon Discord en mettant des photos d’enfants démembrés ou de femmes décapitées », déclare d’une voix glaçante Manon, 21 ans, connue sur la plateforme de streaming vidéo en direct Twitch sous le pseudo Manonolita, et forte d’une communauté de plus de 46 000 personnes. Propos sexistes, sexualisation, menaces de mort, violences, harcèlement, mais aussi difficulté à pouvoir se filmer ou à jouer en ligne comme elles l’entendent. Depuis plusieurs années, nombre de streameuses font état d’une situation alarmante où le cyberharcèlement et les comportements toxiques et misogynes sont de plus en plus présents à leur égard. Face à cette réalité, la plateforme semble dépassée par les événements.

Une communauté collaborative 

La plateforme Twitch est régulièrement critiquée pour son manque de modération. La gestion de ces dérives repose en grande partie sur les créateurs eux-mêmes, qui s’appuient souvent sur des modérateurs bénévoles pour encadrer leurs diffusions.Ces modérateurs proviennent de la communauté et interviennent sur le chat de diffusion en direct en supprimant les messages nuisibles au bon déroulement de la retransmission. Dans des cas extrêmes, les spectateurs perturbateurs sont bannis.Twitch, de son côté, met à disposition quelques outils de modération censés garantir le bon déroulement des lives.  

En réponse à des demandes répétées de la communauté, Twitch a lancé en 2021 la fonctionnalité « Shared Ban Info » dans le cadre de l’opération Safer Together. Cette option permet aux créateurs de partager leurs listes d’utilisateurs bannis avec d’autres streamers, ajoutant ainsi une couche de protection supplémentaire contre les harceleurs connus. Une initiative similaire à celle proposée précédemment par le streamer Billy. Cette démarche s’inscrit dans les efforts continus de Twitch pour renforcer la sécurité et la convivialité de la plateforme. 

Un système de modération inefficace : un choix structurel ?

À ce jour, la fonctionnalité de partage des informations de bannissement est pleinement opérationnelle. Les streameuses peuvent désormais partager leurs listes de bannis avec des créateurs de confiance, favorisant ainsi une modération collaborative et proactive. Cette approche communautaire vise à rendre Twitch plus sûr pour l’ensemble de ses utilisateurs. Mais ces mesures restent largement insuffisantes face à l’ampleur du phénomène. Plusieurs streameuses estiment que la réponse de la plateforme reste superficielle. Selon Nat’ali, streameuse spécialisée dans le jeux vidéo et le contenu féministe : « Les mesures que Twitch a prises pour essayer de protéger les femmes et les minorités face au cyberharcèlement sont ridicules…». Pour Jackotte, streameuse orientée politique et société, le problème est plus structurel : « Que Twitch mette en place des outils, fort bien. Mais ils ne le feront pas car la société est fondamentalement misogyne (…) Rien n’a changé, c’est juste que la liste des personnes bannies s’allonge. Et donc, il y a de moins en moins de personnes qui peuvent venir sans recréer un nouveau compte. S’ils ont mis à disposition des outils, je n’ai pas reçu de mails ».

Bien que des mesures aient été mises en place pour limiter voire endiguer les dérives, des streameuses et streamers interrogés par Tech&Co, la quotidienne de BFMTV dédiée à l’actualité tech, estiment que la situation reste problématique : « la plupart des actions possibles sont entre les mains des créateurs, évitant à Twitch de s’y impliquer véritablement ». Par exemple, un streamer peut activer un mode « Bouclier » qui bloque toutes les interactions dans le chat et en supprime les messages. Le système de bannissement permet aussi d’anticiper le retour de comptes secondaires déjà exclus – sauf si ceux-ci utilisent une adresse IP différente. 

