Par Antoine Raguin, Alix Demaison

Le vendredi 6 février, l’invité de la conférence était Patrick Eveno. Cet universitaire, spécialiste des médias est venu nous parler de l’Observatoire de la Déontologie de l’Information, dont il est le président. Une association qui plaide pour la création d’un Conseil de la presse. Un organisme qui pourrait être la solution pour éviter certaines dérives du métier.

Les journalistes ont tous un avis sur leur profession et ce qui l’entoure. Pas toujours objectif. L’opinion, aussi, a un avis. Pas toujours cohérent. Pour avoir une discussion sur le monde des médias, il faut donc trouver le juste milieu entre ces deux catégories. Patrick Eveno le représente à la perfection. Il n’est pas journaliste, mais assez proche d’eux pour connaître les us et coutumes de la profession.

Patrick Eveno s’est toujours intéressé aux médias. Dans les années 1980, professeur d’histoire au lycée, à Bondy, il profite de son temps libre pour écrire des piges pour les suppléments du Monde. Il intègre avec parcimonie la rédaction du quotidien. Juste assez de temps pour appréhender l’organisation de la rédaction, qu’il ne juge pas optimale. Cette « organisation bizarre » lui inspire le sujet de sa thèse, L’histoire du Monde de 1944 à 2004. Il se concentre sur l’entreprise en tant que telle, ses mécanismes économiques et sociaux.

Suite à la publication de cet ouvrage, il devient maître de conférences puis professeur à la Sorbonne où il enseigne l’Histoire des médias. Patrick Eveno n’en oublie pas pour autant ses activités journalistiques. En 2008, Il joue un rôle central dans les Etats généraux de la presse écrite.

Membre de Reporter sans frontières, il participe à la création de l’Observatoire de la déontologie de l’information. Il en prend les commandes enLogo de ODI février 2014.

Le but de la création de cette association est de combler un manque important. En France, il n’y a pas de conseil de presse, comme on peut en trouver dans plus de 21 pays de l’Union européenne. Ces conseils, sous forme d’organisme paritaire, font appliquer les règles déontologiques, sans aucun moyen de pression financière ou juridique. L’ODI, lui, pour le moment, a pour but « contribuer à la prise de conscience de l’importance de la déontologie dans la collecte, la mise en forme et la diffusion de l’information au public ». L’observatoire est tripartite. Il est composé à la fois de journalistes, d’entreprises de presse et aussi de lecteurs. Avec les adhésions de poids lourds du journalisme – AFP, France télévisions, France média monde, l’observatoire prend de plus en plus d’ampleur.

Chaque année, un rapport est rédigé. Il recense des exemples ne respectant pas l’honnêteté, la véracité et l’exactitude, les principaux fondements de la déontologie journalistique. Il pointe surtout du doigt les problèmes auxquels sont confrontés les journalistes, comme la pression ou la confusion des frontières entre vie publique et vie privée et aussi entre la communication, le journalisme et la publicité. Il soulève les maux du journalisme d’aujourd’hui afin d’éviter que certaines dérives ne se (re)produisent. Le travail effectué est donc systémique.

 

A l’inverse du CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel), l’ODI ne peut pas sanctionner les entreprises de presse. Patrick Eveno insiste justement sur la nécessité de ne pas condamner. D’une part parce que « tout le monde fait des erreurs » et qu’elles servent à améliorer la profession. De l’autre, parce que Patrick Eveno est totalement opposé à la création d’un Ordre des journalistes qui serait à l’encontre de la liberté d’expression et d’information. D’autres raisons sont aussi évoquées, comme le manque de moyens. Pour mettre réellement en cause un journal, il faut avoir des preuves et donc enquêter. Cela implique des coûts financiers que l’observatoire n’a pas encore.

 

En somme, l’Observatoire de la Déontologie de lInformation n’en est qu’à ses débuts. Sa démarche est progressive et plaide pour un dialogue entre les instances médiatiques. L’échange entre les journalistes et les différents médias serait alors la clé du bien-être de notre profession.