A l’occasion d’une rencontre avec les étudiants de l’école de journalisme de Cergy-Paris Université, Jean-Paul Dietsch est revenu sur l’état de la presse en France. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, d’après le directeur général adjoint de l’Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias (ACPM), le diagnostic révèle un état de forme plutôt bon.

Une définition


La presse se porte relativement bien, d’accord. Mais au juste, c’est quoi « la presse » française en 2020 ? Voilà une question à laquelle l’ACPM est parfaitement placée pour répondre. L’Agence connaît très bien les médias, puisqu’elle est leur tiers certificateur. Aucune obligation d’y adhérer toutefois, c’est au bon vouloir des différents titres et organismes de la presse. Concrètement, l’ACPM « contrôle, certifie et donne de la valeur aux chiffres des médias », comme l’indique son site internet.

Deux fois par an Jean-Paul Dietsch et son équipe dressent un bilan chiffré de la presse, synonyme aussi d’une photographie des grandes tendances. A l’heure du numérique toutefois, plus question de s’en tenir uniquement au support papier. C’est donc depuis 2011 que l’ACPM comptabilise également la presse en versions numériques, en tant que relais digital du papier.

Au total, ce sont quelque 3000 titres qui circulent en France (le pays où il y a le plus d’éditeurs et de sociétés d’édition au monde !). Certains vivent de la pub et d’autres non, certains sous la forme de fanzine et d’autres de lettres. Sur ce total, environ 1500 titres peuvent être achetés en kiosques. Le regard de l’ACPM porte quant à lui sur 700 d’entre eux.

L’encre sur le papier n’est pas prête de s’arrêter de couler, d’après Jean-Paul Dietsch


Grandes tendances : baisse du volume, vent en poupe pour les quotidiens nationaux, la presse vélo et la presse enfant


Un ensemble de 1500 titres chez nos marchands de journaux donc, pour un total de 3 milliards d’exemplaires diffusés chaque année. Cela peut paraître beaucoup (ça l’est toujours), pourtant la tendance en termes de volume est à la baisse. « Depuis une dizaine d’année, on constate une érosion des journaux. Il y a une profusion des médias et l’émergence de nouvelles façons de s’informer » explique le directeur général adjoint.

Une légère baisse de forme d’après Jean-Paul Dietsch, qui ne concernerait cependant pas toute la presse. Il le dit, « les grands quotidiens nationaux comme Le Monde ou Les Echos ont le vent en poupe ». Une dynamique qui d’après lui s’explique par le besoin d’information « vérifiée et de qualité dans une période anxiogène ». Pour preuve, Le Monde est même en train de battre son propre record en atteignant les 400 000 exemplaires diffusés, une première depuis des décennies, dont la moitié en version numérique.

La crise sanitaire serait donc le facteur d’une année exceptionnelle pour certains de ces titres de la presse quotidienne nationale. Depuis son apparition en décembre 2019, la pandémie de la Covid-19 a amené avec elle de très nombreuses interrogations autour d’un nouveau virus. La presse a permis de donner des informations vérifiées, en contre-pied de fake-news occupant quant à elles un important espace de visibilité sur Internet et les réseaux sociaux.

Les quotidiens nationaux ne sont pas les seuls à avoir profité de cette conjoncture. Autre gagnante, la presse à centre d’intérêts pour le vélo. D’après Jean-Paul Diestch, celle-ci est « en train d’exploser ». Une presse qui profiterait ainsi du « boom » de la demande pour ce mode de transport, dont les ventes ont été boostées tout au long de l’année.

Même dynamique du côté de la presse jeunesse, qui ne cesse de progresser. La faute (ou plutôt grâce) à des parents qui souhaitent nourrir l’esprit de leurs rejetons autrement que par les écrans, d’après le directeur général adjoint de l’ACPM. Un succès et une substitution aux tablettes et télévisions qui s’expliquent d’autant plus par les confinements à la maison.

Avec le confinement, l’une des grandes gagnantes, la presse jeunesse


Vous avez dit « crises » ?


Une « crise dans la presse » ? Certains le pensent, que nenni pour Jean-Paul Diestch. « Nous vivons des cycles. Certes il y a une érosion, les médias sont de plus en plus nombreux, mais on reste toujours fort, présent et nécessaire ». L’âge d’or de la presse est derrière nous, mais pour autant l’encre n’a pas fini de couler, loin de là. « Les médias sont en train de se réinventer, de changer leur fusil d’épaule » martèle-t-il.

Et si la crise sanitaire est quant à elle est bien réelle, son impact sur la presse hexagonale n’a pas été que négatif aux yeux de l’ACPM. Au cours du premier confinement, « tous les médias ont été surconsommés par rapport à d’habitude ». Mais paradoxalement, ils ont perdu de l’argent faute d’annonceurs, souligne Jean-Paul Dietsch. Ces derniers s’étaient alors retirés de tous les plans de communications, face à la dimension incertaine de cette période.

Seule véritable zone d’ombre pour le directeur général adjoint de l’Agence, le tarif des journaux en augmentation constante depuis quelques années. Par conséquent cela exclurait une partie de la population qui n’aurait tout simplement plus les moyens de s’informer de la sorte.

Le regard de Jean-Paul Diestch est donc rempli d’un certain optimisme à l’égard du secteur. Une presse qui serait plus que jamais multiforme, en pleine mutation économique dans un contexte de destruction créatrice, et sans que l’odeur du papier ne s’estompe totalement. Pourvu que cela dure !