En 2021, le streamer Billal Hakkar, surnommé Billy et connu sous le pseudonyme de « RebeuDeter » (2 millions d’abonnés), avait proposé la création d’une liste de bannissement commune sur Twitch. L’objectif : permettre aux créateurs de contenu de partager les informations sur les utilisateurs indésirables afin de renforcer la modération et la sécurité sur la plateforme : « Ça veut dire un mec qui est ban*1 chez Maghla, chez Deujna, … Automatiquement, ça le/les ban de partout. » Cette initiative visait à faciliter la gestion des comportements toxiques ciblant en particulier les femmes, en permettant une collaboration renforcée entre streameuses. Elle a donné naissance à un outil appelé « Place de la paix », un réseau soutenu par un robot chargé d’effectuer des tâches de modération précises que les streameuses ou leurs modérateurs peuvent activer durant les diffusions. Cet outil se veut temporaire, en attendant que Twitch mette en place des mesures plus strictes. Une mobilisation commune des streameuses face à ceux qui alimentent ces campagnes de harcèlement récurrentes, dans un contexte où l’inaction de Twitch persiste, malgré l’ampleur croissante du phénomène touchant l’ensemble des créateurs et créatrices de contenu. 

La sous-représentation des streameuses

Selon Statista, seuls 37% des utilisateurs sur Twitch sont des femmes. En 2022, 65% des gameuses – c’est-à-dire les femmes jouant aux jeux vidéo au moins une fois par mois – déclaraient regarder du streaming chaque semaine (Bryter female gamer study, 2023). Alors, pourquoi le rapport annuel de Stream Hatchet (2023) indique-t-il que seulement 11,6% des créateurs de contenus sur Twitch sont des femmes ? Pour Nat’ali, le problème est structurel : « Je pense que de toute façon à partir du moment où tu es une femme sur Internet, tu sais que ça va finir par arriver, c’est qu’une question de temps (…) Toutes les fois où je me suis fait harceler ou insulter, c’est parce que j’avais dit un truc féministe ou parce que j’avais fait quelque chose en étant une femme qui n’avait pas plu »

L’esport, comme le streaming implique une forme d’exposition publique, notamment face à une audience majoritairement masculine. Une perspective parfois difficile pour les joueuses, qui sont davantage sujettes au doute quant à leur légitimité et à leurs compétences lorsqu’elles jouent en ligne.  

Une mobilisation féministe des créatrices de contenu en pleine expansion 

Face aux limites de la modération automatisée, certaines créatrices de contenu ont décidé de prendre les choses en main en lançant des initiatives pour sensibiliser et lutter contre le sexisme sur Twitch. Parmi elles, la vidéaste française Maghla, l’une des figures les plus influentes de la plateforme en France, n’a pas hésité à dénoncer publiquement ces dérives le 24 octobre 2022, en interpellant directement Twitch sur la nécessité d’un engagement plus fort : « Y a des centaines de pages de gens qui se branlent sur mes photos et les postent. Littéralement. Également des montages encore et encore et les commentaires peuvent aller du « je la viole » à « je vais la pénétrer cette chienne » etc… le forum est alimenté tous les jours ». Elle conclut en soulignant que ces violences sont loin d’être isolées, touchant l’ensemble des streameuses, quel que soit leur niveau de notoriété : « Ah et ce que je vis, toutes les streameuses le vivent et on ferme notre gueule h24 parce qu’on prend aussi des « t’as percé par ton corps/parce que t’es une meuf/t’es belle » alors que derrière on prend les contenus plus au quotidien dont on se passerait bien justement ».

Contacté au sujet de l’ensemble de ces accusations, Twitch s’est contenté d’un message général :  « Le harcèlement sexuel n’a pas sa place sur le service explique l’entreprise. Twitch prend des mesures lorsque des cas de harcèlement sexuel ou d’abus sont identifiés, et fait évoluer en permanence les politiques, les technologies et les outils de signalement pour protéger la communauté ». Pourtant, Chloe_Live et Jackotte assurent « n’avoir jamais été mises en contact avec Twitch France jusqu’ici », ni même prévenues par courriel de la mise à disposition de quelconques outils. 

