guerre Archives | Master Journalisme - Gennevilliers https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/mot-clef/guerre/ De la presse écrite au web Journalisme Thu, 09 Feb 2023 12:31:35 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.2 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/wp-content/uploads/logo-CYU-1-1-150x150.png guerre Archives | Master Journalisme - Gennevilliers https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/mot-clef/guerre/ 32 32 Cartographier la guerre en Ukraine : Comment le journal Le Monde réussit ce travail « pas si facile » ?   https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/cartographier-la-guerre-en-ukraine-comment-le-journal-le-monde-reussit-ce-travail-pas-si-facile/ https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/cartographier-la-guerre-en-ukraine-comment-le-journal-le-monde-reussit-ce-travail-pas-si-facile/#comments Thu, 09 Feb 2023 11:46:14 +0000 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/?p=241267 Cartographies web et print de la guerre en Ukraine – Mentions légales : Service Infographie du journal Le Monde Le 11 octobre 2022, Le Monde publie sa 200ème cartographie sur la guerre en Ukraine. Des productions complexes opérées par l’équipe multitâche du pôle infographie et cartographie du journal. Delphine Papin, la responsable du service, raconte […]

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Cartographies web et print de la guerre en Ukraine – Mentions légales : Service Infographie du journal Le Monde

Le 11 octobre 2022, Le Monde publie sa 200ème cartographie sur la guerre en Ukraine. Des productions complexes opérées par l’équipe multitâche du pôle infographie et cartographie du journal. Delphine Papin, la responsable du service, raconte comment son équipe parvient à cartographier, en temps réel, ce conflit.

Dans la nuit du 23 au 24 février dernier, la Russie envahit l’Ukraine, comment avez-vous réussi à cartographier le commencement de ce conflit ?

Delphine Papin : Comment vous dire que cette nuit-là, la rédaction découvre totalement l’Ukraine. Quelques heures avant la publication du journal papier.

On se posait plusieurs questions pour réussir la visualisation du pays : « Il y a-t-il des montagnes ? Des fleuves ? Des routes ? ».

Puis on s’est débrouillé avec les informations que l’on avait : informations satellitaires, tweets, informations de militaires présents sur place.

D’autres personnes vous ont-elles aidé à la production de cette toute première cartographie ?

Évidemment ! Cette soirée – là nous avons travaillé avec les deux rédacteurs de l’article print, Nathalie Guibert et Allan Kaval.

Le texte n’est pas l’ennemi de la carte. Au contraire, c’est son bon copain. Les deux se complètent.

Le titre de leur papier : L’ordre de bataille de Vladimir Poutine. Plus précisément, l’écrit détaillait comment la guerre allait s’organiser sur terre, en mer et dans les airs. Notre mission était donc d’essayer de cartographier ces éléments – là.

C’est donc ça l’objectif de toutes vos cartographies : illustrer les propos d’un article ?

Pas seulement non. Il est évident que l’outil du dessin rend plus clair des situations. Nos lecteurs nous le disent : ils comprennent mieux la guerre en Ukraine avec des couleurs, des formes et nos légendes. La carte est donc à l’instar d’un papier, une source d’information.

Mais la cartographie permet aussi d’habiller une page d’un journal. Elle la rend plus attractive visuellement. Le public se retrouve, par conséquent, aussi attiré par le texte de nos rédacteurs

Comment faites – vous, alors, pour représenter de manière attractive un conflit aussi mouvementé ?

Cela n’a pas été facile. Comment monter une offensive, une contre-offensive, une avancée de char ? Comment créer ce mouvement sur une carte qui pourtant est statique ?

Il a donc fallu s’aider des archives de cartes. Les chercheurs de mon équipe ont regardé le site de la Bibliothèque nationale de France. Résultat : ils ont retrouvé des cartes de la guerre franco-allemande de 1870 et de la Première guerre mondiale.

Ensuite, nos cartographes et illustrateurs ont travaillé en binôme pour la réalisation. Ils ont donc repris certains pictogrammes, le même type de flèches, les hachures. Pour les couleurs, ils les ont adaptés au conflit. Comme dans les cartes de la Guerre Froide, la Russie allait être représentée en rouge. Mais ça sera un rouge plus adouci pour ne pas rappeler la Russie de l’URSS.

Autre idée en tête pour notre service : une carte doit pouvoir être lue en une dizaine de minutes maximum. Il faut donc veiller à ne pas mettre trop de légende, de symboles qui pourraient rendre le dessin illisible et donc perdre le lecteur.

Les cartes suivantes ont représenté des villes et des régions ukrainiennes. Comment cartographie-t-on à plus petites échelles ?

Mon service s’aide des moyens présents sur le terrain. Par exemple, pour couvrir cette guerre, des centaines de rédactions internationales sont présentes dans l’Ukraine. Une couverture du conflit très dense. Nous pouvons donc reprendre et analyser leurs informations locales pour les cartographier.

