Société https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/sujet/societe/ De la presse écrite au web Journalisme Mon, 25 Nov 2024 15:11:14 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.2 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/wp-content/uploads/logo-CYU-1-1-150x150.png Société https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/sujet/societe/ 32 32 Les médias face à la santé mentale : sortir des clichés, pour changer les perceptionsLes médias https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/les-medias-face-a-la-sante-mentale-sortir-des-cliches-pour-changer-les-perceptionsles-medias/ https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/les-medias-face-a-la-sante-mentale-sortir-des-cliches-pour-changer-les-perceptionsles-medias/#respond Mon, 25 Nov 2024 14:12:47 +0000 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/?p=242951 La manière dont les médias traitent la santé mentale influence profondément la perception du public sur les maladies psychiques. Une large part de la couverture médiatique reste pourtant marquée par des stéréotypes, associant notamment la schizophrénie, la bipolarité et d’autres troubles mentaux à la violence. Cette représentation erronée alimente les préjugés et isole les personnes […]

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La manière dont les médias traitent la santé mentale influence profondément la perception du public sur les maladies psychiques. Une large part de la couverture médiatique reste pourtant marquée par des stéréotypes, associant notamment la schizophrénie, la bipolarité et d’autres troubles mentaux à la violence. Cette représentation erronée alimente les préjugés et isole les personnes qui en souffrent. Elle freine également les efforts des professionnels de santé qui cherchent à promouvoir une meilleure compréhension.

Le choix des mots dans la presse joue un rôle clé dans la perception des troubles mentaux. Des termes comme « camisole chimique » ou « fous » évoquent une perte de contrôle et renforcent des images caricaturales, alors que la réalité est bien plus nuancée. En France, environ 20 % de la population a connu des troubles anxieux ou dépressifs en 2023, selon une enquête de Santé publique France. Or, les stigmates entourant ces troubles renforcent l’isolement des patients et dissuadent parfois de rechercher de l’aide.

Ixchel Delaporte, journaliste et auteure du livre « Écoute les murs parler », a plongé dans le quotidien de l’hôpital psychiatrique de Cadillac pour observer ces réalités de l’intérieur. « J’ai rarement rencontré des êtres humains aussi malmenés par la vie et capables d’appliquer la devise socratique “Connais-toi toi-même” », témoigne Ixchel Delaporte. Pour elle, les journalistes ont la responsabilité d’offrir une représentation respectueuse et juste, loin des clichés sensationnalistes : « Ces personnes méritent d’être décrites avec dignité, non comme des figures de peur, mais comme des êtres humains pleinement conscients de leur souffrance. »

Vulgariser sans simplifier

La vulgarisation des maladies mentales est un exercice délicat, car elle nécessite de simplifier sans trahir les complexités des troubles. Par exemple, la schizophrénie n’est pas une « double personnalité » et ne se réduit pas à des comportements imprévisibles. En réalité, les symptômes et le vécu des patients varient considérablement, et beaucoup parviennent à gérer leur quotidien.

Jean Victor Blanc, psychiatre à l’hôpital Saint-Antoine et auteur de Pop Psy, un ouvrage de vulgarisation des troubles psychiatriques, souligne l’importance d’éviter une approche simpliste : « La santé mentale est complexe et multifactorielle, chaque patient est unique. Les médias doivent résister à la tentation de simplifier à l’extrême, car cela alimente une “psychiatrie spectacle”. » Cet usage inexact, explique-t-il, influence négativement l’opinion publique, créant une barrière pour ceux qui recherchent du soutien.

Montrer une autre réalité des établissements psychiatriques

L’association entre troubles mentaux et violence est une idée fausse mais tenace dans les médias. En réalité, les personnes atteintes de troubles mentaux sont bien plus souvent victimes de violence que responsables d’actes violents. Cette confusion alimente des peurs et entrave les initiatives visant à intégrer les personnes touchées dans la société. Une étude Ipsos de 2022 a révélé que 36 % des Français estiment que le stress impacte leur vie quotidienne, touchant notamment les jeunes adultes.

La journaliste Ixchel Delaporte, dans son ouvrage, montre une autre réalité des établissements psychiatriques, celle de la solidarité et de la réinsertion. Elle décrit la ville de Cadillac, où patients et riverains cohabitent depuis des générations. « Cette proximité crée une meilleure compréhension et favorise l’acceptation sociale des patients, » observe-t-elle.