La sororité dans la cybersphère, une pour toutes et toutes pour une

Concept féministe, la sororité désigne la solidarité entre les femmes, à l’image de la fraternité. Certaines streameuses comme Chloe_Live redoublent d’efforts dans la sphère numérique pour compenser le manque de modération de la plateforme. C’est dans cette dynamique qu’est né le projet Stream’Her : une communauté d’entraide et de valorisation des femmes dans le monde du streaming : « Notre mission est d’atteindre une meilleure représentativité des streameuses et créer des rôles modèles dans ce domaine. Pour ce faire, nous mettons plusieurs choses en place dont une communauté d’entraide de plus de 850 personnes sur Discord (aka un logiciel de messagerie à l’instar de Slack) ». Plusieurs streameuses ont rejoint le projet :« On s’échange les listes de gens à bannir » expliquent-elles. Certaines voient cette mesure comme une première étape pour exercer leur activité plus sereinement à l’image de Chloe_Live : « Je ne pourrai pas arrêter le stream parce qu’il y a quelques cons que ça fait chier et qui viennent insulter le tchat, ça serait leur donner raison ! ».

Des condamnations judiciaires qui se multiplient

Au-delà de révéler les coulisses de ce qu’elles endurent au quotidien, les représentantes du Twitch français n’ont cessé d’alerter les utilisateurs sur la gravité du phénomène, quitte à prendre des mesures radicales. C’est le cas de la streameuse Ultia, qui a décidé de porter l’affaire devant la justice pour lutter contre le cyberharcèlement dont elle est la cible depuis octobre 2021.

A l’époque, Carla G., alias Ultia, participait à la sixième édition du ZEvent, un marathon caritatif organisé sur Twitch par le streamer ZeratoR et son Dach. Lors de cet événement suivi en direct par des dizaines de milliers de spectateurs, elle avait dénoncé un comportement sexiste de l’influenceur Inoxtag. Cette prise de parole lui a valu une vague de messages violents et de menaces de la part d’internautes.

Ultia a envisagé le procès de quatre de ses harceleurs comme « un point de chute » dans la continuité d’une première condamnation du genre prononcée le 18 mai 2022 par le tribunal correctionnel de Meaux. Celle-ci visait un homme accusé d’avoir harcelé la streameuse Maghla. A l’époque, la justice avait requis un an de prison ferme, dont six mois avec sursis, assorti d’une interdiction d’approcher la victime pendant trois ans. L’homme de 27 ans, qui se considérait « en couple avec elle {Maghla} », lui envoyait « plus de dix messages par jour ». Cette décision avait été saluée par Chloé Boels qui qualifiait alors le processus judiciaire de « parcours du combattant » : « C’est une très bonne nouvelle au vu du nombre d’histoires qu’on entend chaque semaine. Enfin, une condamnation en justice ! La plupart du temps, la streameuse va porter plainte, mais celle-ci n’aboutit pas. Aujourd’hui, c’est un vrai message d’espoir qui est envoyé. »  Cet espoir a été renouvelé le 12 février dernier, lorsque la 10ᵉ chambre correctionnelle du tribunal de Paris à rendu sa décision dans l’affaire Ultia. Trois des accusés ont été condamnés à des peines allant de dix mois de prison avec sursis à un an dont six mois ferme. Le quatrième a été relaxé. 

Si des condamnations judiciaires commencent à émerger, elles demeurent isolées et peu médiatisées. Comme le souligne Ultia : « Pour que tout cela s’arrête, il faudrait que les gros streamers responsables des communautés qui me harcèlent prennent la parole, considérait Ultia. Mais tout le monde s’en fout. » Si le chemin reste long, ces deux affaires illustrent que le harcèlement en ligne est bel et bien condamnable, et que les comportements numériques sur Twitch peuvent entraîner des conséquences bien réelles. Non seulement sur la santé mentale et physique des streameuses, mais aussi sur la portée légale des actes commis. Elles rappellent aussi la frontière floue entre liberté d’expression et délit préjudiciable. 

  1. Banni – Bannir ↩︎

L’article Twitch face au cyberharcèlement des streameuses : entre mesures et mobilisation des créatrices de contenu est apparu en premier sur Master Journalisme - Gennevilliers.