Aussi, Internet nous aide grandement. Ces onze derniers mois, on a pu travailler grâce à toutes sortes de traces numériques : drones, satellites ou encore radars.

Des informations issues de bases locales, comme Liveuamap, actualisée par la population ukrainienne.

Et aussi des données partagées par deux entreprises de data. La première : Maxar Technologies qui nous donne toutes les images satellites de l’Ukraine qu’elle enregistre. La seconde : Masae Analytics, notre relayeuse d’images radars des zones géographiques de notre choix.

Comment arrivez – vous à représenter sur carte papier ces données numériques ?

Une fois collectées, mon équipe les étudie toutes. Notre objectif : les comprendre nous même avant de les faire comprendre au lecteur.

Par exemple, pour la cartographie de Marioupol : Du siège à la chute (publiée le 23 mai 2022) nous avons repéré dans les données toutes les zones endommagées de la ville, on les a distingués et on les a représentés sur la carte par des points jaunes et rouges.

Les journalistes reporters et photographes du Monde vous sont-ils d’une grande aide dans la réalisation de vos cartes ?

Totalement ! La rédaction a envoyé, pour couvrir ce conflit-là, 4 journalistes et 4 photographes en permanence sur le terrain.

Toutes les 2 à 5 semaines, ils reviennent dans les locaux et nous racontent ce qu’ils ont là-bas. On leur pose donc tout un tas de questions assez naïves : « Dis-nous où vous êtes descendu ? », « Où avez-vous dormi ? »,

« Est-ce que vous avez pris cette route ? » etc…

En mars dernier, pendant l’élaboration d’une carte de Mykolaïv, les journalistes nous ont raconté des histoires de territoire. L’un disait « Nous avons bu du vin dans ce bar, mais juste à côté de là une usine venait d’être touchée par les russes.

Leurs témoignages sont extrêmement précieux car ils confirment ou non les données que nous avons collectées. Une véritable aide lors de la production de nos cartes.

Justement, combien de temps prenez-vous pour produire une seule cartographie ?

Chacune de nos éditions papier publie une cartographie sur le conflit. La rédaction impose donc aux binômes un rythme effréné. 24 heures pour réaliser une carte.

Pour atteindre l’objectif, la collecte, l’analyse, la visualisation des données se fait en même temps que la réalisation sur Adobe Illustrator.

Dernière étape : l’adaptation web du dessin. Une journée supplémentaire nous est donnée pour la faire.

Comment se déroule, donc, cette adaptation du format papier A3 au format web ?

Les illustrateurs et cartographes vont travailler en équipe avec le développeur.

Ensemble ils vont, d’une part, ajuster la dimension de la cartographie et d’autre part la simplifier. Changer les symboles, la police, les titres, déplacer la légende, le tout en gardant les mêmes couleurs. Exemple type avec notre carto de Marioupol.

A ce jour, toutes nos 200 cartes ont été déclinées de manière spécifique pour le web.

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“La crise ukrainienne masque le revers français au Mali” estime le politologue Bertrand Badie https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/la-crise-ukrainienne-masque-le-revers-francais-au-mali-estime-le-politologue-bertrand-badie/ https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/la-crise-ukrainienne-masque-le-revers-francais-au-mali-estime-le-politologue-bertrand-badie/#respond Fri, 25 Feb 2022 09:23:38 +0000 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/?p=240253 Spécialiste des relations internationales, Bertrand Badie estime que “la crise ukrainienne masque le revers français au Mali”, dans un entretien le 22 février, à moins de deux mois de l’élection présidentielle française.* La France a longtemps encouragé la désescalade des tensions entre la Russie et l’Ukraine et défendu les accords de Minsk. Emmanuel Macron a-t-il […]

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Spécialiste des relations internationales, Bertrand Badie estime que “la crise ukrainienne masque le revers français au Mali”, dans un entretien le 22 février, à moins de deux mois de l’élection présidentielle française.*

La France a longtemps encouragé la désescalade des tensions entre la Russie et l’Ukraine et défendu les accords de Minsk. Emmanuel Macron a-t-il tenu un rôle de médiateur ?

Le pari d’Emmanuel Macron était de jouer un rôle pour tenter la négociation. Il ne s’agit pas de médiation car le terme suppose une équidistance. Or, la France n’est pas en position équidistante entre l’Ukraine et la Russie, ou entre les États-Unis et la Russie. Elle est clairement dans le camp occidental. Les bons offices sont indispensables dans les situations de crise donc il était pertinent de tenter la diplomatie. Son pari était double. Emmanuel Macron a considéré que si Vladimir Poutine faisait des concessions à un partenaire, ce serait davantage à lui qu’à Joe Biden. Le président russe est dans une situation d’affirmation de sa puissance. Il veut montrer qu’il est capable de résister aux pressions américaines. Engager une négociation avec un partenaire européen réputé plus faible était une façon de se renforcer vis-à-vis des États-Unis. Je pense qu’Emmanuel Macron misait là-dessus, et sur la fonction de présidence française de l’Union Européenne, même si elle a du mal à percer dans la conjoncture actuelle. Il n’est pas sûr que la présidence européenne veuille dire quelque chose dans la tête de Poutine qui a toujours marginalisé le fait institutionnel européen.