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« Niveau mental, tout le monde sait que ça peut être traumatisant », la couverture des faits divers vue par Noé Davenas, un jeune journaliste https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/niveau-mental-tout-le-monde-sait-que-ca-peut-etre-traumatisant-la-couverture-des-faits-divers-vue-par-noe-davenas-un-jeune-journaliste/ https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/niveau-mental-tout-le-monde-sait-que-ca-peut-etre-traumatisant-la-couverture-des-faits-divers-vue-par-noe-davenas-un-jeune-journaliste/#respond Mon, 25 Nov 2024 13:39:54 +0000 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/?p=242948 Aujourd’hui journaliste à Actu Orléans, Noé Davenas se souvient de la couverture de ses premiers faits divers lors de son alternance à l’Ardennais. Qu’ils soient apprentis ou confirmés, les faits-diversiers, tels qu’on les surnomme dans le milieu journalistique, sont certes prêts à couvrir l’horreur mais bien moins armés face aux retombées psychologiques de leur métier. […]

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Aujourd’hui journaliste à Actu Orléans, Noé Davenas se souvient de la couverture de ses premiers faits divers lors de son alternance à l’Ardennais. Qu’ils soient apprentis ou confirmés, les faits-diversiers, tels qu’on les surnomme dans le milieu journalistique, sont certes prêts à couvrir l’horreur mais bien moins armés face aux retombées psychologiques de leur métier.

A l’écoute du témoignage de Noé Davenas, un jeune journaliste fraîchement lancé dans son premier contrat professionnel, difficile de ne pas remarquer une certaine amertume dans ses paroles. L’équilibre entre l’envie d’informer et celle de se protéger est difficile à trouver.

Noé se souvient de son arrivée à la rédaction de L’Ardennais, en septembre 2023, et des premiers faits divers qu’il avait dû couvrir. Très peu expérimenté, il se retrouve rapidement confronté à cet exercice normalement confié aux journalistes spécialisés. “Quand tout le monde avait la tête sous l’eau, on prenait le petit alternant de service et puis on lui faisait faire des faits divers.”

Affaire Loana, la goutte d’eau qui fait déborder le vase

C’est son désir profond de pratiquer un journalisme de terrain qui a poussé Noé à s’emparer de ses premiers faits divers. Peu de temps après son arrivée, une sombre affaire frappe les Ardennes.“Ça faisait à peine deux ou trois mois que j’étais là, qu’on apprenait l’assassinat à Sedan de Loana, une petite fille de 8 ans tuée par un homme suspecté de l’avoir violée”, relate-t-il.

La violence des faits marque profondément la région et ses journalistes, confirmés et alternants. Noé se souvient d’une “très bonne journaliste avec trente ans de métier”, revenue à la rédaction après couverture de l’affaire, arborant “un masque émotionnel sur son visage”. Un souvenir indélébile d’autant plus que celle-ci surmonte habituellement ce genre de cas en faisant “beaucoup de vannes sordides auxquelles tout le monde rit”.

Ce jour-là, c’est Noé qui avait pris l’appel lorsque l’affaire était remontée à la rédaction. “Quand tu rentres d’un sujet comme ça, ta seule envie, c’est d’aller prendre une bonne grosse douche chez toi, de prendre un cachet et t’endormir au plus vite”, confie-t-il.

De retour à Paris pour reprendre ses cours et “couper avec le travail”, alors qu’il prend un verre avec ses amis un soir, le jeune homme s’effondre. C’est en partie l’importante maîtrise de soi que requiert la pratique du journalisme qui a poussé Noé dans ses retranchements. “J’ai attendu pour vraiment extérioriser, je pense que c’était pour faire un peu le gars un peu solide devant la rédac”, confesse-t-il. Que ce soit à L’Ardennais ou dans beaucoup d’autres journaux, la mise en place de cellules de crises ou d’une véritable écoute peine encore à émerger. “On n’a pas trop le temps de se poser, parce que plus tu prends du temps à te poser des questions, moins tu es sur le terrain.”

Rester humain dans les moments difficiles

Noé revient avec émotion sur un autre fait divers ayant marqué son apprentissage chez L’Ardennais. “On a appris un vendredi soir, très tard, qu’il y a quatre jeunes de Charleville qui ont eu un accident assez grave du côté de Couvent, en Belgique et on apprend, en fait le lendemain matin que trois de ces jeunes sont décédés, le quatrième est dans le coma”, relate-t-il en ajoutant que les victimes étaient issues du quartier de la Ronde Couture où habite également le jeune journaliste.