]]>
https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/twitch-face-au-cyberharcelement-des-streameuses/feed/ 0
Comment le patronat américain diffuse un discours traditionaliste et misogyne en France https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/le-patronat-americain-di%ef%ac%80use-un-discours-traditionaliste-et-misogyne-en-france/ https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/le-patronat-americain-di%ef%ac%80use-un-discours-traditionaliste-et-misogyne-en-france/#respond Fri, 28 Mar 2025 11:05:52 +0000 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/?p=243447 Elles s’appellent Thaïs d’Escufon, Alice Cordier, Charlotte d’Ornellas ou Erga. Ces militantes numériques issues de la nouvelle génération de l’extrême-droite semblent au premier abord venir d’horizons différents. Mais toutes, comme une grande partie des jeunes cadres de l’extrême-droite française, ont été formées à l’Institut de Formation Politique (IFP), une structure rattachée au Réseau Atlas. Ce […]

L’article Comment le patronat américain diffuse un discours traditionaliste et misogyne en France est apparu en premier sur Master Journalisme - Gennevilliers.

]]>

IA – Firefly

Elles s’appellent Thaïs d’Escufon, Alice Cordier, Charlotte d’Ornellas ou Erga. Ces militantes numériques issues de la nouvelle génération de l’extrême-droite semblent au premier abord venir d’horizons différents. Mais toutes, comme une grande partie des jeunes cadres de l’extrême-droite française, ont été formées à l’Institut de Formation Politique (IFP), une structure rattachée au Réseau Atlas. Ce réseau international, présent dans plus de 100 pays, est directement financé par une partie du patronat américain pour diffuser à l’international le discours libertarien et identitaire.

À première vue, l’IFP est un institut comme un autre, une sorte de Think Tank proposant des formations comme peuvent le faire la fondation Jean Jaurès (liée au Parti Socialiste) ou la Fondapol (liée aux Républicains). Mais l’institut est en réalité une structure financée par le patronat américain destinée à former chaque année des centaines de militants, cadres, journalistes et entrepreneurs à diffuser partout dans la société un discours radical, identitaire et traditionaliste.

Un vivier de la jeunesse misogyne et identitaire

Thais d’Escufon, une des militantes anti-droits des femmes les plus suivies en France, est un exemple parfait de la réussite de l’institut. Tous les jours, elle abreuve ses plus de 500 000 abonnés cumulés de discours réactionnaires. Les titres sont clairs : « Il faut VIRER les FEMMES de la POLICE », « Pourquoi les hommes préfèrent les femmes jeunes » ou encore « Pourquoi la morale féminine DÉTRUIT la société ». Dans ses vidéos, l’ancienne porte-parole de Génération Identitaire (un groupuscule nationaliste violent dissous en 2021, ndlr) pousse les hommes à devenir des « hommes de haute valeur » et les femmes à ne pas être « capricieuses ». Ce discours reprend directement celui de l’alt-right américaine (droite alternative américaine), et veut flatter les idées des mouvements masculinistes, notamment le mouvement incel. Ce mouvement misogyne apparu sur internet dans les années 2000, composé d’hommes « involontairement célibataires », reproche aux femmes leur célibat et leur solitude. Cette idéologie, liée à la solitude croissante des jeunes en Amérique du Nord, a mené à des attentats dont celui de Toronto en 2018, qui avait fait une dizaine de morts.

D’autres militantes numériques, certaines moins connues, utilisent la même méthode : diffuser un discours radical pour déplacer le débat public sur ses thèmes et forcer tout le monde à prendre position. Erga, une influenceuse formée par l’IFP, tient le même discours que Thais d’Escufon entre deux chansons où elle vante la « discipline masculine ». La militante-chanteuse était présente fin 2022 à la soirée de collecte de dons de l’institut, où elle affirmait y avoir « trouvé l’endroit idéal » pour « lutter contre la dictature bien-pensante ».

L’IFP, en tant que structure de formation politique, a également formé divers cadres de l’extrême-droite : Samuel Laffont et Stanislas Rigault, lieutenants d’Éric Zemmour, ou encore Pierre Gentillet, avocat proche de Jordan Bardella et défenseur acharné de Vladimir Poutine. L’organisation est donc un vivier des cadres de l’extrême-droite, au point qu’elle se félicitait en octobre 2023 d’avoir formé 23% des sénateurs de moins de 40 ans.