Cette crise peut-elle justement déstabiliser le statut de la France à la tête de la Présidence du Conseil Européen ? 

Il est extrêmement difficile de jauger les compétences propres d’un chef d’État lorsque son pays assure la présidence européenne. Cette référence, tonitruante au début du mois de janvier, s’est pratiquement effacée du discours politique et diplomatique français. L’idée d’une politique étrangère européenne unifiée est fragile. S’appuyer sur la réputation de leader des vingt-sept quand on sait qu’il y a pratiquement autant de politiques étrangères différentes dans l’Union Européenne ne donne pas beaucoup d’atouts. Vladimir Poutine considère que les sanctions européennes feraient aussi mal à l’Europe qu’à la Russie. Ce type d’analyse n’est pas absurde.

Quel peut être l’impact du conflit sur l’élection présidentielle française ?

Le scrutin est au mois d’avril alors on ne peut pas le savoir, et d’ici là, il peut se passer beaucoup d’événements en moins de deux mois. Il serait présomptueux de prévoir l’impact d’un phénomène dont on ne mesure pas encore l’état à venir dans six ou sept semaines.

Mais est-ce déjà un enjeu de campagne ?

Cette question n’a pas été au centre des déclarations des candidats jusqu’à aujourd’hui. Ce qui est assez surprenant, c’est que la plupart des candidats, de droite ou de gauche, mais surtout de droite, sont plutôt pro-russes et enclins à la bienveillance vis-à-vis de Moscou, comme les deux candidats d’extrême droite Éric Zemmour et Marine Le Pen. Valérie Pécresse, elle, a toujours tenu des propos très nuancés sur le sujet ukrainien, opposés à la solidarité occidentale. Ces propos sont un peu l’héritage de François Fillon que l’on sait ouvertement proche du Kremlin. Finalement, si l’on ajoute Jean-Luc Mélenchon, le camp opposé à la Russie s’amoindrit. Cela favorise Emmanuel Macron pour deux raisons : il est le président en exercice et en cas de tempête, on ne change pas de capitaine. De plus, son discours sur la question ukrainienne est de loin le plus élaboré et le plus documenté parmi tous les candidats. Si cette question vient dominer l’élection présidentielle, ça jouera en sa faveur.

Après les échecs français en Libye ou au Mali plus récemment, la crise ukrainienne est-elle déterminante pour le bilan diplomatique d’Emmanuel Macron ? 

D’un certain point de vue, la crise en Ukraine lui rend service. Le fait que la crise ukrainienne arrive maintenant masque le revers du retrait des troupes au Mali, car le cas du Sahel était véritablement une déconfiture. La crise malienne se trouve occultée par l’affaire ukrainienne. C’est un moyen de faire oublier un échec majeur de la diplomatie macronienne.

A-t-il intérêt à conserver le plus longtemps possible sa double casquette de “président-candidat” ? 

Est-ce que c’est une question d’intérêt ou d’opportunité ? Si les relations internationales venaient à se tendre dans les prochaines quarante-huit heures, l’annonce d’une candidature risquerait de perdre de son effet. Elle prêterait le flanc à la critique, car le président s’occuperait de questions électorales au moment où les choses vont mal. Toute déclaration de candidature, même sobre, implique un travail de préparation, une prise de parole, et quelques effets médiatiques. Tout ceci est bien difficile dans le contexte actuel. Personne ne comprendrait qu’une déclaration de candidature se fasse d’ici la fin de cette semaine.

* Propos recueillis par Rayane Beyly le 22 février 2022, avant l’invasion russe en Ukraine

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Aya Laurie Kouadio : Les enfants « microbes », portrait « d’une société malade » https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/interview-de-aya-laurie-kouadio-sur-les-enfants-microbes/ https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/interview-de-aya-laurie-kouadio-sur-les-enfants-microbes/#respond Wed, 12 May 2021 09:35:27 +0000 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/?p=11914 En Côte d’Ivoire, le phénomène des « microbes », comme le surnomme la population ivoirienne, est le témoignage d’une « société malade ». Délinquance juvénile meurtrière à l’issue de la crise post électorale de 2011 en Côte d’Ivoire, ils persistent encore aujourd’hui dans les ruelles d’Abidjan, la capitale économique. Pour la chercheuse ivoirienne Aya Laurie Kouadio, le phénomène des « microbes » tire l’alarme d’une société obsolète en pleine mutation. Ils sont les produits d’un environnement à l’abandon.