Habitant lui-même dans le quartier de Charleville où ont grandi les victimes, se rend sur place pour interroger le voisinage et se voit convié à la soirée en hommage aux jeunes décédés. “Je ne me sentais pas du tout à ma place, mais une femme m’attrape alors par le bras et elle me dit « monsieur dans ces moments là tout le monde est ensemble donc je vous prie d’aller vous asseoir »”

Ému en se remémorant la scène, Noé ajoute “Je me suis retrouvé assis avec des gens que je ne connaissais ni d’Adam ni d’Eve. Ce jour-là, je me suis rendu compte qu’il faut apprendre à partager sa peine. Tu ne peux pas toujours rester froid, il faut aussi que tu comprennes et si pour comprendre il faut que tu partages un couscous avec eux, bah t’y vas quoi”. Une expérience qui, en dépit des tristes circonstances, lui aura redonné foi en l’humain et dans la nécessité de son métier.

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“Je ne pouvais plus tenir une caméra” : quand le rythme des journalistes devient insoutenable https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/je-ne-pouvais-plus-tenir-une-camera-quand-le-rythme-des-journalistes-devient-insoutenable/ https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/je-ne-pouvais-plus-tenir-une-camera-quand-le-rythme-des-journalistes-devient-insoutenable/#respond Mon, 25 Nov 2024 13:22:19 +0000 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/?p=242944 Par Martin Patry & Willane Djermoune Le métier de journaliste peut s’avérer particulièrement prenant. En 2022, plus d’un quart des journalistes se disaient surchargés par le travail, selon une étude menée par Oxygen. Un rythme qui peut s’avérer néfaste pour la santé mentale puisque près de 40% des journalistes titulaires d’une première carte de presse […]

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Par Martin Patry & Willane Djermoune

Le métier de journaliste peut s’avérer particulièrement prenant. En 2022, plus d’un quart des journalistes se disaient surchargés par le travail, selon une étude menée par Oxygen. Un rythme qui peut s’avérer néfaste pour la santé mentale puisque près de 40% des journalistes titulaires d’une première carte de presse décident de quitter la profession après seulement 7 ans d’activité, d’après le sociologue Jean-Marie Charon.

“Le journalisme, c’est 26 heures sur 24” prévenait Jean-Claude Lescure, cofondateur d’une école de journalisme, en octobre 2023. Alors que près de 48 % des journalistes européens vivaient dans la peur de perdre leur emploi en 2020, beaucoup sont encore tentés de travailler sans relâche, quitte à sacrifier leur santé mentale.

“Je ne prenais pas de pause le midi”

Durant sa première année en école de journalisme, Llana Jean-Joseph, 22 ans, quitte sa région parisienne natale pour un stage à La République du Centre, quotidien régional du Loiret. Partie le temps d’un été, elle est très vite désarçonnée par le rythme effréné de la publication. “Je commençais à 9h30 et je finissais à 19h. Ça m’est arrivé une fois de rester plus longtemps, mais la plupart du temps, je ne prenais pas de pause le midi pour finir à l’heure”, confie-t-elle. Une expérience dense, qui l’a forcée à totalement optimiser sa méthode de travail. “Tout est une question d’organisation. Je me suis habituée et ça allait.

C’était la limite en revanche : si j’avais eu plus de travail, je n’aurais pas pu suivre.”

Pour ce stage, elle a mis en pause sa vie personnelle. “Si j’avais eu ma vie et mes amis là-bas, ça aurait été plus difficile à gérer. Là, je me levais, j’allais travailler, et le soir, je rentrais me coucher”. Loin de ses repères, de son rythme de vie habituel, c’est l’aspect temporaire qui lui a permis de tenir le coup : “ça m’a suffi, c’était trop fatiguant. Je ne ferai pas ça pendant un an.” Les jeunes journalistes, soucieux de se montrer, ont pourtant tendance à accepter ce genre de rythme. “Je travaillais 50 heures par semaine pour le même salaire”, confie Tanguy Gadin, ancien alternant au sein du groupe M6. “Quand tu débutes dans ce métier, tu veux prouver ta valeur” , affirme-t-il.

