CARNET DE VOYAGE

Israël

 l’art de faire découvrir un pays compliqué à de jeunes journalistes


Alev_YildizPar Alev Yildiz

Avant de regagner la France avec les étudiants du master, l’organisatrice de ce voyage d’études en Israël Stéphanie Dassa s’est prêtée au jeu de l’interview. Directrice des projets au Crif (Conseil Représentatif des Institutions juives de France), elle nous parle de son travail, de ses ambitions et surtout, de son rôle très particulier auquel elle tient beaucoup.

C’est elle qui est en grande partie à l’origine du programme riche et varié que nous avons suivi durant ces onze jours. Stéphanie Dassa organise depuis six ans des voyages d’études pour les étudiants en journalisme centrés autour de la Shoah. Mais il y a trois ans, elle a commencé à voir plus loin et s’est mise à leur faire découvrir Israël et les territoires palestiniens, tout en restant dans son domaine de prédilection concernant les sujets de fonds.

« La situation ici est très changeante et même si les thématiques restent toujours à peu près les mêmes, je ne propose jamais deux fois des programmes identiques. Je m’oblige toujours à repenser la situation depuis le début et je m’interroge à la fois sur le contexte régional et international, pour savoir aussi quels sont les points de frontières intéressants à visiter lors des différents voyages », explique-t-elle.

Plusieurs projets, mais un seul et unique objectif

« Le fait de travailler assez régulièrement avec des journalistes me fait réaliser qu’en réalité, ces derniers n’ont jamais le temps d’approfondir certains points. L’actualité va catastrophiquement vite, et on n’a pas du tout le temps d’arrêter la machine », remarque Stéphanie. Ses projets partent toujours d’un seul et même constat, qu’elle évoque avec beaucoup de regrets, mais aussi avec un réel espoir de changer les choses.

« De manière générale, on retrouve des approximations de façon assez récurrente dans la presse. Les confusions et les amalgames sont beaucoup trop courants. Aussi bien sur les questions géographiques que sur le vocabulaire, les choses ne sont pas assez affinées ». Ce que souhaite l’organisatrice au final, c’est apporter suffisamment d’aisance et de contacts aux étudiants afin de de leur permettre de creuser certains sujets loin d’être faciles à traiter.

Et le fait de côtoyer des journalistes en herbe lui plaît : « Cela me fait beaucoup de bien d’entendre leurs interrogations car elles m’offrent un accès direct aux questions qui se posent au sein de la société française ». À travers les étudiants, c’est en quelque sorte une partie de l’opinion publique qu’elle perçoit. « J’ai besoin de ne pas rester dans le microcosme du Crif, avec des positions qui seraient très tranchées. Ce que je gagne en travaillant avec des jeunes étudiants, c’est d’abord une grande fraîcheur intellectuelle », ajoute-t-elle.

Un échange à double sens, puisque Stéphanie confie : « J’ai envie de vous donner cette capacité d’arrêter la machine, de vous poser, de regarder, d’écouter et d’avoir accès à plusieurs formes de narratif. C’est ce qui va vous permettre ensuite de situer un peu la complexité des choses. »

Israël, cette terre qui la fascine tant

Le lien qui unit Stéphanie à ce pays est d’abord familial. « Toute la famille de mon père était apatride quand elle a été expulsée d’Égypte et qu’elle est venue habiter ici, faute d’autres endroit » nous raconte-t-elle. Mais la directrice des projets du Crif éprouve par ailleurs un réel intérêt intellectuel et beaucoup de curiosité pour Israël : « J’ai fait des études d’histoire et j’ai aussi été documentaliste. Donc tout ce qui touche à des choses qui ont une forte propension historique m’interpelle énormément ».

Ce pays, qui fait à présent partie des leaders mondiaux sur les hautes technologies, elle souhaite en montrer la modernité ainsi que la vitalité économique : « En fait, cette émulation qu’il y a en Israël m’intéresse beaucoup personnellement. J’ai envie de montrer cette énergie créative et surtout, la capacité des gens à s’organiser eux-mêmes pour s’extraire de leur situation quotidienne, notamment grâce à de multiples associations de quartier ou municipales ».

Stéphanie a aujourd’hui 40 ans et elle travaille au Crif depuis plus de treize ans : « Le Crif a une place très ancrée dans la société française et dans le débat politique à tel point que parfois, certains se questionnent sur sa prétendue influence. Mais c’est un pur fantasme, car nous n’en n’avons pas plus que n’importe quel autre citoyen de ce pays. La situation est grave sur le plan de l’antisémitisme en France, mais elle n’est pas irrémédiable. Toute forme d’agression et de violence raciste doit cesser ».

« Notre grand projet pour les années à venir, c’est surtout d’essayer, tant que c’est encore possible, de bien recoudre le tissu social français qui s’est un peu déchiré », déclare-t-elle, toujours avec un grand optimisme.