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Pour la chercheuse ivoirienne Aya Laurie Kouadio, le phénomène des « microbes » tire l’alarme d’une société obsolète en pleine mutation.

Délinquance juvénile meurtrière à l’issue de la crise post électorale de 2011 en Côte d’Ivoire, les « microbes » persistent aujourd’hui encore dans les ruelles d’Abidjan, la capitale économique. Pour Aya Laurie Kouadio, chercheuse ivoirienne à Indigo (Initiative de Dialogue et Recherche Action pour la Paix en Côte d’Ivoire) et autrice du livre « Les Microbes, nouveau visage de la criminalité urbaine à Abidjan », les « microbes » sont semblables aux enfants soldats ; produits d’une période confuse, d’un entre-deux, « un temps de ni paix, ni guerre ». De la saleté, naissent des microbes et bactéries en tout genre, les relents d’un environnement à l’abandon. Des enfants en quête, souvent, d’un bonheur simple.

Quels sont les éléments déclencheurs de ces phénomènes de délinquance juvénile ? 

Aya Laurie Kouadio — Lorsque j’ai étudié les « microbes », j’ai analysé réellement le « microbe » comme des bactéries, révélatrices de l’état de santé de l’endroit où ils se trouvent. La géographie est un élément déclencheur de la trajectoire de ces enfants. Ils vivent dans des quartiers où l’on n’a pas envie de vivre. Ce sont des lieux sans aménagement de territoire. Pas d’eau, pas de courant, pas d’hôpitaux ni d’école publique. C’est dans ces quartiers là, que les microbes sévissent. Ils appartiennent à des familles où les parents n’ont pas de temps pour eux ; des maisons, où l’on est 5 ou 10 pour un T2. Alors, il faut être dehors. Dehors, on peut vendre de la drogue, être dans un groupe d’ami, pour voler, se battre, et gagner plus d’argent .

Il faut aussi comprendre que dans les bandes ivoiriennes, il y a les microbes, mais il y a aussi le « vieux père ». Il est le papa de cette bande, de ces enfants. Ils ont confiance en lui. Il devient un modèle de réussite, même si il est proxénète, même si il tue… C’est une figure paternelle. Si l’on ne comprend pas ça, on ne peut pas comprendre le phénomène des microbes. Les microbes cherchent à se réinventer, ils sont en quête de quelque chose qu’ils n’ont pas. Trouver une famille qui les aime et les comprend, qui prend soin d’eux. Le « vieux père » répond à ces besoins. C’est ça qu’un enfant veut. Ce lien si fort, entre le vieux père et les microbes, c’est une variable clé. Par la suite, plusieurs d’entre eux — parmi ceux qui ne sont pas morts —sont partis en Europe, pour « se chercher ». D’autres parviennent à faire des petits métiers, ou fondent une famille. C’est là que l’on voit que ce qu’ils recherchent, c’est juste une vie meilleure.

Ils se concentrent uniquement dans les périphéries ?

Oui, c’est plutôt en périphérie. Abidjan, c’est un peu comme à Paris, mais en pire. Tout se concentre à Abidjan. Il y a 12 communes, et dans ces 12 communes, il y a des « communes dortoirs ». Il y a vraiment une sorte de ségrégation — le mot est un peu fort, mais je l’utiliserai — entre ceux qui ont les moyens, avec des communes résidentielles, et les « communes dortoirs », pour ceux qui sont venus chercher une place au soleil, dans les villes urbaines.

La Côte d’Ivoire, comme beaucoup d’autre pays africains qui ont vécu des guerres civiles, a une grande ville économique — la seule souvent — réceptrice d’un afflux [conséquent] de personnes fuyant les zones rurales, particulièrement lors des crises comme celle de 2002. Ce sont des personnes qui abandonnent tout pour fuir. A l’arrivée, ils se logent dans des quartiers périphériques comme Abobo, au nord d’Abidjan, ou Yopougon, à l’ouest. Ces quartiers deviennent des communes dortoirs, très peuplées. De facto, ces communes-là, et les gens qui y vivent, sont marginalisés. Et dans cette sorte de reconstruction interne, il y a tout ces phénomènes déviants qui s’y opèrent. Rien n’a été prévu, les gens vivent au jour le jour. J’ai remarqué également une chose. Dans les quartiers marginalisés il y a des marginaux, mais il y aussi d’autres marginaux qui marginalisent les autres : dans la périphérie, il y a encore des périphéries. Ainsi, le problème reste et demeure, dans ces périphéries. Mais pas dans les quartiers comme Le Plateau, au centre d’Abidjan, ou Cocody, qui sont des quartiers résidentiels.