Pourtant, l’expérience ne fait pas disparaître ce rythme effréné. Dahvia Ouadia, ancienne rédactrice en cheffe du média l’Étudiant, a vu sa charge de travail exploser en prenant la tête de la rédaction. “Quand tu demandes à tes équipes de se mobiliser le weekend ou le soir, tu es la première à te mobiliser aussi. Tu ne peux pas laisser ton équipe sur le bateau et être tranquille devant ta série ! Il y a une charge mentale beaucoup plus forte.”

Une charge qui n’est pourtant pas que mentale : “Ça arrivait assez souvent de travailler quand mes enfants étaient couchés. Finir de lire des mails, faire des récaps, travailler sur des choses à tête reposée, sans être parasitée.” Car à la pression du travail de journaliste s’ajoute le difficile rôle de coordinateur. “Il y a beaucoup de réunions au quotidien, et il faut gérer des cas un peu compliqués. Donc même quand je ne travaillais pas le soir, mon cerveau était parfois happé par des problématiques managériales, plus que rédactionnelles”, témoigne Dahvia Ouadia.

“Mon burn-out, je ne l’ai pas vu venir”

Ce rythme de travail, Tanguy Gadin ne l’a pas tenu. “Je me suis surestimé physiquement”, explique le jeune homme. A l’époque, il était alternant chez M6, au poste de journaliste reporter d’images (JRI). “Mentalement, j’étais au top. Je m’occupais des sujets en lien avec la culture et ça me plaisait beaucoup. Par contre, je travaillais en horaire décalé. Je commençais à 13h et je finissais à 2h du matin toute la semaine” poursuit-il.

C’est lors de sa rentrée en deuxième année d’école de journalisme, en 2022, que Tanguy a craqué. “Je ne l’ai pas vu venir. Ça a été très violent”, explique-t-il. “Un jour, en entrant dans la salle où était rangé le matériel, j’ai eu une peur bleue de la caméra. Je ne pouvais même plus la prendre dans mes mains, c’était réellement au-dessus de mes forces”, continue-t-il. Pendant deux semaines, Tanguy Gadin n’a pas réussi à travailler. Son école, qui a rapidement pris le problème au sérieux, lui a imposé de se reposer. “J’étais un légume, je ne faisais rien”, se souvient-il. Le jeune journaliste a ensuite obtenu un arrêt de travail d’une durée de deux mois avant de réintégrer la rédaction du Groupe M6. “J’ai très vite changé de mentalité car j’ai toujours été trop investi dans tout ce que je faisais. En fait, c’est presque naïf de croire que l’employeur va te récompenser de ton investissement. On ne t’embauche pas automatiquement si tu es bon. On t’embauche avant tout s’il y a de la place”, raconte-t-il.

Se replonger dans le monde du travail après avoir subi un burn-out n’est pas toujours chose facile. “Je pense que la rédaction me pensait trop faible pour travailler, confie Tanguy Gadin. Pendant six mois, je suis resté dans les bureaux car dès qu’un tournage était susceptible de me faire dépasser ma tranche horaire de 10 minutes, on ne m’y envoyait pas.” Finalement, le jeune journaliste est retourné sur le terrain quelques mois avant la fin de son alternance, à l’issue de laquelle il a décroché un contrat à durée déterminée d’un an. “C’est paradoxal mais avec du recul, je suis presque satisfait d’avoir craqué aussi jeune. Aujourd’hui, je sais exactement où sont mes limites et où je ne dois pas aller”, explique celui qui est désormais chef de bureau à M6 Toulouse. “Après mon burn-out, l’entreprise a mis en place de nombreuses mesures. Aujourd’hui, chaque alternant a par exemple son propre tuteur, ce qui permet un suivi personnalisé. Moi, j’ai des stagiaires et je ne veux pas qu’ils fassent la même erreur que moi. Ils n’ont rien à prouver”, conclut-il.

Un métier passion

Pourtant, Lucien Devôge, rédacteur en chef adjoint de Tendance Ouest, n’échangerait son métier pour rien au monde. “Ma journée commence la veille en lisant les derniers mails arrivés, explique-t-il. Le matin, je regarde si la matinale s’est bien passée. En une journée, je peux faire le bouclage d’un journal, enchaîner avec la préparation d’une émission spéciale et imaginer une série de podcasts. C’est très prenant mais c’est justement ce côté multitâche qui est passionnant.”