À l’origine, un réseau de lobbyistes néolibéraux

Toutes ces formations sont rendues possibles par la contribution du Réseau Atlas, un partenaire de premier rang de l’institut. Ce réseau international créé dans les années 1980 dans la mouvance du Thatcherisme avait à l’origine pour objectif de répandre les idées néolibérales puis libertariennes dans le monde. Mais depuis une vingtaine d’années et avec la montée du nationalisme et de l’identitarisme, le réseau accompagne ce mouvement et en forme les cadres, porte-paroles et figures, tout en gardant comme boussole idéologique le néolibéralisme et le démantèlement de l’État social.

En effet, l’IFP n’est pas la seule structure à être liée au réseau Atlas en France. En tête, on retrouve l’IFRAP (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques) et l’IREF (institut de recherches économiques et fiscales), deux Think Tanks conservateurs mais surtout libéraux qui militent pour la dérégulation des marchés, le désinvestissement dans les services publics et la baisse des impôts. Agnès Verdier-Molinié, dirigeante de l’IFRAP, est habituée des médias audiovisuels où elle diffuse ces idées, plus intéressée par le démantèlement du service public que par la fin de la virilité.

Mais ces lobbyistes ultra-libéraux ne sont pas en reste en matière de traditionalisme. Jean-Philippe Delsol, président de l’IREF et lui aussi locataire régulier de BFMTV ou Sud Radio déclarait en 2020 sur TVLibertés : « la nature humaine est inégale, pourquoi serions-nous différents physiquement et pas intellectuellement ? Je ne pense pas souhaitable l’égalité homme-femme ». L’avocat, dirigeant du Think Tank libéral depuis 2002, travaillait entre 2012 et 2016 pour Radio Courtoisie, une radio nationaliste et identitaire dirigée à l’époque par Henry de Lesquen, multi-condamné pour incitation à la haine raciale. Entre l’extrême-droite la plus radicale et les Think Tanks du patronat, les ponts sont finalement plus fréquents qu’il ne peut le sembler.

Et tout cela est financé directement par le patronat américain. Le réseau Atlas, dirigé par l’entrepreneur Brad Lips, est financé par des entreprises pétrolières comme Exxonmobil ou l’industrie du tabac, avec des dons historiques de Philip Morris ou British American Tobacco. Le réseau, doté d’un budget de 20 à 30 millions d’euros annuels, distribue ces fonds dans une centaine de pays pour promouvoir des idées libertariennes mais aussi, on l’a vu, ultraconservatrices.

Utiliser l’extrême-droite contre la gauche, une constante historique

Instrumentaliser l’extrême-droite pour affaiblir la gauche n’a rien de nouveau. Sans remonter aux années 1930, les États-Unis ont financé dans les années 1960 et 1970 des organisations d’extrême-droite en France. L’exemple le plus marquant est la « centrale » Albertini, dirigée par l’ex-collaborateur du même nom. Dans les années 1970, cette organisation a formé et recyclé de jeunes cadres fascistes pour les convertir aux idées libérales. D’anciens dirigeants du groupe nationaliste et néonazi « Occident », comme Alain Madelin ou Patrick Devedjian, y ont été formés aux idées libérales avant d’intégrer durablement la vie politique. Et il est justement avéré que la structure d’Albertini, ancien directeur de cabinet du ministre pétainiste Marcel Déat, était directement financé par la CIA dans sa lutte anticommuniste.

S’il est clair que la diffusion de discours traditionalistes, racistes et misogyne n’est pas l’objectif premier du réseau Atlas, force est de constater que les personnes qu’il forme, aide et finance sont à la pointe du combat contre le progressisme, et notamment les droits des femmes. Avec ses 500 000 abonnés, Thais d’Escufon et ses comparses ont une force de frappe considérable sur l’opinion publique. Des centaines de milliers de jeunes hommes et de jeunes femmes sont abreuvés quotidiennement de discours sur l’« autorité » des hommes et l’« obéissance » des femmes. Et si la « guerre des sexes » n’a pas encore eu lieu en France, là où aux États-Unis la différence idéologique entre jeunes hommes et jeunes femmes est de nature à fracturer la société, ces discours financés par le grand patronat d’outre-atlantique ne fait que mettre de l’huile sur un feu déjà assez étendu.