En France, nous avons les Apaches, les Blousons Noir, mais la mémoire collective semble les avoir oubliés face aux rixes récentes… En est-il de même en Côte d’Ivoire ? Les Microbes sont-ils vraiment un « nouveau » phénomène ?

Lorsque l’on parle des microbes, on a l’impression que c’est une première. Mais les microbes ne sont qu’une mutation, une reproduction, ou une métamorphose de phénomènes de délinquance plus anciens. C’est parce que l’on n’a pas résolu le problème qu’ils sont là. Les microbes reproduisent des dynamiques des bandes passées. Avant, il y avait les Nouchis (années 70) — des bandes parés de gri-gri qui semaient la terreur à Abidjan et combattait avec des armes blanches . Puis, sont apparus les Ziguehi (de l’ivoirien zigbohi, « celui qui se bouge », un garçon courageux et débrouillard), plutôt amateur d’art martiaux. Ils se battaient à main nues. Chaque quartier avait ses loubards. C’était une force au sein de la jeunesse, avec un gros potentiel de violence. Les Ziguehi d’hier sont les « vieux pères » d’aujourd’hui. Ils ont 40 ans, ils ne peuvent plus aller dans la rue pour faire des casses. Demain, le microbe de 15 ans sera un vieux père de 30 ans. Être « vieux père », c’est quelque part le rêve de plusieurs jeunes microbes ; être leader d’une communauté, et avoir eux aussi, à leur tour, des microbes à leur solde. C’est un cercle vicieux.

Quelle différence entre les bandes d’autrefois et celle d’aujourd’hui ?

Autrefois, ils n’étaient pas aussi jeunes. C’étaient presque des adultes, dans la vingtaine, qui auraient pu être étudiants. C’était des vagabonds qui n’avaient pas pu aller à l’école. Aujourd’hui, les microbes sont beaucoup plus jeunes, de 8 à 20 ans. Certains sont scolarisés. Ils vont à l’école. Et les plus petits, sont les plus virulents. Ils ne réfléchissent pas.

Et puis, même si les délinquants d’avant ont également connu la marginalité, les problèmes économiques… ils ne sont pas apparus suite à un contexte de guerre ou de crise politique, contrairement aux microbes. Certains des microbes que j’ai étudié ont fait leurs armes dans les conflits et la violence de la crise post-électorale de 2010/2011. Même si ils n’ont pas participé activement à la guerre. C’est dans leurs quartiers, dans des communes comme Abobo, que la guerre a battu son plein en 2011. Ils ont vécu la guerre, ils ont entendu les Kalachnikov. Ils ont vu les corps. Ils ont vu les machettes. La réalité à laquelle ont été exposés ces enfants là, et qui fait parti de leur héritage, est différente de celle des autres délinquants. Il y a un documentaire qui les nomme « les enfants de la crise ». La crise post-électorale a laissé un certain vide dans ces communautés, en particulier à Abobo [ndr : quartier d’Abidjan dans lequel les microbes ont été particulièrement nombreux]. Moi, je n’habitais pas à Abobo à cette époque, mais ce que j’entendais me traumatisait. Pour ceux qui vivaient là-dedans, c’était inimaginable. On chevauchait les corps, il n’y avait pas de nourriture. Il y avait des obus qui détruisaient les marchés. On sentait la putréfaction des corps, on voyait les hommes qui tiraient, et, souvent, les enfants qui ont été des microbes portaient les balles pour les « grand frères » [ndr : terme affectif pour les ivoiriens] qui allaient combattre. Ils portaient les armes, ils donnaient la localisation des camps adverses. C’était des indicateurs.

A la fin de la crise, on n’a pas su prendre les gens en charge psychologiquement. Il y a eu un moment de liberté, d’absence de la loi, et les armes ont circulé. Lorsque tout est sale, naturellement, il y a des microbes et des bactéries. C’est de là que les microbes émergent. Du reliquat de la crise. Souvent, certains disaient « mon père est mort dans la crise, c’était un ancien combattant. » « On s’est retrouvé sans rien. Il fallait que je me débrouille, et mes amis m’ont fait rentrer chez les microbes.» C’est ça la différence. Les microbes pour moi c’est les enfants soldats ; pas en temps de guerre non, mais en temps de « ni paix, ni guerre ». Au Libéria, après la guerre, les enfants sont tombés dans la délinquance. Il n’y avait rien pour les socialiser, et ils ne connaissaient que ça. La violence. Les microbes, c’est un peu ça. Même s’ils n’ont pas combattu comme les enfants soldats du Libéria, après la guerre, ils étaient un peu déboussolés. Les microbes, c’est le résultat d’un agrégat de circonstances et de situations qui ne date pas d’aujourd’hui.

Quelle est la réponse juridique de l’Etat ?