Aujourd’hui père de famille, le rédacteur en chef de la première radio indépendante de Normandie veille à garder un équilibre entre sa vie professionnelle et personnelle. “Le travail, c’est important mais je m’impose des limites. Je m’oblige à quitter le bureau pas trop tard. Simplement, chez moi, il peut m’arriver de reprendre l’ordinateur une fois que mon fils est couché”, raconte Lucien Devôge. “Tout est une question d’organisation. C’est une passion qui peut empiéter sur son temps personnel : la ligne rouge, c’est la perte de plaisir. C’est à ce moment-là qu’il faut se poser des questions et trouver une solution pour se préserver”, poursuit-il.

Calmer le jeu

Il y a quelques semaines, Dahvia Ouadia a quitté l’Étudiant pour devenir pigiste. Statut plus libre, adopté – par choix ou par contrainte – par 13 % des journalistes, il offre sur le papier plus de flexibilité. “Le mercredi après-midi, c’est un moment où je ne travaille pas : c’est important de sanctuariser des temps”. Mais cette nouvelle indépendance amène à l’ancienne cheffe de média de nouveaux risques de surmenage. “Une fois, j’ai travaillé du lundi au jeudi sans presque jamais m’arrêter, et je suis arrivée jeudi après-midi à ne plus pouvoir travailler. Même si j’en avais envie, même si j’avais des trucs à faire, mon corps me disait non. Sur le papier, j’avais été hyper productive pendant 3 jours, mais à un moment, j’ai eu le bug.”

Pour bien vivre de la pige, Dahvia Ouadia a dû, paradoxalement, lutter contre le présentéisme. “Quand on est à la pige, on se dit : “si je ne  bosse pas, j’ai rien”, mais bosser pour bosser, ça n’a pas de sens. Rester 24 heures sur 24 sur son ordinateur, envoyer plein de perches partout, c’est beaucoup d’énergie perdue”, assure-t-elle.

Dans un milieu professionnel qu’on décrit souvent comme “bouché”, difficile de toujours assumer ce rythme, qu’il faut parfois ralentir. “J’essaye de ne pas culpabiliser. Il faut accepter que ce ne soit pas linéaire : il y aura des périodes de coups de bourre, et derrière, il y aura des appels d’air. Si je devais continuer à travailler comme je l’ai fait pendant le mois d’octobre, je ne sais pas si je pourrais tenir”. Comme souvent dans les métiers passions, trouver l’équilibre, c’est lutter contre sa propre ambition.

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Par : Alice Breton, Nesrine Bouzar, Clara Moral

Le 2 septembre 2024 marque le début du procès des viols de Mazan. Chaque jour, les journalistes couvrent l’affaire et font face aux vidéos insoutenables, et aux récits des accusés, qui nient les viols. Au risque d’être impactés psychologiquement. 

L’affaire des viols de Mazan, devenue la plus suivie en France depuis le procès des attentats du 13 novembre 2015, passionne les médias français et internationaux. La procédure débute le 2 septembre dernier au tribunal d’Avignon et pendant les deux mois qui suivent, des journalistes font le compte-rendu quotidien des audiences. Pendant 10 ans, Gisèle Pélicot a non seulement été droguée à son insu par son mari, Dominique Pélicot, mais aussi violée par 51 hommes, dont son propre mari. Elle a fermement exigé le retrait du huis clos pour le visionnage des vidéos enregistrées pendant les viols alors qu’elle est inconsciente. Depuis le début, l’histoire choque, dérange et questionne l’opinion publique. Le médecin du travail de l’AFP, Olivia Hicks, parle de “fascination-répulsion”, un phénomène répandu chez le public pour qui cette affaire suscite un intérêt et une curiosité morbide. La grande majorité n’a, en revanche, assisté à aucune audience et n’a donc visionné aucun des enregistrements. À l’inverse, des journalistes contraints par leur profession, qui subissent ces images. Quid de l’impact psychique pour ceux et celles qui couvrent le procès ? Car comme le souligne Olivia Hicks, “la difficulté avec le procès de Mazan c’est la répétition, à la fois des vidéos mais aussi des témoignages et des récits.”