L’article Comment le patronat américain diffuse un discours traditionaliste et misogyne en France est apparu en premier sur Master Journalisme - Gennevilliers.

]]>
https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/le-patronat-americain-di%ef%ac%80use-un-discours-traditionaliste-et-misogyne-en-france/feed/ 0
“Tanaland”   :   Quand   les Tiktokeuses se réapproprient une insulte misogyne et imaginent un pays sans hommes https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/quest-ce-le-tanaland/ https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/quest-ce-le-tanaland/#respond Fri, 28 Mar 2025 08:53:21 +0000 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/?p=243436 En octobre 2024, l’insulte sexiste “tana” a fait son apparition sur Tiktok. Les jeunes femmes visées par cette injure l’ont récupérée pour créer Tanaland, un pays fictif 100% féminin. Ce phénomène viral illustre un concept sociologique courant dans le militantisme : le retournement du stigmate. Une nouvelle injure misogyne a fait son apparition sur Tiktok […]

L’article “Tanaland”   :   Quand   les Tiktokeuses se réapproprient une insulte misogyne et imaginent un pays sans hommes est apparu en premier sur Master Journalisme - Gennevilliers.

]]>
En octobre 2024, l’insulte sexiste “tana” a fait son apparition sur Tiktok. Les jeunes femmes visées par cette injure l’ont récupérée pour créer Tanaland, un pays fictif 100% féminin. Ce phénomène viral illustre un concept sociologique courant dans le militantisme : le retournement du stigmate.

Une nouvelle injure misogyne a fait son apparition sur Tiktok en octobre 2024 : “tana”. Ce terme, tiré d’une chanson du rappeur Niska, est un équivalent des mots pute ou salope, bannis des commentaires du réseau social. En réaction à cette (énième) attaque sexiste, les Tiktokeuses ont décidé de se la réapproprier pour créer le pays fictif de “Tanaland”, un état réservé uniquement aux femmes.

“Le symbole derrière ce mouvement, c’est le ras-le-bol de recevoir des insultes misogynes à longueur de journée, explicite l’influenceuse @Toomuchlucile dans un Tiktok publié en septembre 2024. « On aimerait avoir un endroit où s’habiller comme on veut, dire ce qu’on veut, faire ce qu’on veut, sans être traitées de tous les noms.” Marie-Anne Paveau, professeure en sciences du langage à l’université Paris 13, s’intéresse à Tanaland au travers du concept de resignification. “C’est la réappropriation d’une insulte, qui devient une sorte d’étendard d’identité et de fierté”, raconte la théoricienne. D’autres chercheurs nomment ce processus la réappropriation ou encore le retournement du stigmate. Et pour que ce phénomène puisse avoir lieu, plusieurs conditions doivent être réunies.

Plusieurs critères pour qu’il y ait resignification

D’abord, il faut être concerné par l’injure. “Par exemple, moi, qui suis une femme de 59 ans, je ne peux pas resignifier tana, parce que je n’ai pas reçu cette attaque-là et que je ne suis pas dans la classe d’âge ni dans la catégorie visée,” explique Marie-Anne Paveau. La personne qui reçoit l’injure doit aussi être affectée : ”Judith Butler, philosophe américaine, présente cela sur le siège de la blessure”, ajoute la linguiste. Cette interaction doit ensuite être suivie d’un déplacement de contexte lors de sa réutilisation. Les tanas reprennent ce terme, péjoratif dans la bouche de ceux qui leur adressent, pour le retourner à leur avantage.

Mais ce processus n’est pas né avec Tanaland. En 2011 par exemple, les “Slutwalks” (Marches des salopes) réunissent des femmes à Toronto, puis partout dans le monde, qui protestent contre les violences sexuelles, la culture du viol et le slut-shaming (entre autres). “La resignification apparaît souvent, mais pas toujours dans un contexte féministe. Par contre, je pense qu’elle apparaît toujours dans un contexte militant”, avance Marie-Anne Paveau. Les lesbiennes, ont récupéré le mot gouine pour en faire un étendard d’identité. Comme pour Tanaland, l’idée d’un “Gouinistan” a aussi été évoquée, “mais c’est resté argumentatif” précise la professeure.