Chez nous, le droit, ce n’est pas très développé. Les « microbes », c’est la population qui a donné ce nom-là à ces enfants, si nuisibles. En Afrique, il y a ces appellations [familières] dans les rapports inter personnels [ndr : pour des personnes qui ne sont pas de la même famille]. « Ma soeur » « le père » « tonton » « petit » « fiston » … Alors, quand la population a vu ces petits de 8 à 19 ans, avec des machettes, on les a tout de suite appelé « microbes ». On n’en veut pas. Des êtres nuisibles que l’on veut éliminer du corps social. Pour éviter que les choses ne dégénèrent, contrôler ces phénomènes [de haine], l’Etat, le droit pénal, a fini par créer une nouvelle terminologie, une nouvelle sémantique plus respectueuse et fragile : « mineurs en conflit avec la loi ». Puis, les centres de rééducation, les CCSR (cellule de coordination de suivi et d’insertion) ont été ressuscités. C’est comme ça, que le droit est intervenu. Ça n’existait pas avant [cette terminologie]. C’était cru.

Quelle relation entretiennent les microbes avec l’Etat ? Quelle influence sur le pouvoir politique ?

Les microbes, ce sont aussi les petites mains sales de l’Etat. Houphouët-Boigny en est un exemple : le gouvernement avait peur de cette jeunesse délinquante, les Zeguehis. Pour que ces délinquants ne puissent pas être incorporés dans les rangs de l’opposition qui venait de naître, il les a pris sous sa tutelle. On les a appelés de manière ironique les « volontaires salariés » : ils avaient la garde des lieux de la jeunesse, des cités universitaires, et en échange, ils étaient à la solde de Houphouët. La Côte d’Ivoire est un pays où chacun est sur ses gardes, particulièrement en matière de politique. Il faut sécuriser son pouvoir, notamment auprès de la population. Les microbes sont la solution. On dit que les microbes sont toujours là parce que, quelque part, ils ont servi la cause du régime en place. Ils sont le relais du pouvoir dans chaque sphère de la société, dans chaque commune marginale. Aux élections, on ne vote pas pour un programme, on vote pour de l’argent, comme dans un système clientélisme.

Ainsi, lors des élections de 2015/2016 notre Premier ministre [ndr : récemment décédé] Hamed Bakayoko a fait appel aux « vieux pères » qui ont de l’influence et le monopole de la violence. Leaders qui ont eux-mêmes fait appel aux microbes. Contre 5000 francs (10 € environ) et un peu de drogue (pour casser toute sensibilité), ils allaient déranger les meetings des opposants. Ils sont prêt à tout pour leur « vieux père » qui leur donne de l’argent et à manger. C’est là qu’on a vu que la chaîne était longue. Les microbes travaillaient pour un vieux père, qui lui-même travaillait pour Hamed Bakayoko, le pouvoir en place. Ce sont des prestataires de services. N’importe qui peut les engager.

Et l’approche policière ? Comment sont réprimés les microbes ?

En 2013/2014, à l’apogée du phénomène, la population tuait les microbes. Aujourd’hui, à Abobo, il y a moins de microbes parce que les gens les ont tellement tué, qu’ils ne reviennent plus. Ils préféraient être entre les mains des policiers, plutôt que dans celles de la population. Parce que le peuple, il ne va pas t’emmener à la police, il va te tuer pour peu qu’il voit un enfant qui ressemble, selon lui, à un microbe. Il y a eu des décapitations. Des patrouilles à 4h du matin, des comités d’auto-surveillance, ont été créés pour surveiller les quartiers sombres. C’était la version douce de l’approche policière.

Mais, il y a eu aussi une forte répression de la part de la police [ndr : à une autre période]. La police faisait des descentes dans les fumoirs, avec des indic. Dans les bas-fond, dans les quartiers les plus reculés, ils traquaient les microbes. Il y a eu beaucoup de morts. Mais si vous tuez un microbe, ils tuent deux policiers. C’était une vraie guerre. Il y avait un couvre feu, à 18h tu rentrais chez toi, parce que quand les enfants descendaient avec des machettes, ils agressaient tout le monde. Ils vous piquent, ils vous tuent, ils n’ont aucun égard. Quand ils connaissaient un policier, il allaient chez lui, pour le tuer. Un jour, les microbes ont décidé de battre en retraite. Ils mouraient trop, la population comme la police les traquaient énormément. C’est à ce moment là que l’on s’est aperçu que c’était trop violent. C’est là, qu’on a commencé à moins tuer les enfants. En 2021, les tueries continuent, mais la violence a considérablement réduit.

Aujourd’hui, les bandes de jeunes tendent à se retrouver sur les réseaux sociaux. Ils se provoquent et se donnent rendez-vous. En Côte d’Ivoire, les réseaux jouent-ils un rôle majeur également ?