Sans surprise, les journalistes peuvent faire l’objet d’un stress post-traumatique pendant ou après la couverture du procès. D’après Olivia Hicks, la définition d’un traumatisme s’applique tout particulièrement à cette affaire. “C’est le tout qui est choquant, c’est une situation d’exposition traumatique car on parle ici de rupture d’intégrité sexuelle” argumente-t-elle. En effet, le psychiatre spécialiste en syndrôme post-traumatique, Guillaume Hecquet, explique que “le traumatisme n’est pas l’événement en soi mais c’est l’impact qu’il va avoir sur l’individu et son système nerveux”. Car recueillir la parole d’une victime ou visualiser des images choquantes participent à la constitution de ce traumatisme, le traumatisme vicariant”, précise Guillaume Hecquet. Ce type de traumatisme ne résulte pas de l’exposition directe et physique de l’événement en question, il s’agit d’un traumatisme indirect ou par procuration mais tout aussi violent pour celui ou celle qui le reçoit. Pour les journalistes de l’AFP chargés de couvrir le procès, il a été demandé à Olivia Hicks d’organiser une formation sur la gestion du stress post-traumatique, “signe qu’il y a une évolution dans la prise en charge de la santé mentale.” Mais tous les journalistes n’en bénéficient pas.

Des journalistes peu préparés

Juliette Campion travaille pour France Info. Elle live-tweet toutes les audiences depuis le 5 septembre, soit deux jours après le début du procès. Elle nous assure que dans l’ensemble, elle va bien. “J’ai davantage une fatigue physique, du fait du rythme du live-tweet et des comptes rendus à rédiger, plutôt qu’une fatigue psychologique. Bien sûr c’est souvent très dur et souvent abject mais j’ai essayé de me mettre en condition par rapport aux vidéos.” Si le maître-mot doit être l’anticipation selon Olivia Hicks, Juliette, elle, n’a pas suivi de préparation particulière avant de couvrir l’affaire. “Ça s’est fait comme pour un procès classique, même s’il ne l’est pas.” Avant le visionnage de la première vidéo, elle ressent de l’appréhension, les mains moites elle se demande comment raconter et traiter ces faits. Les autres images qui suivent vont se ressembler et elle se sent mieux préparée : “ce n’est pas un exercice facile mais j’ai réussi à me conditionner et à m’accrocher”.

Pour Biche, dessinateur chez Charlie Hebdo, la couverture du procès Mazan arrive juste après les trois semaines qu’il a passé à traiter le procès Peter Cherif. Le djihadiste a été condamné à la réclusion criminelle le 3 octobre dernier pour avoir été l’un des responsables de l’attentat du 7 janvier 2015. Il nous indique qu’il s’est pris “tout en pleine figure” avec cette affaire. Pour autant, pas d’inquiétude pour le dessinateur. Avec le procès Mazan, il savait ce qu’il risquait de voir, “ce sont des histoires sordides et on a l’habitude d’y être confronté.” Et si certaines images ont pu lui rester en tête, il n’en a pas rêvé la nuit à l’inverse de son expérience pendant le procès Cherif, directement lié à Charlie Hebdo.

Une prise de recul nécessaire

Les deux journalistes interrogés ont des réactions similaires quand une vidéo ou certaines images sont trop dures à regarder. Ils détournent les yeux. Seules quelques secondes suffisent à Juliette Campion pour live-tweeter quelques éléments. Idem pour Biche qui les utilise pour comparer les images à la parole des accusés : “ça me permet de voir la différence entre l’acte et ce que raconte l’accusé.” Pour la journaliste de France Info, il est important de vite effacer les images de sa mémoire. “Quand je sors de la salle d’audience, je m’emploie à discuter avec les collègues, à boire une bière avec eux si on a le temps ou à appeler quelqu’un pour me vider la tête.” Guillaume Hecquet précise que “la répétition de scènes de violences est un facteur qui va rendre la chose encore plus difficile à vivre, il faut trouver des façons de ne pas s’y exposer encore plus et éviter d’en reparler à la pause, de le répéter à ses amis, ou le soir à son conjoint.”

Pour davantage se protéger, Juliette évite d’associer la victime, présente dans la salle, à la vidéo diffusée. Son but, prendre de la distance pour minimiser l’impact de l’affaire sur sa santé mentale. Elle n’hésite pas non plus à extérioriser son émotion par les larmes, y compris pendant l’audience, une réaction saine qu’Olivia Hicks recommande de ne pas étouffer. Un réflexe que les journalistes doivent penser à prendre pour préserver leur état mental.