Tanaland : un cas de double retournement du stigmate

Au contraire, Tanaland est un concept très concret. Sur les réseaux-sociaux, les jeunes femmes se filment en train de fermer leurs valises pour s’envoler vers leur nouveau territoire.  L’idée  d’un  gouvernement est également évoquée, avec, pour présidente pressentie, l’artiste Aya Nakamura. La chanteuse de pop urbaine est, elle aussi, régulièrement victime d’attaques sur les réseaux, en raison de son genre mais aussi de sa couleur de peau. Avec les réseaux-sociaux, le retournement du stigmate est plus rapide qu’avant et peut rapidement rendre un phénomène viral.

Dans le cas de Tanaland, Marie-Anne Paveau parle même d’une double resignification. Les jeunes femmes se réapproprient le mot, mais agrémentent aussi leurs Tiktoks d’une esthétique “girly” très marquée. Ces tiktokeuses se maquillent, portent des robes, des jupes, du rose, etc. “Elles revendiquent la culture Barbie, qui a été un petit peu restaurée grâce au film, mais reste une culture qui est très méprisée, jugée superficielle” analyse Marie-Anne Paveau.

“Cet univers fictif met en lumière un besoin pour les femmes de créer des lieux loin du harcèlement masculin”

Pour Marie Lafon-Bach, doctorante en sciences de l’information et de la communication, le succès de Tanaland sur Tiktok pose aussi la question de la non-mixité sur les espaces numériques : “Cet univers fictif met en lumière un besoin pour les femmes de créer des lieux loin du harcèlement masculin.” D’après la chargée de travaux dirigés à la Sorbonne Nouvelle, cela peut se rapprocher des initiatives de non-mixité qui existaient bien avant les réseaux numériques. “La non-mixité apparaît dès les années 1890 et les réunions entre femmes s’imposent durant la décennie 1970 comme un levier privilégié de partage d’expérience et de politisation du privé, ajoute Marie Lafon-Bach. La sociologue souligne “une grosse résonance” entre ces événements du 20ème siècle et ce qu’il se passe aujourd’hui en ligne, en pleine quatrième vague des mouvements féministes.

L’article “Tanaland”   :   Quand   les Tiktokeuses se réapproprient une insulte misogyne et imaginent un pays sans hommes est apparu en premier sur Master Journalisme - Gennevilliers.

]]>
https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/quest-ce-le-tanaland/feed/ 0
Les Dating Coachs à l’ère des réseaux sociaux : sagesse ou stéréotypes dangereux https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/dating-coachs/ https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/dating-coachs/#respond Fri, 28 Mar 2025 08:14:24 +0000 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/?p=243384 Dans l’univers impitoyable du dating moderne, certains influenceurs se posent en guides de l’amour, distillant conseils et stratégies pour séduire les hommes. Mais derrière l’apparente quête du bonheur romantique, ces « dating coachs » suscitent une vague de controverses. Parmi eux, des figures comme Shera Seven et Liz the Wizard, dont les conseils sexistes et provocateurs alimentent […]

L’article Les Dating Coachs à l’ère des réseaux sociaux : sagesse ou stéréotypes dangereux est apparu en premier sur Master Journalisme - Gennevilliers.

]]>
Dans l’univers impitoyable du dating moderne, certains influenceurs se posent en guides de l’amour, distillant conseils et stratégies pour séduire les hommes. Mais derrière l’apparente quête du bonheur romantique, ces « dating coachs » suscitent une vague de controverses. Parmi eux, des figures comme Shera Seven et Liz the Wizard, dont les conseils sexistes et provocateurs alimentent les débats sur l’influence des réseaux sociaux dans la construction des normes sociales et amoureuses. Mais sont-ils réellement des sources de sagesse ou des instigateurs de stéréotypes dangereux ?

Les « dating coachs » : des experts autoproclamés ou des dangers pour l’égalité ?

Avec l’explosion des plateformes comme TikTok et YouTube, les conseils amoureux se sont multipliés et se sont orientés vers des approches de plus en plus polarisantes. Parmi les figures les plus médiatisées, SheraSeven et Liz the Wizard se distinguent par leur contenu virulent et parfois provocateur. Ces « dating coachs » partagent des stratégies sur la manière de séduire un homme, souvent à travers des filtres très sexistes, véhiculant des idées sur l’hypergamie et l’importance de sortir avec des hommes plus âgés ou financièrement plus puissants.