Oui, parce que ce sont des fanfarons quand même. Ils aiment bien se montrer. Ils ne font rien de leur argent. Avec l’argent qu’ils volent, ils en donnent un peu à leur parents, à leur mère — la figure de la mère est très importante — et le reste, c’est pour fanfaronner. Ils s’affichent sur les réseaux, dans des bars, au bras des plus belles filles, avec les tout derniers téléphones. Il y a, en Côte d’ivoire, dans notre argot, l’expression « la vie des giga » lorsque l’on parle de la vie de ces jeunes. Comme les giga octets. Chez nous il n’y a pas de forfait à payer par mois. Donc, avec leurs giga internet, ils connectent leur 4G et montrent leur argent, des liasses de billets. C’est tout ce qu’ils peuvent faire. Et, souvent, ce sont des modèles pour les autres. Certains, tous ce qu’ils veulent, c’est avoir les gros téléphones et mener la vida loca. Ces jeunes-là sont quelque part des influenceurs, pour d’autres jeunes qui ne rêvent que de ça. Vivre la vie du paraître. Le phénomène des microbes vis à vis des réseaux sociaux est par ailleurs à regarder en parallèle avec le phénomène des « brouteurs », ces arnaques en ligne en Côte d’Ivoire. A leur débuts, à Abidjan, c’était la même chose. Ils faisaient du boucan, montraient leur argent… C’était des modèles pour les jeunes. Et c’est pareil pour les microbes. Vendre de la drogue, c’est rien à Abidjan. Il y a deux types de microbes. Ceux qui tuent, qui n’ont pas peur de la mort, et ceux qui vendent de la drogue, les « délinquants sans sang ». C’est comme aux États-Unis, ils rappent, ils sortent des albums. Ils promeuvent une certaine vie de boss, avec des richesses que les jeunes peuvent avoir en rentrant dans les magouilles.

Quelles sont les solutions ? 

Je n’ai pas trouvé de solution, j’ai proposé des choses qui étaient déjà en place. On garde les enfants pendant 1 an ou 6 mois. Les 3 premiers mois, on les garde au centre. On leur demande ce qu’ils veulent apprendre. On leur donne une éducation civique et scolaire ou on leur apprend un métier. Les 3 mois suivants, ils sont relâchés dans la société. Les psychologues viennent 2 ou 3 fois dans le mois. Puis ils sont laissés à eux-mêmes. Et c’est le problème.  Il n’y a pas de continuité. Je préconise un suivi. Essayer une assistance globale à défaut d’une assistance personnelle. Assister non seulement le jeune, mais aussi « le jeune dans sa famille » parce que c’est un tout. Proposer un accompagnement aux parents, à la mère qui s’occupe seule, souvent, de l’enfant. Il appartient à une famille qui ne va pas bien, qui est dysfonctionnelle. Il y a des comités de dialogues, de réinsertion pour socialiser l’enfant, des guides religieux… On doit encore ajuster les mesures. 

Qu’est-ce que cela révèle de la société ?  Quel parallèle pouvez-vous établir avec la France, dont le phénomène de bande est en pleine recrudescence ?

Ces phénomènes de gang révèlent une physionomie sclérosée, une société malade. La gestion de ces phénomènes nous amène à remettre en question l’organisation de la société. Notre manière d’aménager nos territoires. L’organisation des rapports entre couches sociales. Ce n’est pas un problème de pays pauvre. Même aux États-Unis, en France, il y a des gangs. Toutes ces différences [sociales] traduisent un malaise. Que l’on soit un pays pauvre, ou un pays riche, le fait qu’il y ait des microbes, des bandes de jeunes délinquants, montre que la société telle qu’on l’a pensée ne marche plus. Il n’y a plus de repères. Avant — chez nous — l’école était le repère. Être instruit et travailler pour l’état. Aujourd’hui, l’école ce n’est plus la clé de la réussite. Ce qui marche, c’est travailler à son propre compte. Qu’importe l’entreprise, même si c’est l’entreprise de la violence. Ces bandes [délinquantes] sonnent l’alarme d’une société qui est en train de changer, de se métamorphoser, de muter.

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Dix ans de guerre en Syrie : « L’Europe doit taper sur la table de manière unie pour mettre fin à la crise » https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/dix-ans-de-guerre-en-syrie/ https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/dix-ans-de-guerre-en-syrie/#comments Wed, 05 May 2021 10:10:54 +0000 https://www.master-journalisme-gennevilliers.fr/?p=11900 ENTRETIEN / A l’occasion des dix ans du conflit syrien, Salam Kawakibi, directeur du Centre arabe de rechercheset d’études politiques (CAREP) a accordé un entretien à l’AFP. Il revient sur l’intervention des forces extérieureset alliés du régime qui maintiennent Bashar el-Assad au pouvoir. Ces stratégies militaires ont redoubléd’ « efficacité » alors que les pressions […]

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ENTRETIEN / A l’occasion des dix ans du conflit syrien, Salam Kawakibi, directeur du Centre arabe de recherches
et d’études politiques
(CAREP) a accordé un entretien à l’AFP. Il revient sur l’intervention des forces extérieures
et alliés du régime qui maintiennent Bashar el-Assad au pouvoir. Ces stratégies militaires ont redoublé
d’ « efficacité » alors que les pressions de la communauté internationale semblent insuffisantes.


