Posté le 2 mars 2014 par Sala Sall – Sevran : Place aux citoyens

Des habitants qui espèrent

À l’approche des municipales, de plus en plus de mouvements citoyens voient le jour. Plu- sieurs d’entre eux sont en campagne pour briguer des mairies en banlieue. C’est le cas à Sevran.

L’une des villes les plus pauvres du pays est aussi celle où on vote le moins. Sevran en Seine­-Saint-Denis compte plus de 50% d’abstention aux der­nières municipales. Pour inciter plus d’habitants à voter, plusieurs candidats se bousculent. La commune dirigée par Stéphane Gatignon (EELV), qui n’avait pas hésité, en 2012, à se mettre en grève de la faim pour récolter des aides de l’État, voudrait plus de changement.

Parmi les candidats, Clémentine Autain, représente le Front de Gauche. Ses tracts insolites avec des images de clémentines flanquées du slogan : « Des vitamines pour les Sevranais », ont amusé le web. Mais au­-delà des plaisanteries, les regards sont sur­ tout tournés vers un mouvement qui souhaite in­carner le futur de la ville. Il s’agit du MCS (Mouvement Citoyen de Sevran). Il propose de re­donner un plus grand pouvoir de décision aux habi­tants. Son projet est de rédiger des promesses électorales à partir de leurs attentes et besoins. L’idée n’est pas nouvelle. Il s’agit de community or­ganizing, un concept importé des États­-Unis et fondé sur l’implication de résidents des quartiers populaires dans les événements et projets de leur ville. Pour le voir à l’œuvre à Sevran, il faut pousser les portes des brasseries de la ville.

Une image de petit débutant

Début février, dans un café au cœur des quartiers aisés de la ville, un homme agite les bras face à une poignée d’habitants. Il s’agit de Mohammed Chirani, 36 ans, lui aussi can­didat aux prochaines municipales. Droit comme un i, dans un costume bleu roi au pli impeccable, il s’adresse à son maigre comité de sou­tien qui acquiesce à chacune de ses déclarations. Sous ses airs de gendre idéal, il n’hésite pas à dis­tribuer quelques bises à son auditoire composé, ce jour­-là, pour la plupart de femmes. Tutoiement, dis­cussions à voix basse autour d’un thé ou d’un café, dans un coin de la salle à la lumière tamisée, l’am­ biance est amicale, voire familiale.

Une stratégie de séduction pour un candidat qui cherche à tout prix à montrer qu’il est proche des habitants même s’il n’a jamais résidé dans la ville. Né dans l’Ain, il a grandi en Algérie jusqu’à l’âge de 19 ans, avant de revenir en France finir ses études et décrocher un emploi dans la capitale. Diplômé de Science Po et ancien délégué du Préfet de Seine­-Saint-­Denis pour Sevran, Chirani se définit comme un compétiteur « plus authentique » que ses adversaires. En 2007 il possédait encore sa carte à l’UMP avant de quitter le parti pour cause de dés­accord politique avec Nicolas Sarkozy. Depuis, il se dit apolitique et grand militant pour la banlieue.
Parmi ceux qui ont fait le déplacement, un groupe de femmes dont Wassila, 54 ans, éducatrice, Soraya, 49 ans, entrepreneur, Selma, 54 ans, distributrice de journaux et Leila, 38 ans, mère au foyer. Elles viennent de couches sociales différentes mais ont toutes les mêmes attentes électorales. « Nous sommes de ferventes militantes du mouvement citoyen mais avant tout, nous sommes des mamans soucieuses de l’avenir de nos enfants et qui avons envie que l’image de Sevran s’améliore », lâche So­raya, d’un ton déterminé. Certaines d’entre elles vivent dans la ville depuis de longues années comme Leila qui y réside depuis 1980. Et pour elle, Sevran n’a pas changé. La quin­quagénaire dit avoir toujours noté un « favoritisme » de la part de la municipalité envers les quartiers Sud, composés de zones pavillonnaires et qui, selon elle, bénéficient d’écoles mieux tenues et d’une meilleure écoute de la part du maire. Et cela au détriment des quartiers Nord, dont Les Beaudottes, qui concentrent la plupart des logements sociaux de la ville.

Toutes habitantes de ce secteur, elles justifient leur adhésion au mouvement citoyen par le fait qu’elles ne se sentent plus proches d’aucun parti politique mais militent pour un combat plus collectif : « Nous ne sommes plus ni pour la droite ni pour la gauche. S’il y a de bonnes idées à droite, nous prenons, s’il y en a à gauche, nous prenons aussi, l’important étant de trouver des solutions concrètes pour la ville », ar­gumente Wassila.
Mais avant de trouver des idées « concrètes » pour la ville, le mouvement citoyen doit se construire une image crédible pour pouvoir briguer le poste de maire. Pour cela, ses premières mesures ne convainquent pas encore.
L’un des sujets auxquels Mohammed Chirani veut s’attaquer est le taux de plus en plus alarmant du chômage chez les jeunes. La ville compte 35% de chômeurs chez les moins de 25 ans.

Pour y remédier Chirani souhaite transformer les halls d’immeubles des quartiers difficiles en pépi­nière d’entreprises. Autrement dit, pour lui, si la jeunesse ne trouve pas de travail, c’est les entre­prises qui viendront à elle. Une mesure qui paraît naïve lorsqu’on sait que la problématique est bien plus complexe que ça : les jeunes les plus en diffi­cultés sont souvent ceux qui n’ont ni formation, ni diplôme. Dans les prochaines semaines, Chirani de­vrait dévoiler le reste de son programme et essayer de prouver qu’il n’est pas un amateur au milieu de la bataille Gatignon­-Autain.

@SashaSall

Parution sur le site des municipales 2014 : Bloody Mairie