@Pixabay image libre de droit

Shera Seven, qui sévit principalement sur TikTok, et Liz the Wizard, qui cumule des abonnés sur YouTube, incarnent deux types d’approches du dating qui prônent une vision utilitaire et inégalitaire des relations amoureuses. Selon ces coachs, les femmes devraient rechercher des hommes ayant un statut social plus élevé, et même, dans certains cas, plus âgés, pour assurer leur confort matériel et leur ascension sociale. Cette idée, en partie fondée sur le principe de l’hypergamie (le fait de chercher à « épouser plus haut » socialement), alimente des théories réductrices et simplistes sur les dynamiques amoureuses.

Mais que recouvre cette hypergamie ? Selon Shera Seven, il s’agit avant tout de maximiser ses chances en suivant des « règles de séduction » claires : attirer des hommes plus âgés et financièrement établis. De son côté, Liz the Wizard va encore plus loin en conseillant aux femmes de se concentrer sur l’accumulation de biens matériels et d’éviter de se laisser submerger par des émotions qui nuiraient à leur quête de stabilité.

Une vision rétrograde et dangereuse

Si ces conseils trouvent un écho chez certains jeunes abonnés en quête de réponses à leurs dilemmes amoureux, la critique est vive chez d’autres. De nombreux journalistes et chercheurs soulignent le côté réducteur et problématique de ces conseils. Dans un article de Libération, l’écrivaine et sociologue Clara Jean-Baptiste dénonce la « romance utilitaire » promue par des influenceurs comme Shera Seven et Liz the Wizard. Selon elle, ces conseils tendent à objectiver les femmes, en les réduisant à des opportunistes cherchant à grimper l’échelle sociale par leur relation avec des hommes.

@Pixabay image libre de droit

De plus, ces théories sont souvent qualifiées de sexistes, car elles reposent sur l’idée que les femmes doivent avant tout chercher à « se vendre » sur le marché du mariage, en fonction des critères financiers ou sociaux des hommes. Cette dynamique est même comparée à une forme moderne de « transaction sentimentale », où l’amour véritable est remplacé par une sorte de commerce affectif et économique comme l’explique Christelle Verfaillie, sexologue à Lille. “Ces conseils sont dangereux, ils donnent une vision erronée de l’amour, une vision assez matérialiste et très éloignée de la réalité. “Ces “coachs” poussent les femmes à avoir des attentes amoureuses irréalistes, qu’elles n’atteindront pour la plupart jamais.”

L’impact des réseaux sociaux : quand les conseils deviennent un business

Il est impossible de parler de Shera Seven ou Liz the Wizard sans évoquer le modèle économique derrière ces influenceurs. TikTok et YouTube offrent à ces coachs une plateforme mondiale où leurs vidéos atteignent des millions de vues, souvent accompagnées de conseils payants via des consultations privées ou des formations. Ces coachs savent que le « buzz » autour de sujets controversés attire les vues et, par conséquent, l’argent. La viralité de leurs vidéos, souvent provocatrices et polémiques, génère une notoriété rapide, ce qui leur permet de s’imposer comme des figures incontournables dans le paysage des conseils amoureux en ligne.

Le problème, ici, est que ce modèle économique repose en grande partie sur la polarisation et l’exploitation des stéréotypes. Pour maintenir l’attention de leurs audiences, ces coachs doivent constamment produire du contenu à la fois choquant et « désirable” pour leurs abonnés. Cela les amène à entretenir une vision de plus en plus extrême des relations amoureuses, où la conquête amoureuse est vue comme une sorte de jeu de pouvoir, renforçant ainsi des rôles traditionnels de genre qui ne favorisent ni l’égalité, ni la réciprocité dans les relations

L’article Les Dating Coachs à l’ère des réseaux sociaux : sagesse ou stéréotypes dangereux est apparu en premier sur Master Journalisme - Gennevilliers.

]]>
https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/dating-coachs/feed/ 0