Dix ans en arrière, la guerre civile syrienne devait être à l’origine une révolution pacifique contre le régime baasiste. Mais la « violence inouie » inscrite par le pouvoir de Bashar el-Assad a « renversé la logique du printemps arabe » en 2011. La militarisation des groupes opposants a mené une « guerre contre les civils ». Dans les grandes villes, le slogan « Assad ou nous brûlons le pays » était écrit en gros sur les murs. Salam Kawakibi dresse le constat de cette menace, mise à exécution : « Au final, c’est Assad et ils ont brûlé le pays ».

Le régime s’est retrouvé dans un état « très délicat ». Très vite, le conflit a pris une « dimension communautariste » avec les forces déployées sur le territoire syrien. Baschar El Assad a profité en 2013 de l’ intervention des milices iraniennes et libanaises pour rester au pouvoir. Aide précieuse pour le dirigeant alors que les rebelles avaient encerclé la capitale Damas. Un coup de pouce a également été apporté par la Russie, avec une opération militaire comprenant aviation et bombardements massifs. Le directeur du CERAP décrit la situation « semblable à la stratégie de la Seconde Guerre mondiale, sans distinction entre civils et rebelles ». Et comme si cela ne suffisait pas, l’émergence de l’État islamique (EI) a « rendu un grand service à Bashar El Assad » selon Salam Kawakibi. Les attaques des groupes terroristes et radicaux ont permis aux dirigeants syriens de « détourner le regard de l’Europe ». La Syrie « gangrenée par des terroristes et radicaux » s’est imposée devant une Syrie «révoltée contre un régime tyrannique ». Cette stratégie de détournement de l’attention explique pourquoi le régime a « beaucoup aidé l’Etat islamique à contrôler des grandes villes » ainsi que la commercialisation du pétrole. Mais si le pouvoir syrien utilise la répression contre le peuple et l’opposition, il n’a jamais « confronté un ennemi extérieur » note le directeur du CAREP.

« La communauté internationale n’a pas apporté de solution pacifique »

Face à ces éléments, Salam Kawakibi déplore la « démission de la communauté internationale ». Loin de porter un regard critique sur l’intervention militaire des pays extérieurs, le directeur du CAREP observe une insuffisance d’actions diplomatiques : « Personne n’a aidé à apporter une solution pacifique ». Pour lui, observateur du pouvoir syrien depuis les années Hafez el-Assad, père de Bashar El Assad, aucune pression européenne ne permet d’arrêter le régime, accusé de « crimes contre
l’Humanité ».

Durant ce conflit, la communauté internationale a elle-aussi commis des fautes. En 2013, lorsque le régime a eu recours aux armes chimiques, l’administration Obama a menacé le régime syrien d’une intervention militaire. « Elles ont été utilisées, mais il n’y a eu aucune réaction, détaille Salam Kawakibi. À partir de là, le régime a compris qu’il était intouchable ». Le bilan s’est soudainement alourdi avec « 1 500 morts en deux heures ». Les centaines de morts sont devenues des « milliers par jours ». Depuis deux ans, les combats ont cessé, mais les attaques ne cessent de s’intensifier au quotidien.

Le face à face entre l’Europe et la Russie

Que fait l’Europe, dix ans après les premiers affrontements ? Alors qu’en 2012, une première conférence internationale sur la Syrie mène à la signature d’un accord, l’espoir de d’une transition politique fait volte-face. Aujourd’hui, la Russie « prétend chercher à pacifier la Syrie ». La force d’occupation russe sur le territoire « contribue à la répression » mais les militaires s’ « attribuent le rôle de gestionnaires du processus de la paix ». Un rôle que l’Occident accepte selon Salam Kawakibi, faute de se retrouver « démunie de tous moyens de pressions au niveau des Affaires étrangères ».


Face à ce conflit, l’Union européenne ne se montre pas assez « unie » selon le directeur du CAREP : « Certains appliquent les sanctions, d’autres continuent encore de commercialiser avec la Syrie ». Le budget attribué à ces échanges commerciaux impactent la situation puisque « les bénéfices ne rentrent pas dans un budget gouvernemental » mais reviennent « à la famille du
président ». L’expert analyse les conséquences sur l’état du pays : « l’Etat syrien est appauvri, mais le régime s’est enrichi ». Salam Kawakibi estime que l’Europe doit « taper sur la table de manière unie et trouver une solution politique avec la Russie pour sortir de cette crise ».

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