Photo : Mathilde gay et Eva Giandomenico

Ce mardi 13 septembre, des étudiants des Universités parisiennes se sont réunis Place de l’Odéon pour soutenir le peuple iranien autour d’une « marche lumineuse », symbolisée par des bracelets fluorescents.

Près de trois mois après la mort de Mahsa Amini, tuée par la police des mœurs pour un voile mal porté, cette marche acte un soutien de la part des étudiants. Parmi les revendications affichées sur les pancartes, le soutien au peuple iranien donc, aux femmes iraniennes, mais aussi la volonté de voir la fin des exécutions perpétrées par les dirigeants. Le régime en place est dénoncé, auteur d’une répression violente et porteur d’une idéologie islamique qui ne fait pas l’unanimité. Scandant entre autres « Soutien à la jeunesse iranienne », « Liberté liberté liberté », « Femme, Vie, Liberté », ainsi que des slogans persans portés par un iranien au mégaphone aux couleurs du drapeau de son pays, la marche s’est rendue jusqu’à la place Laurent-Tierzieff-et-Pascale-de-Boyson. Les participants se sont alors réunis autour d’une lecture de poèmes iraniens. Les volontaires ont ensuite pu assister à la projection du film L’échiquier du vent de Mohammad Reza Aslani.

Une marche aux motivations multiples

Parmi les marcheurs, des iraniens reviennent sur leur parcours de vie « j’ai quitté mon pays en 84 parce que j’avais été arrêté dans la rue, un revolver sur la tempe, parce que je portais mal le foulard. [… ] La seule chose que je peux faire pour les miens, c’est d’être là, d’être leur voix, d’être présente [… ] Mon père est décédé en Iran alors que j’étais ici, là-bas, je n’ai plus personne, mais tous les iraniens sont les miens ».

Pour la plupart, cette lutte représente un moyen de fédérer autour d’un constat commun : la colère face à des années de régime autoritaire. Portée initialement par les femmes en Iran, depuis les hommes ont rejoint la lutte. Une étudiante iranienne explique « je pense que les femmes ont initié la révolution, mais les hommes sont là également pour les soutenir, il n’y a pas de clivage, c’est juste le ras le bol de 43 ans de ce qu’on a subit, d’un état de répression et de peur qu’on nous a mis dans notre ventre ». Mais les Iraniens n’étaient pas seuls au rendez-vous durant la marche, à leurs côtés, de nombreux Français venus soutenir la lutte, dans l’espoir de voir leur pays et le monde occidental s’allier à la révolution. Une manifestante explique ne pas être iranienne, mais « être femme », appelant à lutter contre un régime iranien à la fois “misogyne”, “autoritaire” et porteur de “désastres écologiques” Parmi les soutiens demandés, ceux des politiques et députés qui pourraient “appliquer de réelles sanctions économiques”, mais aussi la mobilisation internationale, justement mise en avant dans cette marche sur le sol français.
Une membre de la Ligue des Droits de l’Homme énonce le lien entre la France et l’Iran, avec un peuple iranien “très au courant” et intéressé par la vie politique française. L’association, créée pour défendre Dreyfus, se penche désormais vers des sujets aussi larges que l’invasion ukrainienne, la loi Darmanin sur la migration et la situation en Iran. Au croisement de nombreuses luttes, difficile de ne pas se sentir concerné par la situation iranienne. Pourtant, la mobilisation est en demi-teinte.

Des enjeux majeurs pour un public restreint

L’Iran semble pâtir de la distance et du temps long. Contrairement à l’Ukraine, plus proche, la révolution iranienne paraît de moins en moins médiatisée, et fait l’objet d’un soutien et d’un débat public plus restreint. On comptait une centaine de manifestants ce mardi, une participante, franco-iranienne explique, « Ici, on peut jouir de nos libertés individuelles de manifester, s’exprimer sans se faire tuer, emprisonner ou violer pour les jeunes femmes. La moindre des choses, peu importe le temps, c’est de venir pour faire honneur aux iraniens. Toute ma famille est en Iran, je suis en contact avec la plupart d’entre eux, y en a certains que je n’arrive pas à joindre parce qu’il faut contourner la censure. J’ai des retours de gens qui se sont pris des balles dans la jambe, des trucs dans le dos absolument affreux, des blessures extrêmement graves, des messages quotidiens d’épuisement physique et psychologique. Nous on est en sécurité. » Une autre déplore « Je ne comprends pas que toutes les femmes soient pas derrière ». A ce jour, le régime iranien a annoncé la suppression de la police des mœurs, mais la situation est loin d’être apaisée. Cette décision fait l’objet de critiques, qui y voient moins un pas vers la démocratie qu’une politique de façade visant à redorer une image ternie par la répression. Selon Iran Human Right, au 7 décembre, 458 Iraniens auraient été tués lors des manifestations, dont 63 enfants et 29 femmes.