Encore aujourd’hui, les rappeuses françaises peinent à être mises en lumière dans les médias musicaux et notamment ceux consacrés au rap. Leurs actualités et projets ne sont pas relayés au même titre que leurs homologues masculins. En 2015, la militante féministe et LGBT+, Eloïse Bouton a fondé Madame Rap, le premier média dédié aux femmes et aux LGBT+ dans le hip hop. Son objectif ? Apporter de la visibilité aux artistes qui n’en n’ont pas forcément, en cause leur genre ou leur orientation sexuelle, et surtout déconstruire cette idée que le rap et le féminisme sont forcément aux antipodes. 

En survolant les médias dédiés au rap, on peine à retrouver les actualités musicales des rappeuses françaises émergentes. Les rappeuses doivent trouver un moyen d’être mises en lumière sans passer par des plateformes qui pourraient être un tremplin pour leur carrière. Pour Eloïse Bouton, cela est dû à « un traitement sexiste qui existe dans tous les domaines« . Dans les médias par exemple, les femmes vont tendance à être invisibiliser et « vont rester très peu solliciter par rapport à leurs collègues hommes« . Un autre problème s’ajoute, dès lors que certaines rappeuses vont être mise en avant, cela ne va pas sans un traitement sexiste. On ne va pas se focaliser sur la musique de l’artiste mais sur les éléments superficiels qui peuvent l’entourer, la fondatrice de Madame Rap prend l’exemple de rappeuse Shay qui va être relayée, non pas pour sa musique mais pour ses tenues jugées sexy et aguicheuses. « Ce sexisme-là se trouve et du coté des journalistes et du côté de l’industrie musicale » ajoute Eloïse Bouton, les acteurs de cette invisibilisation des femmes dans les médias rap sont aussi les premiers à être mis en cause, ils ont le pouvoir de faire changer cette situation mais au final se plient au système patriarcal et sexiste déjà existant. 

Une exposition difficile

La sortie du documentaire Canal+ « Reine » réalisé par Guillaume Genton a fait renaitre des questionnements quant à la place des femmes dans l’industrie musicale. Ce documentaire retrace le processus de création d’un morceau signé de cinq rappeuses émergentes dans la scène actuelle (Chilla, Davinhor, LeJuiice, Bianca Costa, Vicky R). Ce documentaire qui avait pour but de mettre les femmes à l’honneur n’a pas convaincue la militante féministe et LGBT+, pour cette dernière, « il y avait un côté très téléréalité et beaucoup moins émission musicale« , le documentaire ne s’est pas réellement focalisé sur les méthodes de travail de chacune mais plus sur les liens qu’elles ont pu tissés, ce qui peut dans un sens, décrédibiliser leur statut de rappeuse. « Entre elles, elles ne parlent pas forcément de musique, le processus reste superficiel » ajoute Eloïse Bouton. De plus, il se trouve que lors de la création du morceau, l’équipe de beatmaking était exclusivement masculine, ce qui peut desservir la cause principale car la encore, les femmes sont aussi mises de côté. En 2019, Arte Radio leur a consacré un documentaire appelé « Beatmakeuses« , trois femmes, qui, à leurs débuts n’osaient pas produire de la musique.  Même si les femmes sont de plus en plus exposées dans la scène musicale, les médias rap ont toujours du mal à servir de tremplin pour les rappeuses françaises, qui demandent à être mises en avant pour leur talent sans subir de traitement sexiste.