Les violences sexuelles faites aux femmes font désormais partie de la sphère publique. Pour Fanny Marlier, journaliste indépendante, la manière dont on traite ce genre d’affaires reste à peaufiner au sein des rédactions. Elle exprime en particulier l’importance du choix des mots.

Pour de nombreuses femmes, le mouvement #metoo a été une tribune internationale qui leur a permis de dénoncer les atteintes qu’elles subissent. Fanny Marlier, ex-rédactrice en chef du service web chez Les Inrockuptibles a connu l’arrivée de ce mouvement au sein de sa rédaction, « en 2019 il y a eu une véritable prise de conscience autour de ces sujets dans le monde du journalisme ».

Un journaliste se doit d’être précis lorsqu’il écrit. Encore plus lorsqu’il s’agit de violences sexuelles car dans ces affaires-là, des victimes sont impliquées. À travers son expérience, Fanny Marlier a pu constater une maladresse rédactionnelle dans les articles qui couvrent les agressions sexuelles, « il y a une manière d’écrire les choses. Un simple mot peut changer le sens d’une phrase. D’un terme à l’autre, on responsabilise plus ou moins la victime. Préciser sa tenue vestimentaire n’a rien de pertinent ». Le choix des mots est primordial. Il ne faut pas confondre viol et agression. Un viol implique qu’il ait eu une pénétration (si la victime a été pénétrée par un objet, il s’agit quand même d’un viol), si ce n’est pas le cas, il faut parler d’agression. La justesse des propos est tout aussi importante, « On ne dit pas d’une victime qu’elle s’est fait agresser, on doit dire qu’elle a été agressée. C’est ainsi qu’on les protège ». 

Les nouveaux outils de lutte

Les réseaux sociaux ont grandement participé à lutter contre les violences sexuelles. Pour la première fois, les victimes ont pu s’exprimer librement. Bénéficiant d’un grand mouvement de soutien (le #BalanceTonPorc par exemple) elles ont su s’y faire entendre, là où auparavant elles étaient délaissées par les grands médias et absentes des plateaux télévisés.

Selon Pauline Ferrari, journaliste chez Madmoizelle, Internet est un lieu d’apprentissage sur les combats féministes, «les grands journaux parlent peu de tout ce qui est identité de genre et sexualité, contrairement aux nouveaux médias et aux réseaux sociaux ». Elle explique aussi que le web se soucie autant des grandes affaires médiatiques que des affaires particulières.

Les enquêtes nominatives, mettant en scène les agresseurs qui jouissent d’un grand pouvoir médiatique, permettent de comprendre pourquoi ils arrivent fréquemment à faire taire tout le monde. Les journalistes se servent de faits particuliers pour mettre en lumière ces crimes qui sont beaucoup plus communs que l’on ne pense. C’est un phénomène extrêmement répandu qui touche énormément de victimes, bien différentes les unes des autres. Pauline Ferrari reconnaît l’importance de se consacrer aux faits isolés, «quand on parle d’un féminicide précis, cela nous permet de faire comprendre aux gens que des milliers de femmes vivent cette réalité au quotidien ».

Tous les formats sont bons

Aujourd’hui, il y a divers moyens de combattre les violences sexuelles. En plus des réseaux sociaux, on peut citer les enquêtes journalistiques. Le documentaire de Marie Portolano intitulé, Je Ne Suis Pas Une Salope, Je Suis Journaliste, en est le parfait exemple. Le monde de la musique n’échappe pas au phénomène, la chanteuse belge Angèle est notamment reconnue pour ses musiques engagées. Enfin, quand la presse et les voix ne suffisent plus, les gestes prennent la relève. Le départ d’Adèle Haenel à la cérémonie des Césars 2020 vaut plus que dix mille mots.