Par Clément BARBET 

Miguel Puente Pattinson est le représentant de la Commission européenne en France, il a accepté de répondre à nos questions sur le rôle de L’Union Européenne dans les négociations de la Cop 21, et sur les défis auxquels les institutions européennes sont confrontées actuellement.

Clément Barbet : Quel était le rôle de la Commission européenne dans les négociations de l’accord de la COP 21 ?

Miguel Puente Pattison : La commission européenne jouait  le rôle de leader des pays de l’Union Européenne dans ces négociations. L’Union européenne était une des 195 parties, et elle a présenté une position unifiée des 28 États membres. Ces derniers se sont mis d’accord pour plaider pour des objectifs de réductions d’émissions de gaz à effet de serre commun.

Comment se fait-il que chaque pays européen disposait d’une délégation alors que la Commission est censée parler en leurs noms ?

Il est vrai que chaque pays européen a eu un double rôle étant donné que nous étions dans une convention sous l’égide de l’ONU : chaque pays dispose d’un siège tout comme l’Union qui dispose elle aussi d’un siège pour représenter l’ensemble de ces pays. Ce qui était inédit et important dans cette conférence, c’est que la position des 28 était véritablement commune. Même si chaque pays à un siège aux Nations Unies, ces pays n’ont pas négocié individuellement pour l’obtention d’un résultat. Tout était délégué à L’UE qui a mené les négociations sous l’égide de la Commission.

Quel était le  message  porté par l’Union européenne pendant ces négociations ?

L’Union voulait porter trois messages. Le premier, c’était la volonté d’un accord ambitieux: nous souhaitions porter l’objectif d’un réchauffement en deçà des 2 degrés, et si possible le limiter à 1,5 degrés. C’est essentiel pour prendre en compte les risques auxquels sont confrontés les pays insulaires. Le deuxième message c’est qu’il fallait que l’accord de Paris soit contraignant. Enfin, le dernier c’est qu’il fallait  que tous les pays se retrouvent tous les cinq ans pour adapter ce texte aux innovations technologiques.

L’ONG Cororate Europe Observatory a publié le 4 décembre dernier, un document interne qui révélerait que la Commission aurait donné des instructions à ses négociateurs de refuser que le futur accord climatique puisse imposer des limites au commerce. Que répondez-vous ?

C’est faux. Les négociations concernant le changement climatique, ici, à Paris et la politique commerciale de l’Union sont vraiment distinctes. L’Union européenne a une politique commerciale commune, vous n’êtes pas sans savoir qu’en ce moment ont lieu les négociations TAFTA avec les États-Unis par exemple…

Évidemment, même si les négociations sont distinctes, il faut prendre en compte les effets de la libéralisation commerciale sur le climat. L’aviation et le transport de marchandises ont bien sûr un effet sur le réchauffement climatique c’est pourquoi nous voulions que ces secteurs soient mentionnés dans l’accord de Paris,  et qu’ils prennent leurs responsabilités face à leurs rejets massifs de gaz à effet de serre. Par exemple, en investissant dans des technologies vertes qui pourront leurs permettre d’être moins polluant.

Vous avez évoqué les négociations sur le traité transatlantique. Que répondez-vous aux militants contre les traités TAFTA et CETA selon lesquels ces traités pourraient permettre l’importation vers l’Europe de gaz de schiste ou encore de pétrole issus de sables bitumineux de la province d’Alberta au Canada ? 

L’Union ne peut pas obliger un état souverain  de faire tel ou tel choix sur sa politique énergétique. Une chose est cependant certaine : aucune marchandise, aucun produit ou aliment ne pourra être distribué sur le territoire de l’Union s’il ne respecte pas les normes et critères de l’UE. C’est un engagement essentiel depuis le début des négociations entre l’Europe et l’Amérique.

Au début du mois avait lieu, à Bruxelles, des discussions sur la mise en place de la taxe sur les transactions financières qui pourrait permettre de doter le fond vert pour le climat. Malgré de longues discussions aucun accord n’a été trouvé. Pourquoi cet accord est-il si difficile à mettre en place ?

C’est assez simple : parce que la fiscalité reste un domaine national dans la distribution des compétences au sein de l’Union européenne. C’est difficile d’aller vers une harmonisation fiscale au sein de l’Union européenne car il y a beaucoup de divergences en ce moment. Ainsi, même si la taxe sur les transactions financières ne sera mise en place que par 10 pays, c’est déjà un premier pas et la Commission Européenne soutient ardemment cette proposition essentielle pour lutter contre le réchauffement climatique.

Pour terminer, quel est votre message aux électeurs français qui ont été nombreux à voter pour des partis politiques se disant contre « le diktat bruxellois » ? Comment faire aimer l’UE aux européens ?

Ce n’est pas le rôle de la Commission Européenne de s’occuper des élections nationales mais il est vrai que nous devons lutter contre le désamour ambiant de certains contre l’UE. D’abord je pense qu’il  faut expliquer que l’Europe est sans doute la meilleure arme face à la globalisation financière : comment chaque pays pourrait-il lutter face à des géants économiques tels que la Chine ou les Etats-Unis? 

Ensuite il faut imaginer les conséquences concrètes si on fermait les frontières par exemple… Nous ne pourrions plus circuler librement entre les pays européens mais ce serait pareil pour les marchandises. Cela aurait des impacts sur le quotidien de chaque citoyen.

L’union et le partage des compétences sont la seule stratégie à adopter face aux défis humains et économique de notre époque.