Les récits amoureux de nos aînées, antérieurs à l’apparition d’Internet, semblent être bien loin de ma réalité. La génération Y à laquelle j’appartiens a dû entremêler les codes sociaux inculqués par l’environnement et les outils numériques de notre époque.

Des romans aux films, l’héroïne trouve toujours son âme sœur, l’évidence même du grand amour incluant la symbiose du corps et de l’esprit. Un heureux hasard ou signe de la destinée. Ces quelques modèles d’interactions amoureuses ont été mis à ma disposition afin d’interagir avec le sexe opposé. Le « comparse » Internet, qui m’a accompagnée tout au long de mon évolution, a su aider à mon ouverture sur le monde. Mais qu’en est-il de ma sphère privée ?

Le numérique se veut être le lien du monde, connectant de nombreux profils entre eux, engendrant ainsi des interactions. Rien de bien surprenant quand fut le temps pour le numérique de s’inviter dans nos relations amoureuses à travers les applications de rencontres. Une aubaine idyllique : imaginer, au bout de vos doigts, des millions de prétendants qu’aura soigneusement sélectionné l’application selon vos préférences. Facebook a su charmer mes attentes en ce qui concerne les relations avec mon cercle social. Pourquoi ne pas se laisser tenter par un Tinder se voulant entremetteur de l’amour ou du moins d’une idylle nocturne ?

Tinder, Tinder, dit moi qui est le plus beau ?

Je me souviens encore de cet été 2017 où Tinder s’est installé confortablement dans mon cellulaire. Tinder se veut être la meilleure application de rencontres, instigateur de 30 milliards de matchs. Un outil simple à la portée de tous au premier abord. L’application reproduit les codes de la réalité. On se met sous son meilleur jour grâce à une photo flatteuse, un profil attrayant avec des hobbies et des goûts artistiques. Vient le moment de la sélection : adieu le repérage au cours d’une soirée, seul le pouce devient votre meilleur allié. Un mouvement soit à droite ou à gauche : ça y est, le Swipe fait partie intégrante de mes mouvements.  

Le like des profils attrayants se transforme en jeu : l’image passe à travers mes yeux transformés en véritable scanner de compatibilité. La notification tant attendue du match qui accroît ma confiance, le « sex-appeal » du physique, ouvre les portes d’une hypothétique conversation décomplexée. Finis la gêne du premier instant, en face à face, avec un inconnu. Les « tu fais quoi dans la vie ? » et autres subterfuges pour alimenter une conversation timide et stérile semblait bien derrière moi lorsque je pénétrais pour la première fois dans l’espace de dialogue. Un espace de dialogue qui se transforma rapidement en salle d’attente. L’attente d’un premier message, d’une manifestation.
Mickael, 24 ans, un match improbable, tant j’estimais son physique hors d’atteinte, se décida enfin à prendre les devants d’une conversation que j’imaginais unique en son genre. Mon attente de l’originalité fut comblée par un magnifique design des temps modernes : l’émoji 😏. Un petit compagnon qui, plus tard, s’avérera être le symbole sous-jacent de l’univers de Tinder.

La perspective de nouvelles relations sociales et amoureuses à travers le numérique s’est vite transformée en une utilisation chronophage d’un besoin de se sentir désirée. On devient plus exigeant avec les profils proposés, les conversations ne tiennent qu’à une prise de la température de l’autre (😏). Vient le moment de la rencontre, dans le monde réel. Fini l’anonymat et le temps de réflexion sur ses faits et gestes :  un « date» ou une mise à nue devant un inconnu.  Majoritairement dans un bar, autour d’un verre, le date Tinder ne semble pas être si différent de son cousin « le date originel ». L’échange de banalités devient encore plus pesant quand l’inconnu en face de vous n’a aucun point commun. La bio du profil n’avait pas assez de place pour indiquer que Maxime, 23 ans, n’avait pas oublié son ex.

La présence des corps et du langage n’a pas empêché notre compagnon 😏 de s’immiscer dans l’ambiance. Une application de rencontres qui se voulait révolutionnaire dans les relations amoureuses s’est transformée au fil du temps en vivier d’opportunités charnelles. Le désir du corps, difficilement exprimé par certains dans la réalité, s’est désinhibé à travers le numérique. Il devient alors plus facile d’aborder la dimension sexuelle de la rencontre puisque cette dernière se base sur l’esthétisme.


Les applications des rencontres sont entrées dans nos mœurs en matière de rencontres amoureuses et sexuelles. La curiosité du premier essai puis de quelques éventuelles aventures nocturnes pourraient laisser penser que Tinder et Cie ont réussi leur mission de s’approprier numériquement toutes les sphères du réel. Est-ce réellement une révolution dans nos pratiques quotidiennes ? Les applications de rencontres ont initié notre génération au swipe et aux profils à porter de doigts. Cependant, je me permets de souligner qu’il y a une tendance à reproduire et retrouver les codes de la rencontre : le hasard qui fait bien les choses, un date autour d’un verre et un dialogue familier. Le lien numérique permettant de connecter tous les individus entre eux, certains que nous n’aurions jamais pu « rencontrer » dans la vie réelle, devient suffisant le temps d’un instant.