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Médiatisation des athlètes, quand les maux restent dans la tête https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/mediatisation-des-athletes-quand-les-maux-restent-dans-la-tete/ https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/mediatisation-des-athletes-quand-les-maux-restent-dans-la-tete/#respond Mon, 25 Nov 2024 12:17:52 +0000 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/?p=242936 Par Samuel Barbotin et Axel Piotet Le traitement médiatique des sportifs de haut niveau peut entraîner des problèmes de santé mentale. Très critique, l’approche journalistique de ces athlètes doit aujourd’hui s’adapter aux enjeux de la société. Il est cependant difficile d’imaginer que ce système, qui marche, puisse rapidement se transformer.  « Je ne suis pas […]

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Par Samuel Barbotin et Axel Piotet


 « Je ne suis pas quelqu’un qui m’enflamme », assure Marvin Martin à Julian Palmieri pour le média Team football. Ce footballeur professionnel, originaire de la région parisienne, en a pourtant l’occasion le 7 juin 2011. Pour sa première sélection en équipe de France, il inscrit un doublé. Le lendemain, la presse glorifie sa performance. Le Parisien lui dédie même sa une. « Est-il le nouveau Zidane ? », se questionne le quotidien alors que le milieu de terrain évolue au FC Sochaux-Montbélliard, loin des projecteurs. La suite de la carrière de Marvin Martin n’atteindra pas celle de Zizou et il prendra sa retraite dans l’anonymat à l’été 2023.

Juste après avoir rangé ses crampons, l’ancien meilleur passeur de Ligue 1 a été interrogé, en octobre 2023, par Téléfoot sur cette soudaine exposition médiatique. « Tu sais que derrière ça les attentes ne sont plus les mêmes. La moindre performance, le moindre truc va ressortir. Ça ne m’a pas aidé, ça m’a renfermé encore plus. Les comparaisons ça ne sert à rien, ça n’aide pas le joueur. »

« La surmédiatisation engendre du stress »

Le traitement médiatique de Marvin Martin n’est qu’un cas parmi tant d’autres. Nombreux sont les sportifs affectés par un article, une note, ou une anecdote racontée dans la presse. Tout ce brouhaha médiatique vient perturber les performances des athlètes, comme l’indique Clément Le Coz, psychologue et préparateur mental dans le sport.

« La surmédiatisation engendre du stress. Quand on perçoit un stress, il y a deux types de réactions », précise ce dernier. « La première, c’est ce qu’on appelle la somatisation. C’est ce qu’on connaît assez couramment avec la boule au ventre, la sudation… La seconde,  est  l’aspect cognitif et émotionnel. Le sportif va avoir du mal à mémoriser des informations, va avoir tendance à faire les mauvais choix sur le terrain et il se montre plus irritable, se sent oppressé. »

Les notes dans les journaux, « un système poussé à l’extrême »

L’exposition des sportives et sportifs de haut niveau n’est pas un phénomène nouveau. Dès les années 1980, le journal L’Equipe lance son principe de notation des rencontres sportives. Toute l’année, à chaque match, les joueuses et joueurs sont ainsi notés sur 10.

Denis Troch, ancien entraîneur adjoint du Paris Saint-Germain, avoue à Ouest-France avoir vu certains joueurs « pleurer  » à cause des notes. « C’est un truc un peu fou. C’est le métier, mais rendez-vous compte, c’est comme si je notais vos articles… On accepte, mais je trouve que c’est puéril et populiste.​ »

Un système que pointe du doigt Jérôme Flury, responsable du service sport de la région Franche-Comté pour L’Est Républicain. « C’est un système poussé à l’extrême, les médias ont vu que c’était ce qui ramenait le plus de vue. Surtout qu’un joueur qui fait un mauvais match en a conscience, c’est remuer le couteau dans la plaie quelque part. »

Les footballeurs formés aux médias

Lors de la parution de la une comparant Marvin Martin à Zinédine Zidane, l’un des journalistes du Parisien regrette ce choix éditorial. « C’est la direction de la rédaction de l’époque qui a commandé cette double page et je n’étais pas d’accord avec ce choix éditorial », se rappelle ce dernier souhaitant rester anonyme.

Aujourd’hui, l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP) initie les jeunes footballeurs aux relations de presse. En septembre 2024, les joueurs en formation du FC Metz ont assisté à une formation animée  par Sébastien Piétri, ancien journaliste et consultant en communication. « Au programme : situations d’interviews réelles et personnalisées pour chaque joueur, avec débriefing ensuite, afin d’en tirer différents axes d’améliorations », indique le site Socios FC Metz.


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