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Auteur du quatrième album le plus vendu de 2021 en France, et lauréat aux Victoires de la musique, le rappeur marseillais est plus que jamais l’un des piliers du rap français.

Pour décrire SCH, il faut décrire Marseille. Son soleil rayonnant et son accent bien marqué. Sans oublier la ferveur des supporters de l’OM, sa culture rap qui lui est propre et le grand banditisme qui règne encore dans certains de ses quartiers. Le « S » comme on le surnomme, est un pur concentré de tout cela. À 28 ans, il fait parti de ces artistes qui marquent lorsqu’on les découvre. En même temps, comment oublier sa fière allure de mafioso ? Il n’a jamais caché son goût pour le luxe et la mode. Le temps d’un clip, l’auteur de Champs-Élysées s’est même offert le Palais Bulles, la villa du couturier Pierre Cardin. Costumes, vestes en cuir et les lunettes teintées, c’est ainsi qu’il se caractérise. Loin des gros muscles des rappeurs américains comme 50 Cent, il assume complètement son corps maigre qu’il affiche sur ses pochettes d’album. Imposer un style aussi atypique dans un tel milieu, c’est un des nombreux faits d’arme de SCH. Placé sous le feu des projecteurs aux Victoires de la musique, il a brillé par son humilité et son engagement.

Jeune, le rappeur a vécu dans la précarité. La musique ou rien, c’est comme ça qu’il voit sa destinée. Ce sentiment, il le confie lors de son entretien avec le média GQ, « Je ne me voyais pas travailler pour une misère et je n’avais pas fait grand-chose à l’école. Je n’avais pas de perspective d’avenir en vrai ». Quitte à faire de la musique autant s’y mettre à fond. Julien Schwarzer de son vrai nom, commence le rap à 15 ans. Il se nomme d’abord « Schneider », un mix entre son nom et celui de Shredder, l’antagoniste phare du dessin animé les Tortues Ninja. Une douce manière d’annoncer qu’il ne fera pas partie des gentils, comme dans son interview pour le média urbain Booska-P, « Je ne suis pas venu pour faire des câlins dans le Rap». En 2015, le désormais SCH braque l’industrie musicale. Braquer, c’est le terme. Quand on est certifié double disque de platine en l’espace de six mois sans être une tête d’affiche, c’est un hold-up. Le 13 novembre 2015 il publie la mixtape A7, qui le mène littéralement sur la route du succès.

La plume ou le plomb

SCH ne rappe pas, il mitraille. Il n’y a qu’à voir le nom de ses titres qui représentent à eux seuls un véritable arsenal : Fusil, Mac 11, Tokarev… Violence et mélodie, phrases chocs et poésie, tous les opposés s’harmonisent dans sa musique. L’Autotune c’est son arme fétiche. Elle mue sa voix grave du quotidien en une voix aiguë singulière. De quoi laisser les mauvaises langues dire qu’il rappe en fourchelang. Aujourd’hui le S trône sur le Rooftop du « game ». En 2021, il n’y a qu’un rappeur qui a vendu plus d’albums que lui : Orelsan. L’exploit est encore plus impressionnant quand on sait qu’il dépasse d’autres gros poissons comme Ninho, Damso ou Jul. Cette notoriété, personne ne l’avait prédit et il ne manque pas de le chanter : « -Moi au début, j’étais rien qu’un petit nouveau rappeur qu’on croyait passage- ».

Les thèmes qu’il aborde dans ses textes n’ont rien d’innovant. Il parle de crime, de meurtre, de drogue et d’argent. Toutefois, il a une manière bien particulière de les traiter. Sa discographie est teintée de sonorités sombres et de piano, comme la bande originale d’un film de mafieux. Cette influence du monde de la pègre se traduit aussi dans ses visuels, en témoignent le clip de Gomorra tourné à La Scampia et la référence à Blow sur la pochette d’A7.

Au fil de sa carrière sa plume s’est assagie et s’éloigne parfois du chaos anarchique de ses débuts (Anarchie étant le nom de son premier album). Il lui arrive parfois d’aborder des thèmes plus profonds et plus intimes comme la perte d’être cher, le désir de réussir et la pauvreté de la classe populaire dont il est lui-même issu. Un combat qu’il symbolise par cette phrase : « -S’lever pour 1200 (euros) c’est insultant- ». Grand amateur de variété, il n’hésite pas à pousser la chansonette dans ses morceaux (Quand on était môme, Le code, La nuit).

Un « musico-acteur »

Quand le journaliste Mouloud Achour lui demande de se décrire, il répond qu’il se voit comme un « musico-acteur ». Cela coïncide avec ses deux grandes passions que sont la musique et le cinéma. Cette prestance de gros bonnet tout droit sorti du Parrain, il se l’est construite. Avec le temps, il s’approprie de plus en plus cette imagerie. C’est ce qu’il déclarait en avril dernier, « SCH, plus le temps passe, plus c’est moi, même si au début c’était un personnage fictif que j’ai créé ». Il pousse l’interprétation jusqu’au bout avec le tome II de JVLIVS, son dernier projet date. Dans cet album concept, Julien devient Julius et alterne entre réalité et fiction, « J’ai toujours écrit de manière narrative, je sais pas pourquoi, c’est ma façon d’écrire ». Le S a déjà annoncé le troisième acte de JVLIVS. Nul doute que cet album sera encore le théâtre de son talent.